Basé sur des courses sauvages (en plein trafic), la série Burnout se
caractérise par ses crashs de bolides. Le prix à payer d'un tel système
de jeu : aucune licence de voitures, pilotes ou de circuits. C'est de
cette apparente privation que Burnout parvient à tirer toute sa
quintessence. Car à la fois élément de jouabilité indissociable de
l'identité de la série, le crash est un élément de violence esthétisée
au fil des épisodes, comme peut l'être, d'une autre manière, le film de
David Cronenberg : Crash.

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Comme dans ce film, la voiture de Burnout est appareil de fantasmes.
Dans Burnout, on ne conduit pas véritablement de voitures, mais une
idéalisation de ce qu'on voudrait que la voiture soit. Les
voitures de Burnout sont du rêve, comme l'on vend du rêve et de l'être
dans les publicités pour les automobiles. Ce rêve, c'est celui de
l'enfant devant ses petites voitures, s'élever au dessus des autres à
travers sa monture mécanisée, en quête d'exploits.

Ainsi donc, dans Dominator, chaque voiture sait saisir l'essence de la
catégorie où elle se trouve. Des designs imaginaires délicieusement rétro pour les classiques, brutes pour les voitures d'usines, bardées d'aplats et
de bandes de couleurs pour les voitures de tuning, ou encore, une
palette de voitures pour la catégorie course, allant de la touring car à la formule 1 en passant par une super car. Chaque design, chaque trait, presque dans la caricature, ne renvoie pas tant aux voitures réelles,
mais à celles déformées et embellies par notre imaginaire, nos
souvenirs, nos représentations d'elles. N'y a-t-il pas un peu de design
Hot Weels dans ces voitures et en premier, celles qui leur ressemblent
le plus, les Hot-Rods (idée esquissée à la fin de cet article sur Zero Infinite).

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Jouet entre nos mains (à travers la manette), la petite voiture de
Burnout, comme dans la série Need For Speed par ailleurs, enivre
l'esprit sur lequel, 
le studio Criterion a projeté l'immanquable ivresse liée à la conduite à grande vitesse : effet de blur (un flouté sur les bords de l'écran),
longues et éclatantes traînées étincelantes au moindre contact, moteur
hurlant, crissements intempestifs. Le jeu fait dans la l'hyperbole et
propose en sus un enchaînement de coups explosifs de nitro, la fameuse
jauge Burnout à qui l'on doit le titre du jeu, véritables turbos.
Autoalimentée par le risque pris par le joueur dans le trafic, la jauge
est la condition nécessaire pour permettre ce à quoi l'enfant, ici
principalement l'adolescent (le jeu est habillé pour lui) cherche :
rendre possible l'impossible. La succession de Burnouts est une spirale
vers les montées d'adrénaline. Le joueur s'offre alors un zigzag
improbable dans la circulation à esquiver de près, à éjecter ses
adversaires teigneux, revanchards (on notera que Burnout Revenge
permettait de bousculer tous les automobilistes, se rapprochant alors
plus des auto-tamponneuses).

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Survient quasi inévitablement le crash, une coupe dans le temps, pour se focaliser sur la tôle froissée, 
le temps d'un ralenti. La voiture s'envole dans les airs pour une
éternité, un chaos glorifié, pur, immédiat, figé, beau. Fracas de
violence, externalisation d'énergie brute, mais sans pilote. Eclatée,
déformée, les portes s'envolent et révèlent une petite voiture vide (idée notée sur le blogue Jeux Ideaux). Jouet, il est possible néanmoins
de la diriger ou la faire exploser, en espérant emporter les adversaires dans notre propre destruction. Mais ce moment a-t-il vraiment existé ?
Comme un mauvais rêve, la voiture reprend place sur la route, rutilante, prête à redémarrer la course. Burnout est la quête de la jouissance
sans contrainte et surtout sans conséquence, peut-être en rapport avec la fameuse "domination", comme le suggère le titre du
jeu, premiers relents de la toute puissance virile.

 

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