Cet article est un extrait du test que j'ai écrit sur Final Fantasy VIII.
Pendant le dernier tiers de l'histoire,
alors que la tension est à son paroxysme, les deux personnages principaux sont
envoyés hors du monde, sur une base spatiale aux forts relents kubrickiens. À
la suite d'un envoûtement, Rinoa est inerte mais toujours en vie. Squall la
porte partout où il va, comme un symbole de ses sentiments. Et lorsque Rinoa se
réveille enfin, manipulée par les charmes d'une sorcière venue du futur, elle s'échappe
de la base pour aller voguer dans l'espace. En même temps, elle réveille une
créature emprisonnée depuis des décennies et déclenche l'apocalypse sur terre.
Tandis que Squall se précipite à la
rescousse de sa belle, une séquence cinématique époustouflante nous montre
Rinoa à la dérive dans l'obscurité de l'infini. Sa réserve d'oxygène s'épuise,
elle attend la mort avec calme. Et là, un évènement mineur se voit décuplé par
la puissance de la mise en scène : Rinoa expire, de la buée se forme sur
son casque, et l'on entend le souffle retentir au milieu du silence. Ce son est
plus fort encore que n'importe quelle parole. C'est la première fois, au bout
de très nombreuses heures de jeu, que l'on entend un son humain ! L'impact
émotionnel de cette séquence est sans pareil dans l'histoire du jeu vidéo.
Évidemment, Squall vient à son
secours. Il l'entraîne sur un vaisseau abandonné. Tous les deux seuls dans l'espace,
contre la mort, vont devoir éliminer des monstres colorés pour prendre le
contrôle de l'engin. C'est encore leur histoire d'amour qui s'écrit pendant ces
séquences de combat. Et puis, lorsque le calme est enfin revenu, les deux
personnages se déclarent enfin leurs sentiments. Rinoa accrochée au cou de
Squall, ils mettent le cap sur la terre et profitent de cet instant de répit
avant la tempête pour s'aimer. Même la très kitsch chanson de Faye Wong "Eyes
on Me", qui résonne à ce moment-là, devient touchante. On sait qu'en-dessous,
des milliers de monstres sont en train de saccager la planète ; on s'imagine
le pire. Mais installés dans leur vaisseau, à des milliers de kilomètres de cet
enfer, Squall et Rinoa semblent seuls au monde.
Cette parenthèse dans l'espace est clairement le
passage le plus lyrique, le plus romantique et le plus mémorable du jeu (avec la
toute fin et ses dix minutes de cinématiques inoubliables). Elle ressemble un
peu, dans son amplitude, à la scène d'opéra dans Final Fantasy VI où, là aussi, on entendait pour la première fois
une voix humaine. Bref, un très grand moment.