Attention, spoiler sur la partie du prologue.

Troisième épisode chronologique, mais cinquième épisode de la saga commencé il y a déja cinq ans, Assassin's Creed 3 était mué d'ambitions impressionnantes: après les Croisades et l'Italie de la Renaissance en faisant un tour du côté des byzantins, Ubisoft nous emmène dans une Amérique sauvage, en pleine construction et recherche de son indépendance, une volonté qui s'est faite dans le sang et la souffrance. Dans les rues, les Loyalistes et les Patriotes se croisent au gré de vos pérénigrations, à croire que le combat entre les byzantins et les ottomans se transposent ici. Le caribou l'a souligné relativement violemment, le jeu n'est pas dénué de défauts. Personnellement, j'adore la saga et ce concept d'un jeu par an, pour la simple et bonne raison que ça reste mon petit trip de fin d'année, ce genre de jeu où je prend plaisir à me balader, où j'ai accepté depuis le second épisode qu'il n'y aura plus aucun challenge, et que le jeu réussit parfaitement à marier un gameplay fortement assisté avec une réelle volonté de placer une ambiance de l'époque qu'il représente avec une certaine aisance. 

C'est d'ailleurs pour ça que dans la trilogie d'Ezio, l'épisode Revelations est à mon sens le meilleur: plus abouti, mieux finie, plus court mais tellement plus dense que les autres. Il ne garde que ce qui marche, affine les nouveaux éléments (la Guilde), en apporte d'autres qui ne fonctionnent pas (le jeu de Tower Defense) et place même quelques petites séquences à la Uncharted franchement rafraîchissante. Même si les défauts principaux inhérants à la saga sont toujours là, Revelations fait mieux que le second épisode par rapport à son gameplay, et le Ezio âgé est clairement le plus intéressant des trois. 

Ce troisième épisode devait confirmer la saga en introduisant un nouveau personnage, Connor. Première surprise, et excellente initiative de la part d'Ubisoft, le prologue. On en a parlé longuement un peu partout, Ubi a réussit à garder le secret de diriger non pas Connor mais Haytam au début de l'aventure. Sûr de lui, avec une verve certaine et une classe indéniable, ce personnage qui bénéficie des mêmes aptitudes que Connor débutera par un assassinat dans un opéra londonien de grande classe avant de prendre la mer et d'arriver à Boston. De là, il commencera à recruter des gens de confiance pour trouver la grotte et découvrire les secrets d'une amulette. Peu après une chouette révélation qui changera les enjeux de l'histoire, on dirigera Connor à différents moments de sa jeunesse jusqu'à ce qu'il rencontre son mentor qui l'entraînera pour être assassin.

Toute cette longue introduction, qui prend environ cinq heures, est excellente, de bout en bout. En abandonnant un début spectaculaire et en privilégiant l'ambiance, les personnages, Ubisoft réussit à faire rentrer complètement le joueur dans l'histoire. Pas de grande map, pas d'objectifs annexes de partout (mis à part des pages d'almanach ou des points de synchro), juste un jeu qui prend le temps d'installer des enjeux, des personnages qui prendront une importance intéressante par la suite et une différence de points de vue franchement bienvenue. Au lieu de larguer le joueur dans une ville avec mille et une chose à faire, Ubisoft prend le pari de rendre l'aventure plus linéaire, de faire découvrir l'univers au fur et à mesure, d'apprendre à grimper au arbres en douceur et d'augmenter le plaisir de la découverte lorsqu'on dirige Connor adulte et qu'on voit les multiples possibilités de grimpette dans la Frontière. J'ai dû passer deux bonnes heures à me balader, à sauter de branche en branche. Le fait de bien prendre le temps de poser les bases sert vraiment au jeu et fait qu'au lieu de laisser au joueur la main libre sur tout et n'importe quoi, on le place dans différents milieux où il peux apprécier les choses bien séparemment tout en construisant son histoire autour de ça. C'est intelligent, burné et franchement bienvenue.

Malheureusement, le jeu retourne très vite dans un style classique à la saga. Une fois que Connor bénéficie de tout son attirail, le jeu vous laisse tomber et vous propose comme d'habitude plein de missions différentes réparties dans toute la surface du jeu. Les séquences sont plus hachés, on retrouve cette structure propre à la série, même si toute l'histoire introduite avant continue d'avancer plus ou moins. Certaines séquences sont franchement réussies, d'autres beaucoup moins. Comme dans toute la saga au final. Mais le plaisir est ailleurs. C'est de gambader à Boston dans une ville encore plus réussie que les précédents: il y a de la vie partout, des gens qui discutent, des tambours qui résonnent au loin, des animaux de partout avec qui on peut interagir. La Frontière n'est pas en reste, avec une multitude de détails. Le jeu est techniquement à la ramasse, mais a le mérite de proposer beaucoup de détails à l'écran, même si le popping constant est assez flippant par moments. Les passages à l'hiver renforce l'atmosphère et jouer avec le casque permet de se plonger dans la nature avec un certain plaisir. De ce côté, je retrouve tout ce que j'aimais dans la saga.

Même les combats, toujours aussi faciles, bénéficie de système de contres plus évolué, emprunté vaguement à Batman. On peut mélanger les accessoires au combat, et la virtuosité des joutes fait qu'on s'amuse malgré tout parce que le jeu est quand même sacrément classe dans ses animations, dans ses finish move, et que ce sens du spectacle fonctionne à merveille. Le moindre mouvement d'attaque, que ce soit dans un conflit ou en infiltré, est spectaculaire à souhait, et les petits mouvement en plus renforcent cette impression. Que ce soit la technique pour se protéger des balles à l'aide d'un bouclier humain, ou d'utiliser son pistolet pour tuer deux soldats en même temps, ces petits ajouts font plaisir à voir. De même que certains accessoires, comme la dague à corde, même si la plupart du temps les missions ne permettent jamais de s'en servir intelligemment, le jeu vous laisse le choix de les utiliser en combat sans jamais rentrer dans une contrainte (du moins pour les combats). Ce qui est pas mal. 

Le jeu propose aussibeaucoup de contenus, avec plus ou moins d'intérêt, mais la plupart du temps, elles récompensent le joueur avec des clés, de l'argent ou des choses facilitant la progression. Les batailles navales sont vraiment excellentes, et le système économqiue du Domaine est bien pensé mais peut être vite rébarbatif. Cela dépend de la façon de faire de chacun, mais en se focalisant sur toutes ces quêtes annexes, l'histoire en prend un coup et passe presque au second plan. Il est presque plus intéressant de choisir l'un ou l'autre et de se concentrer dessus afin d'éviter que l'histoire soit beaucoup moins passionnante parce que la plupart des personnages perdraient de l'intérêt en les oubliant. En ce qui concerne la méta-histoire, elle avance et propose même des niveaux adaptés à Desmond et même plutôt réussis. Après, pour ce qui est de l'intrigue en elle-même, je dois avouer que j'en ai presque rien à faire tellement cette histoire de fin du monde avec une techno avancée ne me passionne franchement pas. Pour tout dire, je m'étais demandé à quel moment de la saga on croise le père de Desmond tellement ça ne m'intéresse pas. Je ne critique pas la mythologie, juste que je trouve les histoires d'époque plus intéressantes et parce que cette structure découpée dans le jeu et entre plusieurs jeux ne permet franchement pas de s'attacher au héros dans le présent.

Parlons maintenant de ce qui fâche. Parce que le jeu est raté sur plusieurs points, dont un important, l'infiltration. C'était le credo dans le premier épisode, et le jeu a évolué pour devenir un jeu d'aventure en tentant de garder le point infiltration. Le souci, c'est que malgré ma forte volonté et certains passages que j'ai recommencé pour faire un passage discret, ça finissait dans 90% des cas par des joutes à l'épée. Une volonté de simplifier, mais un constat assez navrant dans ce sens: j'avais vraiment l'impression que les devs avaient placé quelques bottes de foin, des hautes herbes et des gardes un peu partout sans forcément tester pour voir si ça marchait.

Il y a des passages qui m'ont fait laissé tomber le côté discret parce que j'avais l'impression que ça n'était pas pensé pour. Il y a bien des mouvements supplémentaires comme le fait de se cacher à un angle, mais d'autres éléments complètement aberrants me font dire que l'infiltration est vraiment le gros point faible du jeu. Déja, pourquoi ne pas pouvoir s'accroupir comme on veut? Il ne le fait que dans les fourrés, mais quand on passe entre deux zones on est obligé de courir ou de marcher, bien debout et bien visible. Surtout que les gardes sont incroyablement casse-burnes, voyant à trois cents mètres et ne pouvant s'empêcher d'aller voir ce qui se passe, avec un comportement complètement aléatoire qui empêche de préparer son approche. Quand il y a trois-quatre gardes ça ne me dérange pas, mais quand ils sont trente, on se dit qu'il y a un problème. J'en veux pour exemple le passage où l'on doit assassiner un officier sur cheval, au milieu d'un petit campement rempli de plusieurs dizaines de gardes. Ils sont sur une plate-forme légèrement surélevé qu'on pourrait contourner plus facilement si on pouvait se baisser. Mais non, on a juste quelques sections de fougères mais avec obligatoirement des passages où on doit se mettre debout et des gardes aux comportements tellement aléatoires qu'on se fait voir forcément. Et du coup, ça finit en boucherie. Frustrant.

Ces aberrations de gameplay ne sont pas les seules, et je n'ai pas compris l'impossibilité de ne pas pouvoir tirer quand on veut, seulement quand il y a une cible à portée. Pour la chasse, c'est quand même un peu pénible. Ou encore le personnage qui se cache à un angle alors qu'on veut juste grimper. Je veux bien assister le joueur, mais là c'est trop. Le mélange de liberté totale se perd trop souvent parce que Ubisoft veut garder le contrôle sur ce que fait le joueur. Plus encore que dans les épisodes précédents, on arrive à deux extrêmes incompatibles: d'un côté on bénéficie d'une surface de jeu énorme, de quêtes de partout et d'un gameplay vraiment riche, et de l'autre on a Ubisoft qui persiste à rendre le jeu encore plus grand public en forçant le joueur à rester sur les rails quand il va trop loin et en lui collant une laisse pour l'empêcher de faire n'importe quoi. C'est comme si on était au volant d'une voiture auto-école: on vous donne le sentiment d'une liberté incroyable, mais lorsqu'on veut tenter des choses, c'est l'instructeur qui prend les commandes de son côté. Le problème de l'infiltration qui se transforme en joute bourrine est symptomatique de cet effet, et le jeu devient problablement le plus sauvage et le plus sanglant de la saga. Ironique pour une saga qui veut devenir de plus en plus grand public.

Et c'est encore plus ça le problème, parce qu'en soi, AC3 n'est clairement pas un mauvais jeu. Il propose exactement le même genre de plaisir que dans les autres, mais avec toujours son truc en plus et cette liberté qui fait plaisir à voir. J'ai pris mon pied comme chaque année, mais cette fois-ci l'ambition d'Ubisoft a dépassé les capacités de la saga. Une saga qui planque ses défauts derrière une magnifique vitrine. Ce troisième épisode fait comme les autres, mais prend petit à petit un virage que je n'aime pas forcément. Un virage qui me fait penser au passage de Fable 2 à Fable 3, beaucoup plus tranché. Assassin's Creed est devenu prisonnier de son format, et Ubisoft ne fait que rajouter des chaînes pour empêcher le joueur d'aller trop loin et simplifie de plus en plus. A contrario d'autres éléments de gameplay, amélioré dans la bonne direction, comme le système de combat plus souple que jamais, ou la fluidité des mouvements lorsqu'on veut grimper en ville ou en forêt, malgré des bugs de collision et un magnétisme encore trop fort qui empêche de faire ce qu'il veut.

C'est d'ailleurs assez surprenant de constater que le moment le plus génial du jeu, le prologue, est aussi le plus linéaire. Et que j'ai eu l'impression de me faire forcé à certains actions lorsque le jeu devient plus libre: pourquoi certaines missions limitent la zone alors qu'elle était libre juste avant? Pourquoi les objectifs secondaires deviennent plus contraignant qu'autre chose et ruinent l'effet d'une séquence (genre ne bousculer personne dans une scène où l'on est obligé de le faire si on la fait normalement)? C'est d'autant plus frustrant que le jeu n'explique pas cet état de contrainte. Surtout que le jeu fonctionne très bien par moments.

Malgré tout ça, j'apprécie quand même ce troisième épisode qui conclut l'histoire de Desmond avec une fin comme d'habitude assez bidon et qui m'a tiré un léger baillement. Mais la Frontière, Boston et New York ont encore eu une fois raison de moi, par leur richesse, leur cohérence, leur ambiance indéniable. Je me suis pas ennuyé une seule seconde, j'ai pris mon pied la majorité du temps parce que le jeu fonctionne toujours dans sa formule et il le fait pas trop mal. Malheureusement, Ubisoft persiste à rendre la licence encore plus simple d'accès, et cette volonté se ressent encore plus dans les précédents et commence à faire titiller sérieusement à cause de gros ratages comme l'infiltration, certaines poursuites ou des éléments de gameplay incompréhensibles, des aberrations que je ne comprends pas, et qui étrangemment ne se ressentaient pas dans les autres parce que l'ambition n'était pas la même. Je préfères malgré tout un Revelations qui possède une recette sorti du 2 affiné comme il faut, plus court mais plus intense. Mais ce troisième épisode vaut quand même sacrément le coup, avec un prologue génial, quelques idées fraîches, des batailles navales excellentes et une ambiance magnifique. Mais il faut clairement tirer la sonnette d'alarme parce que Ubisoft s'apprête à prendre un virage dangeureux dans la recherche d'une licence grand public.