Entrez dans un monde merveilleux. Un monde peuplé de champignons et de tortues ; un monde où les nuages et les buissons ne font qu'un ;  un monde où les éditeurs ne font pas des jeux pour de l'argent ; un monde où nous sommes tous des frères et nous nous prenons par la main pour chanter kumbaya. Prenez un siège mes amis, et découvrez un monde où les jeux ne baissent pas de prix au fil du temps, et où on passe deux fois à la caisse avec un grand sourire, et un merci en prime. Bienvenue dans la Secte Nintendo.

Je ne suis pas là pour parler de Nintendo. Je m'en fiche un peu d'ailleurs. Je joue régulièrement sur des consoles Nintendo, qu'elles soient récentes ou passées. J'apprécie énormément de jeux Nintendo et je m'incline face à certaines perles qui passent le temps sans prendre la moindre ride. Je ne me prononcerai pas non plus sur la Wiiu, mais ma position ne change toujours pas : tant que les propositions concurrentes n'ont pas été dévoilées, mon achat de huitième génération attendra.

Non, ce qui m'intéresse ici, c'est la secte qui se forme autour de Nintendo. Cette armée de glaives marchant d'un même pas,  changeant de direction avec une précision martiale à chaque déclaration de ses gourous. Un sentiment qu'on ne retrouve à un tel niveau que chez Apple, et qui, je vous le confesse, me glace le sang. Pour l'un comme pour l'autre.

Pour la même raison que j'ai envie de pleurer en voyant des joueurs défendre l'abonnement Gold du Xbox Live ou les Passes en Ligne de Sony, je ne me reconnais absolument pas dans ces mouvements panurgiques à l'ADN consanguin. Oui, celle là, elle est dure. Je sais. 

Ce que j'essaye de dire par cette violente accusation, c'est que la limite entre le plaisir du joueur et la fanatisation malsaine se trouve de plus en plus ténue lorsque je lis les réactions de plusieurs joueurs. Chez Nintendo, le moindre petit détail déclenche l'acclamation de la foule, telle une armée de fidèles sur la place Saint-Pierre. Nintendo joue les mêmes licences depuis trente ans, mais annoncer qu'il en sera de même pour sa sixième console de salon, devient un évènement en soit.

On se réjouira également de voir que les deux premiers Zelda de ses deux nouvelles machines sont des remakes. En éprouvant ses développeurs sur le nouveau hardware en réutilisant un game design existant, Nintendo se fait la main certes, mais nous prive du « Wow Effect » de découvrir un Zelda totalement original sur une nouvelle console. Avec cette transition en deux étapes, nous perdons de la force évocatrice qui aurait pu être la notre, mais peu importe, parce que c'est trop bien et sans aucune contestation possible !  

Ne cherchez pas à discuter avec un membre de l'Ordre du Temple de l'Eau, ils sont imperméables au débat comme à la logique. Car oui, ils seront les premiers à défendre l'orientation « entre deux générations » de Nintendo en prônant que la course à l'armement technologique nuit à la créativité, et que ce qui compte c'est le plaisir de jeu. Car oui, nous vivons dans un monde où ces deux facteurs sont incompatibles, tout le monde sait ça.

Mais curieusement ces mêmes joueurs vont mettre en avant la qualité graphique du remake de WindWaker ou du prochain titre de Monolith Software. Sans doute faisaient ils aussi partie de cette génération qui vantait la surpuissance technique de la SNES face à sa rivale de Megadrive. Oui la puissance technique ne sert à rien, quand Nintendo n'en veut pas. De même que le jeu en ligne n'est pas important tant que Nintendo n'en fait pas. 

C'est ce manque de cohérence qui me fatigue et me terrifie face à notre propre jugement détaché de simples joueurs, de ludophiles. Comme si on ne pouvait pas rédiger de critique sur un Pixar parce que « ta gueule, c'est pixar ». Comme des fanatiques se jetant du haut d'une falaise par fidélité à leur Empereur, cette caste d'adeptes, ce noyau dur du culte Nintendo me fiche une trouille bleue, parce qu'on ne parle plus de jeu vidéo, non. Tout ceci dépasse de loin le cadre du ludisme, et du bon sens, pour devenir quelque chose de bien plus malsain et incontrôlable. On a applaudit le passage à la HD de Nintendo, non mais sérieusement ?! 

Aujourd'hui Nintendo se passe de la presse pour annoncer ce qu'il veut, quand il le veut. Nintendo se passe de l'offre et de la demande en ne baissant pas les prix de ses longsellers, ou en proposant des jeux dématérialisé âgés de deux décennies à près de dix euros. Pire, vous impose une taxe supplémentaire si vous voulez les transférer sur sa nouvelle machine. Non j'exagère, le pire, finalement, c'est que les adeptes l'acceptent avec un filet de bave sur les commissures des lèvres. Nintendo alimente bien consciemment un environnement autarcique dont le Miiverse est la sainte cathédrale, une vaste prairie d'herbe grasse où les jeunes femmes courent, nues, un verre de GHB dans la main. Combien se réveilleront violées et couvertes de vomi ?  

 

Le culte du secret chez Nintendo engendre un autre culte, bien plus perturbant, porté par le volontarisme de ses membres les plus extrémistes, éradiquant de ce fait la moindre réflexion et autre prise de recul pouvant apporter une once de débat. Peu importe le constructeur ou l'éditeur, à la fin c'est le jeu que nous avons entre les mains et le confort de l'interface utilisée qui compte. Qu'avons-nous, joueurs, à gagner en défendant aveuglément l'un ou l'autre quand nous ne sommes pour eux que des unités de rendement sur un bilan trimestriel ? 

 

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