La
plupart des jeux d'aventure comportent leur lot d'énigmes (ou
« puzzles ») qui ponctuent la progression du joueur dans l'histoire. Ils comportent également toute une série d'objets à chercher, assembler,
utiliser afin de faire avancer le scénario. Ces éléments, avec d'autres, rendent l'aventure interactive et la distinguent d'un simple roman
vidéo. D'ailleurs quand les jeux négligent cette composante, les joueurs ont tendance à râler, et à rappeler qu'ils ne veulent pas d'un rôle
passif, aussi belle soit l'histoire qu'on leur raconte. C'était un peu
le cas par exemple de Dreamfall, la jolie suite de The Longest Journey : on y allait d'un point A à un point B, on
lisait les dialogues, mais il y avait très peu de place pour un vrai
gameplay.

A croire que le gameplay d'aventure
s'est un peu perdu, comme si la définition du mot gameplay devait rimer
avec combat, course ou plateforme. Comment peut-on raconter une histoire autrement qu'avec des dialogues ou des cinématiques ?

Il existe au contraire des jeux qui font presque totalement l'économie d'un scénario, de dialogues ou de
cinématiques, et qui reposent entièrement sur un gameplay d'aventure
pour raconter une histoire. Ce sont entre autres les jeux de type
« Escape the room » (comme l'emblématique Crimson Room ci-dessus). Le présupposé de base est toujours le même : le joueur (ou
le personnage) se retrouve enfermé dans une pièce sans savoir pourquoi
ni comment sortir ; il doit alors fouiller partout à la recherche
d'objets ou d'indices qui lui permettront de s'échapper. Parfois ces
objets dévoileront par fragments une histoire et donneront un début de sens à la situation du
protagoniste : lettres, journal, mémos... Mais la plupart du temps rien
n'est expliqué. La majorité de ces jeux d'énigmes pures ne sont qu'un
assemblage astucieux de casse-têtes.   Dans les plus réussis, quelque
chose est tout de même raconté à travers le décor, les objets, le
gameplay, le style graphique
. Est-on dans une chambre ou un salon à
l'aspect quotidien ? Dans une cellule dénudée servant de laboratoire à
des expériences saugrenues (comme dans la série Terminal House,
ci-dessus Rental House) ? Y a-t-il des traces de personnes déjà passées par là, ou tout est-il trop bien rangé pour être honnête ?

Certains jeux utilisent des décors très
soignés, des univers presque luxueux parfois qui génèrent une impression d'étrangeté très réussie : comment peut-on être enfermé dans un salon
chic décoré de bonsaïs et de vases précieux, sans avoir apparemment
aucun moyen de sortir ? Pourquoi les indices sont-ils cachés dans des
tableaux, des statuettes démontables ?... D'autres jeux optent pour un
univers complètement imaginaire et décalé, parsemé de machineries
étranges : le joueur n'a alors pas la moindre idée de la façon dont tout ça se manipule et de leur raison d'être - encore moins de la raison de
sa présence. Il doit tâtonner parmi des artefacts et des symboles sans
connaître la religion, le code, la science ou la magie qui en régit
l'ensemble
.

Généralement on n'a pas tellement plus
d'explications après avoir réussi à sortir : on quitte la pièce close
comme on se réveille d'un rêve illogique et bizarre, sans pouvoir y
revenir. Mais on a bel et bien vécu une aventure, une histoire sans
mots. Les « vrais » grands jeux d'aventure gagneraient sans doute à
faire à nouveau confiance à ce genre de gameplay, pas seulement pour
fabriquer de la durée de vie, ni pour avoir un semblant d'interactivité, mais pour créer des ambiances, des univers. Un univers vit aussi par
les objets qui le composent et par le type de logique qui les lie entre
eux.  A suivre dans un autre billet. :)

En attendant, voici ma petite sélection
de jeux de type « Escape », certains étant moins puristes que d'autres
dans la forme, puisqu'ils prennent place dans plusieurs salles au lieu
d'une ou sont parfois assez scénarisés.

The Submachine (ci-dessus) : un vrai bijou. Il s'agit d'une
série de plusieurs jeux qui se suivent plus ou moins. L'univers est
complètement fumeux, on commence ainsi dans un phare enterré (!), et on
explore toutes sortes de tunnels, salle de labo... C'est l'oeuvre de
Mateusz Skutnik, et il a signé quelques autres titres que je ne saurai
trop conseiller également.

Trapped (ci-contre) : trois chapitres pour suivre ce jeu scénarisé. Les deux
premiers possèdent un style isométrique très mignon qui leur donnent un
air de miniature assez charmante (même si du coup le pixel hunting est
parfois laborieux... enfin surtout au pad sur un portable ^^'). Beaucoup
d'humour également et une difficulté bien dosée, ce qui en fait un jeu
très agréable.

 

Et pour finir deux Escape plus puristes : The White Day et O Quarto. Le premier est l'un des très nombreux jeux d'Escape réalisés par Idac : j'aurais pu choisir n'importe lequel d'entre eux, ils sont tous très
bien réalisés, avec de très beaux décors et des énigmes pas piquées des
vers qui fonctionnent généralement bien.
Le deuxième est brésilien (version anglaise dispo, mais pleine de
fautes) et propose des énigmes assez originales et bien pensées,
toujours dans une seule chambre, comme il se doit. Un deuxième jeu, O Cofre propose la suite de cette évasion.

 

Sans oublier un lien indispensable : le très sympathique site Lambda, qui collectionne les jeux d'Escape mais pas seulement, et fournit pour
chacun une solution testée. Parfois bien pratique ! ;)