Histoire de vous mettre dans l'ambiance, je place une petite musique issu de la magnifique BO du jeu, trop courte mais tellement grandiose.

Journey, je ne l'attendais pas plus que ça, mais je le surveillais du coin de l'oeil. J'avoue que son esthétique m'a charmé dès les premières images, je n'ai pas fait la béta et j'ai évité le maximum d'infos sur le jeu pour pouvoir en découvrir le plus possible, et j'avoue que les éléments que j'ai entendus ici et là ont fait preuve d'un rare respect pour préserver le mystère autour du jeu en dévoilant le moins possible autour de ce qui se passe. Du coup, la seule chose que je connaissais du gameplay en lui-même, c'est que le but du jeu était d'atteindre la fameuse montagne. Et pour ceux qui n'ont pas succombé au jeu et veulent garder du mystère, il faut peut-être éviter de lire ce qui va suivre.

Journey commence en plein milieu du désert. Un être, tout vêtu de rouge, tombe du ciel. Il avance au milieu des dunes et se retrouve face à un paysage onirique surplombé d'une grande montagne d'où jaillit un faisceau lumineux. Après quelques minutes de jeu, on constate la grande force des développeurs: leur game design. A aucun moment, le jeu ne vous dit quoi faire, tout est fait pour être logique et cohérent. Je n'ai pas passé trois plombes à chercher ce qu'il fallait faire, le jeu est tellement épuré de tout ce qui est inutile qu'on sait à chaque instant où aller et quoi faire. A part trois indications des commandes au début du jeu (tourner la caméra, sauter et créer une onde sonore), c'est absolument tout ce que vous saurez de tout le jeu. Toute l'explication passe par les images, qu'elles soient fortes ou en apparence mineures, le jeu pousse son visuel au devant de la scène à travers un game design et un level design excellent de bout en bout. Tout comme l'histoire et l'univers du jeu, compréhensible par quelques cinématiques en fin de niveau qui ne parle que par le visuel.

Le jeu se découpe en zone, avec chacune une thématique forte et une couleur dominante. Les décors sont variés, et on aura même droit à un niveau "aquatique" (ceux qui ont fait le jeu sauront de quoi je parle). Le sable est évidemment omniprésent, et les décors jouent magnifiquement sur leur simplicité et l'épuration. De ce fait, le gros travail est au niveau artistique qui est sublime. Parce que techniquement parlant, il faut reconnaître que ce n'est pas ouf: modélisation grossière des décors, textures légères. Sauf que c'est la grande force du jeu: on l'oublie totalement. D'abord parce qu'il aborde un style qui oscille entre cell-shading et semi-réaliste, ce qui confère au jeu une patte très particulière: les couleurs sont très présentes sans être vulgaire comme on le voit dans certains jeux en cell-shading. Ajoutez à ça beaucoup d'éléments silhouettés qui permet d'ajouter encore plus de cachet au jeu, et surtout un plus gros travail sur le côté FX (mouvements du sable, particules...), et on se rendra compte au final que les développeurs ont su exactement où ils voulaient aller, en rajoutant uniquement ce qui était nécessaire et en travaillant chaque zone comme un immense tableau à explorer. Ça en devient un orgasme pour les yeux.

Niveau gameplay, j'ai constaté avec bonheur qu'il était largement plus intéressant qu'un Flower, qui, même si sur le coup j'avais bien accroché pour son côté relaxant, était basé sur un seul concept. Ici, la force de Journey est de proposer de multiples types de gameplay (du surf, des énigmes, un poil de plate-forme et même de l'infiltration) mais dans un ensemble basé sur les mêmes commandes, tous intégrés à merveille dans un seul et même concept. Evidemment, ces formes de gameplay sont et resteront au stade embryonnaire, et les mécaniques de gameplay seront toujours très simple. Néamoins, Journey offre quelque chose de plus par rapport aux autres production thatgamecompany: Journey est un vrai jeu. Pas uniquement basé sur un concept. Aller d'un point A à un point B tout en parcourant des décors, en évitant des ennemis et en résolvant des énigmes. Certes, il n'y a pas de subtilités, mais comme pour la direction artistique, tout est épuré et ne vous laisse pas réfléchir trop longtemps à comment aborder une situation. Il n'y a pas de changement temporaire dans le gameplay: on peut se cacher derrière n'importe quel objet, si on descend d'une colline on commence à glisser... Seulement, certains endroits seront évidemment plus propices à d'autres, mais cette fluidité dans la progression apporte évidemment une certaine constance dans le voyage, ce qui participe vraiment à l'expérience de jeu.

Mais il y a une particularité du jeu qui change beaucoup de choses, c'est ce fameux mode multi. Je savais qu'il était présent, mais j'ignorais la façon dont il entrait en jeu. Alors évidemment, la première fois que je trouve un personnage comme le mien en plein milieu de ma partie, j'ai été un peu surpris. Puis je l'ai suivi, il a marqué mon attention au travers de ces ondes sonores qui seront les seuls moyens de communiquer. On découvre alors qu'on peut recharger l'écharpe en étant à ses côtés pour pouvoir effectuer des sauts, et que cet autre personnage qui symbolise le joueur est totalement anonyme, ce qui est une des plus grandes idées du soft: effectuer son voyage, son pélerinage seul, et croiser  à n'importe quel moment, un autre voyageur, et choisir de continuer son chemin ou de l'accompagner. Le fait de pouvoir discuter avec lui par simple signal sonore renforce le lien entre les deux voyageurs. Deux voyageurs qui ne se connaissent absolument pas et qui n'ont qu'un seul moyen pour communiquer, un moyen de communication universelle, qui marche dans toutes les langues. On ne sera jamais insulté, et ça permettra de rester immerger dans l'univers sans sortir du jeu. Et plus encore, aucune des personnes que j'ai croisé a fait n'importe quoi. J'ai été tantôt disciple et découvreur, tantôt mentor, attendant mon camarade, bravant les dangers en lui indiquant les endroits sans risques. Ce lien qui unit les personnages est un truc assez incroyable. Pas d'émoticones, pas de "lol" ou de "mdr", juste des échos sonores qui sont autant de "viens là" ou de "par ici" transformables à volonté.

Et ce multijoueur permet encore plus d'apprécier certains passages absolument incroyables. Notamment sur les derniers instants qui font automatiquement partie des plus belles fins que j'ai pu voir dans un jeu. Avant de lancer le jeu, je me disais que Journey était le genre de jeu hype, le truc arty que les intellectuels vont aduler parce que c'est une expérience et un truc qu'on a vu nulle part ailleurs. Arrivé à la fin du jeu et de ce passage juste... titanesque, je peux dire que le jeu est bien plus que ça. Une expérience à vivre, qui ne laissera sûrement pas indifférent, que l'on aime ou pas. C'est peut-être élitiste ce que je vais dire, mais il faut avoir un minimum d'ouverture d'esprit pour rentrer dans l'univers et oublier que l'on est dans un jeu pour s'immerger totalement. Je ne suis pas sûr que les jeunes qui jouent uniquement à des Call of ou du Fifa apprécieront autant que je l'ai apprécié, et de toute façon ce n'est absolument pas le public visé.

Ceux qui possèdent une PS3 ont la possibilité de tester ce désormais indispensable de la console, pour treize malheureux petits euros. Il dure deux heures, mais je peux vous assurer qu'il les vaut largement, ce fut deux des heures les plus intenses et les plus passionnantes que j'ai fait dans un jeu depuis un bail. Conseil: jouez-y d'une traite et avec un casque, l'expérience en sera renforcée.   Journey est un truc. Mais un truc culte.