Tout l'internet ne parle que de ça : Sony a enfin levé le voile sur sa PSP2, qu'il faut maintenant nommer NGP, pour Next Generation Portable.
Des atouts et des faiblesses
Au
premier abord, la machine est séduisante. Si la question du look et du
nom reste propre à chacun, il faut tout de même avouer que la console
semble en avoir sous le coude. Dotée de caractéristiques techniques
impressionnantes, la nouvelle bête de Sony est aussi multi-fonctions :
GPS, 3G, deux écrans tactiles, gyroscope, etc. Rajoutons à cela la
présence de deux sticks analogiques, qui devrait permettre une
maniabilité enfin à la hauteur, pour conclure qu'au premier abord, le
tableau est séduisant. Au niveau des déceptions, on regrette que la
machine n'ait pas de véritable « plus produit » à proposer. Si la 3DS
axe sa promo sur son écran 3D et que l'iPhone possède ses fonctions de
téléphone pour plaire, la NGP passe seulement maintenant au tactile, des années après tout le monde. Une feature bien banale de nos jours.
Au
niveau des interrogations, le nom de la machine est sujet à controverse. Si la dénomination NGP est vendue comme provisoire, pourquoi ne pas
avoir gardé le nom de code PSP2 ? Et si le nom final s'avère justement
« PSP2 », à quoi bon tout ce ramdam ? Peut-être que Sony compte sur la
compatibilité annoncée avec la PS3 pour lui choisir un nom approprié
(PS3 Portable ou PS3 Plus, par exemple ?). Le facteur prix s'annonce
aussi délicat Si la 3DS est déjà chère du haut de ses 250€, la NGP ne
devra pas viser beaucoup plus cher si elle souhaite s'imposer.
Malheureusement, les capacités de la machine iraient dans le sens d'un
prix supérieur. Mais attendons confirmation, Sony parle d'un prix
« abordable ». Le constructeur doit-il jouer le tout pour le tout, en
cassant la tirelire pour vendre sa machine à perte, au même prix que la
3DS ? Enfin, la date de sortie fixée à la fin d'année (du moins, au
Japon) risque de voir la NGP souffrir du syndrome de « dernière
arrivée ». La 3DS sera déjà implantée depuis 9 mois et, qui sait, Apple
aura peut-être dégainé son iPhone 5.
NGP > PS3 ?
La plus grosse question que pose la conférence de Sony réside dans la
compatibilité annoncée de la NGP avec la PS3. Si les contours d'une
telle démarche sont encore flous, Hideo Kojima a laissé entendre qu'il
serait possible d'entamer une partie sur PS3 pour la poursuivre sur NGP. Si cela s'avère exact, l'intérêt pour le joueur devra être examiné en
fonction de l'autonomie. En effet, à quoi bon posséder deux
« terminaux » de jeu, dont un serait dédié au déplacement, si la NGP ne
peut être active que quelques heures ? Pour reprendre l'exemple de
Kojima, avec MGS 4, il est difficile de s'imaginer vivre les longues
cinématiques du jeu pendant son trajet de métro. Une fois arrivé à
destination, devrait-on interrompre la séquence en plein milieu en
mettant en veille sa console, pour poursuivre un peu plus tard dans son
salon ? La perte d'immersion serait colossale.
Mais
au-delà de cette considération terre-à-terre, le game design d'un jeu
sur nomade est complètement différent de celui d'un titre sur console de salon. Metal Gear Solid Peace Walker s'est distingué de MGS 4 par son
découpage en missions brèves, avec des sauvegardes constantes. Les deux
produits sont donc très différents.
D'un
point de vue technique, si la NGP semble très puissante, elle n'égalera
certainement pas le hardware PS3 (même si l'illusion sur un écran de
plus petite taille peut fonctionner). Il faudra donc choisir sur quelle
base développer son jeu. Un développeur accepterait-il niveler son
produit vers le bas pour permettre une version efficace sur portable, au détriment de la version salon ? A la vue des coûts de développement mis en jeu, certainement que non. Une autre option serait d'imaginer que
cette compatibilité permettrait simplement, à la manière de la PSP-2000, de passer l'image de la NGP sur sa télé. L'intérêt serait au final
assez limité. Avec cette nouvelle machine, Sony poursuit donc dans la
voie initiée avec la PSP : rapprocher au maximum l'expérience sur
console portable de celle sur console de salon. Une démarche à l'opposée de celle de Nintendo et Apple.
La PSP Go! a bien refroidi les ardeurs de Sony : le tout
dématérialisé dans une petit console à slide n'a pas eu l'écho escompté
auprès des joueurs. Néanmoins, nous trouvons que le choix de Sony de
faire volte-face est étrange. Avec la NGP, le constructeur persiste et
signe dans le 100 % gamer. Même Nintendo, qui historiquement prônait le
jeu vidéo envers et contre tout, rebrousse chemin en présentant avec sa
3DS des featurettes communautaires, cela pour ce rapprocher du
mastodonte Apple. Sony de son côté dévoile bien le Near, un pseudo
Street Pass, mais le focus a fortement été mis sur le jeu : la
gyroscopie, la technologie Sixaxis, deux sticks, deux écrans tactiles,
deux caméras et une puissance embarquée monstre. Pourquoi ce choix ? La
PSP Go! fut un four, certes, mais sa commercialisation a-t-elle été bien été réalisé ? Comment faire du dématérialisé sans 3G ? Autant de
questions qui pourraient expliquer l'échec de la nomade au tout
dématérialisé. La direction entièrement tournée vers le jeu vidéo est
donc quand même bien étonnante, car l'ennemi de Sony n'est plus
réellement Nintendo (allez, si un peu quand même), mais bien Apple et
ses iPhone, iPod Touch et iPad. Se tourner réellement vers le marché de
la téléphonie n'aurait-il pas été possible dès à présent pour Sony ?
Pour nous, abandonner le marcher des consoles nomades aujourd'hui,
n'était pas quelque chose d'inenvisageable. Avec l'expertise et
l'expérience glanée avec la PSP Go!, les accords négociés auprès des FAI de par le monde et l'armature du PSP Phone (qui ne cache pas sa parenté avec la PSP Go!), Sony aurait pu surprendre et jouer un joli coup de
poker. De plus, en développant des titres avec autant d'égard que des
jeux First Party et en attirant les autres éditeurs (qui se tournent
d'ores et déjà vers Apple), ce téléphone-console de jeux aurait très
bien pu jouer dans la cour de l'iPhone (avec en plus un mode de contrôle supérieur). Sony-Ericsson va commercialiser
le Playstation Phone, mais quel va être son positionnement ? Va t-il
profiter des portages NGP ? Sûrement pas, vu la bête de technologie que
cette PSP 2 se trimballe. Ce ne sera donc sûrement qu'un téléphone à
l'accent de console, alors que cela aurait pu être l'inverse ! Sony ne
pourra sans doute pas jouer sur tous les fronts, les éditeurs tiers non
plus. Le projet de la NGP est d'être une console portable dans un salon, alors que la bataille se déroule dans la poche des gens, dans leurs
sacs, à chaque seconde. La téléphonie aurait pu être une opportunité.
Apple l'a compris, pas Sony !
Certes, pour cet article, nous avons sorti la boule de cristal et
le costume Paco Rabanne. Le but n'est pas de donner des conseils à Sony, mais plutôt de partager notre étonnement. On ne peut souhaiter qu'une
grande et belle réussite à cette console, qui va, espérons-le, porter
haut et fort le jeu vidéo, mais nous pensons que le marché est proche
d'un virage important. Un changement perpétré par un acteur que nous
n'avons finalement pas trop vu venir, et pire, qui n'a pas encore joué
toutes ses cartouches. Sony avait les cartes en main et le chemin tout
tracé pour chambouler l'échiquier. Leur décision a été tout autre, on
verra bien.
Par Med et CouCou