À vrai dire, j'aurai pu mettre Matt Vs AIDS en titre, mais j'aurai potentiellement pu être cloué sur la place publique en affichant un titre pareil ou être béni des dieux pour les haters de McConaughey. On peut le haïr ce gars, après tout, on le voit partout : True Detective, The Wolf of Wall Street, Killer Joe, Mud, le prochain Nolan ou en portrait sur la table de nuit de ta mère. Malheureusement, on ne peut nier que ce gars à un talent énorme, sur les trois dernières années, il est sorti de nulle part pour ensuite truster sur le podium des acteurs les plus appréciés de Hollywood. Bien putain, après la séance de ce Dallas Buyers Club, il confirme son talent pour être un mur porteur ou en quelque sorte un futur acteur iconique de notre époque actuelle.

 

Il faut savoir que le film a démarré très lentement, le budget n'étant que de 5 millions de dollars (marketing inclus). Dallas Buyers Club du réalisateur québécois Jean-Marc Vallée, sorti en novembre dernier aux États-Unis et seulement fin janvier en France, n’a connu qu’une sortie dans relativement peu de salles et guère de publicité. Puis le meilleur marketing qui soit, le bouche à oreille a fait son effet. Que ce soit aux États unis ou en Europe, le film s'est démarqué en longueur à contrario d'un blockbuster mainstream pour Kévin.

Oui, j'enfonce des grandes ouvertes en envoyant une phrase digne de la rédaction des inrockuptibles, mais je ne suis pas là pour bashouille, après tout, j'ai une syntaxe de merde et une prose d'un niveau de Bac Pro. Le plus important c'est que je sois en bonne santé avec un boulot, ce qui est très loin de la condition de nos deux personnages principaux de l'histoire de Dallas Buyers Club. Le plot se passe en 1985, à Dallas, un cowboy homophobe Ron Woodroof (Matthew McConaughey) est diagnostiqué séropositif, il ne lui reste plus que 30 jours à vivre. Face à l'inefficacité de l'AZT (seul médicament antirétroviral autorisé sur le sol américain), il se lance dans la contrebande de médicaments alternatifs avec l'aide d'un séropositif transgenre Rayon (Jared Leto) et de leur médecin Eve Saks (Jennifer Garner). Ensemble, ils fondent le Dallas Buyers Club, premier des douze clubs qui permettront aux séropositifs américains de se fournir en médicaments antirétroviraux étrangers.

Avec un plot pareil, on va droit dans le biopic contestataire et bourré d'espoir. Oui on en est pas loin, mais la force réside plutôt dans le jeu d'acteur qu'a contrario de la narration qui ressemble plus ou moins à une biopic des plus simple dans sa forme, le fond reste touchant même si je trouve que l'histoire originale a été embellie par des gros stabilos afin que le spectateur et les jurys des oscars se mettent à pisser en rythme main dans la main sur des violons pendant deux heures, Hollywood quel monde merveuilleux ! Le fond contestataire appuye beaucoup sur le fond de la main mise de l'industrie pharmaceutique sur le domaine hospitalier public durant les années 80' ainsi que la réglementation abusive du système américain par rapport aux choix de sa propre médicamentation. On appréciera l'approche plutôt couillue pour désarmocer les arguments de la FDA contre l'histoire de nos deux héros. Dans le film, l'ennemi n'est pas tant le SIDA qui se propage à la vitesse éclair a cette époque, mais bien les services gouvernementaux qui deviennent à la solde des grands groupes pharmaceutiques. La critique reste fine pare que finalement, on ne voit que très peu ces grands pontons de la mafia pharmaceutique, leur contrôle s'illustre avec l'entêtement de la FDA à détruire le Dallas Buyers Club via les traits de Michael O'Neill. Le propos du film est aussi amené par le trafic que met en place Woodroof pour soigner d'autre séropositif via une médicamentation moins bâtarde et dangereuse que le gouvernement à mise en place, oui dans ce film, soigner les autres, c'est illégal.

Malgré une excellente retranscription de cette ambiance de peur, de paranoïa et d'incertitude par rapport aux SIDA entre la stigmatisation de la communauté gay ou la croyance désuète de la propagation de la maladie. J'ai trouvé le film un peu trop long par moments, des scènes inutiles et même un peu trop tirées sur la durée par moment. Après les petites lignes de lamentations, je voudrais mettre un prix Nobel aux scénaristes et à l'équipe du film pour ne pas être tombé dans le cliché de la dégénérescence physique, même si Leto et McConaughey se sont sacrifiés de quelques kilos pour rentrer respectivement dans leurs rôles, le film ne se cantonne pas à montrer la perte vitale des deux séropositifs. Jean-Marc Vallée préfère mettre en avant le complot pharmaceutique, mais aussi en avant les contrastes socioculturels entre Rayon et Woodroof, l'un est un transsexuel descendant d'une famille d'avocat de Dallas, l'autre n'est qu'un simple électricien prolétaire raciste, homophobe et machiste. Et c'est à ce moment que le film porte quelque chose de plus qu'un simple film sur le SIDA. La performance du duo Jared Leto et Matthew McConaughey est tout simplement énorme.

Cela faisait au moins quatre années, depuis la sortie du borderline Mr Nobody que Jared Leto avait disparu des écrans radars cinématographiques pour se concentrer avec son groupe 30 Seconds to mars. Il revient en force en incarnant Rayon, il arrive à insuffler une féminité quasi chimérique, un mélange bluffant qui confirme le talent du bonhomme pour des personnages OVNI. C'est le fruit d'un travail qu'il s'est affligé, en effet, pendant deux mois, il est resté travesti pour habiter complètement le personnage. Le jeu d'acteur de McConaughey quant à lui est beaucoup plus simple, mais efficace. Après avoir un effort monstre pour devenir un Woodroof entre la vie et la mort (perte de 20 kilos), il a sû accentué ses origines texanes avec son accent particulier pour habiter un personnage excessivement charismatique et une prestance remarquable malgré sa sale gueule bien représentative de l'état du Texas. Le duo va avoir un effet curatif sur Woodroof, la progression de son changement d'opinion vis-à-vis de la communauté gay va y être pour beaucoup.

Fort de ce duo McConaughey et Leto, Jean-Marc Vallée signe une excellente biopic représentative de la paranoïa par rapport au SIDA dans les années 80' tout en évitant les écueils qu'on aurait pu lui coller si les scénaristes n'avaient pas été aussi réfléchis. Un film long et un peu trop formaté pour la pêche aux Oscars, mais qui mérite de s'y attarder rien que pour la leçon théâtrale qui l'impose par le biais du casting.