Prologue : l'attente

17h15, après m'être trompé d'entrée ("Ah non Monsieur, ici, c'est l'entrée du Musée seulement") et m'être encore perdu dans les allées du carrousel (pourtant, c'est au même endroit que pour la présentation de la 3DS il y a 3 mois), je rejoins enfin Tcho Bilout, excité comme une puce de pouvoir enfin apercevoir le créateur de son préféré (encore heureux vu qu'il est le fondateur du site Uncharted-France). Visiblement, le carrousel plaît pour les événements gaming. Mais c'est normal vu la renommée internationale du Musée du Louvre et de sa pyramide. Christophe Balestra lui-même a twitté à ce sujet.

Malheureusement, ce Uncharted 3 : Drake's Deception nous fait subir une déception avant même que l'event ait commencé (oui, je sais, elle est nulle) : les portes ouvriront avec plus de 20 minutes de retard et la démonstration en live de Uncharted 3 effectuée par son créateur est annulée. En effet, Christophe avait avec lui le disque de démo mais ce dernier ne fonctionne qu'avec un kit de développement PS3. Malheureusement, la console sur place est une "debug", ce qui n'est pas la même chose. Tout le monde s'est alors empressé de rechercher parmi leurs réseaux qui serait susceptible d'avoir un devkit. Mais quand ils en trouvèrent finalement un.... le jeu refusa de se lancer dessus. Heureusement, ils avaient à disposition le trailer du jeu. Maigre lot de consolation pour les fans dans l'assistance car ils l'avaient sûrement tous déjà vu. Mais cela n'as pas empêché les intervenants de faire une bonne petite conférence sur les liens entre cinéma et jeu vidéo.

Starter : le trailer

Julien Chièze entre alors sur scène et introduit le sujet en présentant Christophe et Alexis et en nous proposant une vidéo sur les studios Naughty Dog. Nous avons alors droit à une petite featurette sur le studio, à la manière de celles qu'on peut trouver dans les bonus des DVD. Après ces quelques minutes d'intermède, Christophe Balestra arrive sur scène et est évidemment désolé de l'incident technique. Nous le sommes aussi mais c'est la vie. Julien Chièze lui pose ensuite quelques questions grâce auxquelles on apprend que le studio compte actuellement à peu près 90 personnes travaillant sur Uncharted 3 et que le trailer présenté ce déroule dans un château français. Ce n'est même pas une idée de Christophe mais d'Amy Hennig, creative director et scénariste chez Naughty Dog et auteure des scénarii d'Uncharted mais aussi réalisatrice et scénariste de Legacy of Kain : Soul Reaver, Soul Reaver 2 et Defiance. Un sacré CV tout de même. C'est elle qui a souhaité que Nathan voyage en France, en Grande-Bretagne et dans le désert, ceci en s'inspirant de la vie de Lawrence d'Arabie.

Le trailer commence alors et Nathan et Sully sont aux prises à leurs ennemis dans un château enflammé. Tout de suite, on remarque des textures légèrement meilleures et un son plus percutant (même s'il y a des chances pour que ce soit surtout l'effet de l'installation sonore de l'amphithéâtre). Les animations sont toujours aussi réussies et on voit tout de suite un travail sur les flammes et les effets de chaleur. Les combats au corps à corps sont d'ailleurs plus complets et variés et ont aussi l'air plus souples avec, notamment, la possibilité de combattre un adversaire alors qu'un autre nous tient (Et là, des souvenirs de Streets of Rage me remontent soudainement comme un flash en pleine figure !). Enfin, les effets de lumière sont toujours aussi beaux et la mise en scène toujours aussi dynamique.

Après le trailer, nous retrouvons Christophe pour un commentaire de la vidéo. Il parle alors du travail conséquent qu'ils ont réalisé sur le feu en tant que phénomène physique. Ils ont utilisé un système de particules et ont attaché de l'importance aux détails. On retrouve cette attention dans les papiers peints qui prennent feu ainsi que dans les comportements de Nathan pour lesquels ils ont créé des animations spécifiques pour augmenter le réalisme de ce comportement face aux flammes. Mais, comme toujours avec Uncharted, l'accent est mis sur la mise en scène et sur la volonté de raconter l'histoire tout au long du jeu de façon transparente. Ce travail demande une collaboration permanente entre les départements du studio afin que l'information circule et que la coopération soit bonne. Le jeu est actuellement en version alpha : tous les niveaux sont faits mais certains n'ont pas encore de texture ou il manque certains éléments. Cependant, il est possible de jouer et de tester les différentes idées de gameplay ou l'enchaînement des séquences. Ils travaillent également d'arrache-pied sur la partie "multijoueur". Une beta sera d'ailleurs proposée le 28 juin aux membres du PS+ et aux acheteurs de inFamous 2 et une semaine plus tard pour les autres. Apparemment, ils travaillent à l'implémentation d'une notion de "cinématique" dans la partie multijoueur (Ndsseb22 : ne m'en demandez pas plus, c'était très vague). Pour terminer la première partie de l'event, on a le droit à une nouvelle featurette, sur la Motion Capture, cette fois-ci. La particularité de la MoCap chez Naughty Dog est qu'il enregistre le son en même temps qu'ils filment les acteurs affublés de boules servant de repères à l'ordinateur. D'après Christophe Balestra, cela permet de capturer, en plus des mouvements, la spontanéité et l'énergie des acteurs. Enfin, la dernière séquence nous montre Amy Hennig en directrice de plateau lors du doublage du trailer qu'on vient de voir.

Main course : le débat

Pour commencer le débat, Alexis Blanchet nous parle des ponts qu'il existe entre les jeux vidéo et le cinéma, même si ce dernier est mieux imposé socialement. En fait, les jeux vidéo se sont démocratisés aux Etats-Unis dans les années 1970 lorsque Hollywood était au plus mal. Une symbiose s'est ainsi opérée tant au niveau financier qu'au niveau de la construction d'imaginaires car les premiers créateurs de jeux vidéo étaient des amateurs de pop culture, de Science-Fiction, de Westerns,... C'est pour cela que, très vite, des jeux vidéos adaptés de ces genres cinématographiques apparurent. En plus, cela permettait d'avoir des univers et des codes immédiatement reconnaissables pour les joueurs potentiels dans une époque où les graphismes des bornes d'arcade étaient simplistes et où la seule possibilité d'afficher quelques instructions et des images étaient la devanture et les panneaux latéraux des bornes. Et même les japonais ont usé du même stratagème car ça leur permettait, à une époque où le cinéma hollywoodien avait aussi débarqué au pays du soleil levant, d'avoir des thèmes universels.

Afin d'illustrer ses propos, Alexis nous propose une séquence vidéo issue d'un assemblage de celles de Manuel Garin disponibles sur son site. On y voit clairement des ressemblances dans les actions, les mouvements et plans de caméra ou les décors entre Buster Keaton et Super Mario, Le théâtre de Bob et Street Fighter II ou Douglas Fairbanks et Prince of Persia. Il est alors possible de voir ici un lien entre le spectateur des films des années 20 et le joueur des années 80. Une nouvelle vidéo présente cette fois-ci le côté "gamer" de Peter Jackson, James Cameron et Mathieur Kassovitz dans laquelle ils font leur coming out : "Bonjour, je m'appelle Peter/James/Mathieu et je suis joueur de jeux vidéo".

A la suite de ces coming out, Christophe Balestra nous parle du film "Uncharted" qui est en production. En production depuis de nombreuses années, en fait. Le processus de fabrication est visiblement long par rapport à ce qu'il se passe dans le milieu des jeux. Heureusement, il est ravi que ce soit David Russell qui le réalise et que des producteurs de Spiderman soit derrière le projet. Mais, suite à une question de Julien Chièze, il précise qu'ils n'ont pas et ne souhaitent pas forcément avoir un contrôle total du film. Ils laissent faire les professionnels du cinéma, tout comme il n'aimerait pas que Russell vienne lui dire comment faire son jeu.

Pour Alexis, Uncharted est emblématique des ponts entre cinéma et jeu vidéo. C'est un jeu inspiré de films qui va lui-même devenir un film : la boucle est bouclée. Il est aussi emblématique de l'évolution des adaptations en films de jeux. Les américains ont commencé par Super Mario Bros avec le résultat étrange que l'on connaît. Cependant, c'était stratégiquement un choix pertinent car c'était LE succès du début des années 90. Seulement, dans l'univers Mario, il est difficile d'avoir des éléments pour en faire un film. Après, ils ont essayé les arts martiaux avec Street Fighter, le genre aventure avec Tomb Raider (Ndsseb22 : pour arriver à quelque chose d'au moins correct avec Silent Hill et Prince of Persia). Pour les 3 derniers, il est clairement plus facile de les transformer en film car des éléments cinématographiques sont déjà présents. Christophe ajoute alors que la technologie permet aussi d'améliorer les possibilités dans le développement de créer des univers et retranscrire les émotions, le tout dans le but de raconter des histoires, ce qui est primordial pour lui (Ndsseb22 : ce en quoi il rejoint Eric Viennot et David Cage dans leurs propos du podcast de Gameblog 134 sur la narration).

Pour rebondir sur ce sujet, Julien pose la question sur l'existence d'une opposition entre le cinéma et ses émotions et le jeu vidéo et son interactivité. Selon Alexis, l'interactivité est effectivement une composante forte du jeu. Mais il faut savoir que l'intérêt de Hollywood pour le jeu vidéo, après les années 70 a évolué dans les années 90 avec l'arrivée du FMV et des jeux comme Phantasmagoria, Under a Killing Moon ou les séquences de Wing Commander III. De nombreux acteurs, en général habitués aux seconds rôles, ont vu en cela une opportunité pour avoir plus de travail. Et tout ceci a éduqué l'imaginaire des réalisateurs plus jeunes comme Peter Jackson ou les frères Wachowski qui l'intègrent dans leurs films. Pour Christophe Balestra, d'ailleurs, Avatar est un bon exemple. Alexis abonde en son sens en rappelant le slogan du film : "Enter the world" qui met l'accent sur l'univers et moins sur l'histoire racontée, ce qui est la promesse de la découverte d'un monde entier qu'un seul film ne peut contenir mais qu'il serait possible d'explorer grâce à un jeu vidéo. Ceci s'illustre techniquement par l'utilisation de plus en plus grande dans les films des 15 dernières années de grands plans d'ensemble qui invite à découvrir ces univers. D'ailleurs, Christophe regrette que les adaptations de films en jeux soient souvent ratées car ils ne sont traités qu'en simple produits dérivés. Pour lui, la meilleure adaptation de ces derniers temps est Batman : Arkham Asylum et les trois intervenants sont d'accord pour dire que ce n'est pas techniquement l'adaptation d'un film mais d'un univers. Et ils ont surtout eu les moyens et le temps de le développer car ils n'étaient pas assujettis à une deadline liée à la sortie d'un film. Le temps de développement est important car il a fallu 3 ans pour faire Uncharted avec le développement des outils et du moteur puis deux ans pour chacune des suites. Julien ajoute qu'il faut aussi que les studios ouvrent leurs portes et leur information aux développeurs pour qu'ils aient accès au maximum d'information (ndsseb22 : et ça ne semble pas être toujours le cas, malheureusement).

Finalement, la conclusion se fait sur les codes de ces 2 médias. Ils sont différents et Uncharted a cette capacité à jouer sur la position du joueur par rapport à la mise en scène de manière intelligente et d'utiliser les codes du cinéma en filigrane. C'est ce qu'à Naughty Dog ils appellent IGC pour "InGame Cutscene". Alexis termine en évoquant que certains studios comme Rockstar récupèrent les genre cinématographiques un par un pour faire des jeux. Il sufit de regarder leurs jeux depuis 2008 : GTA4 pour le film de gangster, Red Dead Redemption pour le Western et L.A. Noire pour le film noir.

Rendez-vous en novembre pour la sortie de Uncharted 3 : L'illusion de Drake

Conclusion : la mezzanine

Fini le compte-rendu fidèle, place au fanboy. Je crois que mon point culminant du mois, que dis-je, de l'année en tant que joueur a été atteint ce soir : je me suis retrouvé avec un pass VIP de l'event permettant d'accéder à la mezzanine où Christophe Balestra donna 4 interviews (dont celle de Gameblog) et où tous les journalistes et invités se retrouvaient pour discuter. Malheureusement, Christophe Balestra n'a pas eu une minute à lui mais j'ai eu l'occasion de discuter avec une partie du microcosme du monde de la presse française vidéoludique. Mais avant de vous faire part de ces conversations, j'aimerais remercier Gregory Delfosse de SONY et Marianne et les équipes de E. Leclerc d'avoir organisé cet événement mais surtout Christophe Balestra d'être venu.

M. Delfosse a en effet un peu parlé de l'emploi du temps de Christophe Balestra pour ce week-end et c'est du sport ! Arrivé le samedi matin à un aéroport de Paris à 10h, j'imagine qu'il avait rendez-vous sur rendez-vous jusqu'à ce qu'il arrive au carrousel du Louvre. La conférence dure de 18 à 19 heures et, avec le rangement, les interviews et la séquence de dédicace (j'ai fait signer mon Uncharted 2 et Tcho Bilout a eu des autographes sur son artbook et son press kit), il est parti à 20h45 pour un autre rendez-vous à 21h. Evidemment, son avion décolle de Paris le dimanche matin à 9h, il arrive donc vers midi à Los Angeles, heure locale, et.... il va directiement à Naughty Dog pour continuer à bosser ! Et même pas le temps d'aller à son bar préféré à Saint Germain, sa femme le surveille par SMS et via Gregory. Et oui, la vie, c'est dur, parfois ! :-D

Mais j'ai donc également discuté avec des gens très sympas, à commencer par Douglas Alves qui, comme il l'indique sur son profil twitter, est journaliste, historien du jeu vidéo, créateur de jeu, demomaker et plus encore. Grâce à lui, j'ai pu me remémorer mes souvenirs de la scène Amiga. Il m'a d'ailleurs montré la démo "Oxygene" que Christophe Balestra a faite avec une équipe de demomakers sur Amiga il y a une vingtaine d'années lorsqu'il opérait sous le pseudonyme OXBAB. Ils avaient réussi à faire un petit moteur 3D, avec démonstration d'un jeu de course, des formes en tridimensionnelles avec textures, shading et reflets. Le tout en 860kio, ce qui tient dans une seule disquette . Chapeau, les artistes ! Il m'a parlé de ses projets dans le domaine de l'histoire des jeux vidéos et de l'informatique. On a également discuté de l'association MO5 puisqu'il en fait partie. Ils étaient d'ailleurs venus en force, à 4 ou 5 pour faire un coucou à Christophe. Quelle équipe soudée !

Pour terminer, j'ai pu me glisser dans une conversation entre Cyril Drevet et Alexis Blanchet. Ce dernier était en train de raconter son périple vidéo-ludique (joueur jusqu'à la SNES puis un "arrêt-maladie" de quelques années avant de reprendre à partir de la N64) à Cyril tout en lui racontant ses souvenirs de lecteur de Player One. Journaliste dans ce magazine, Cyril n'était pas étonné d'apprendre qu'un ami collégien d'Alexis avait, à l'époque, réussi à obtenir un mini stage dans la rédaction de Player One simplement en appelant et en demandant. Voilà des journalistes proches de leur public dès les années 90. Heureusement, il y en a toujours des rédactions comme celle-ci.

Galerie de photos (pour les curieux, j'ai pris des photos du devkit PS3) :

Event Uncharted 3 au carrousel du Louvre