A l'heure d'internet, payer ses jeux au prix fort n'a plus aucun sens. Pourquoi dépenser 65 ou 70 euros chez Micromania ou la Fnac quand on peut précommander un jeu pour 45€ en deux clics? Certainement pas pour les conseils des vendeurs dépassés de loin par l'avis omniscient des internautes. Pour ceux qui trouveraient ça encore trop cher, deux alternatives : l'occasion ou les gammes petits prix (Platinum, Essentials, maxi Best of,...). Mais de nouvelles offres bien plus alléchantes ont fait leur apparition, encore une fois grâce au web.

Alors, comment expliquer ces nouvelles tendances ? A qui profite cette nouvelle mode du low cost ? Le joueur a-t-il raison de privilégier le net plutôt que petits commerces ? Un pigeon peut-il vraiment voler si on lui coupe les ailes ? Et surtout, quelles seront les conséquences sur l'industrie à long terme ? C'est ce que nous chercherons à comprendre ensemble, ce soir, dans ce nouveau numéro d'Enquêtes... Oups ! ^^ 

Presser un jeu et le mettre en boîte ne coute déjà pas bien cher. Supprimez ce coût de production, le coût de transport, les coûts de stockage, les marges des intermédiaires (grossistes, revendeurs) et vous obtiendrez le coût d'un jeu dématérialisé : rien, si ce n'est un peu de bande passante pour permettre le téléchargement. Reste aussi les royalties du constructeur de console ou de l'hébergeur du site (Sony, Microsoft, Nintendo, Apple ou Valve) et la part de l'éditeur qui a financé la production du jeu. Quand ces deux parties s'entendent sur un compromis on peut obtenir des prix improbables comme pendant les soldes de Steam, du XBLA ou sur le catalogue du PSN+.

 

1 : la disparition d'un maillon dans la chaine logistique (le revendeur : Carrefour, Micromania ou Fnac par exemple) permet de baisser le prix des jeux tout en conservant les marges des autres acteurs intactes. 2 : même en faisant disparaitre encore un maillon (le site) il n'y a pas de miracle, les prix sont tellement bas que toutes les marges sont nettement diminuées. (ces chiffres sont des approximations que j'ai faites d'après plusieurs sources sur internet, ils varient en fonction du magasin/site/plateforme et du jeu)

 

Des dizaines de jeux AAA disponibles à moins de 10 euros ou plusieurs dizaines de jeux « offerts » pour moins de 50€ par an c'est possible grâce au dématérialisé. A condition toutefois de ne pas être pressé : un jeu n'est disponible à ces prix qu'après de longs mois. Mais derrière ces offres - saluées à juste titre par l'ensemble des joueurs qui ont longtemps dû sacrifier leur porte-monnaie pour vivre leur passion - se cachent deux effets pervers : la surconsommation et la perte de valeur.

Sous prétexte que c'est (beaucoup) moins cher, on dépense (beaucoup) plus facilement. Et très vite on se retrouve avec plus de jeux qu'il n'est possible d'en jouer. Au mieux on finit rapidement le mode principal, parfois on zappe après quelques chapitres, et dans certains cas on oublie carrément le jeu pendant plusieurs mois dans un coin sombre et poussiéreux de son disque dur. Pas le temps de savourer, on enchaine rapidement sur l'expérience suivante. Le jeu devient alors un pur produit de consommation, comme une barre chocolatée ou un film piraté, à peine bon à nous satisfaire sur l'instant et très vite oublié. 

 

 

Dommage quand on sait que derrière un titre se cache le travail de plusieurs dizaines/centaines de développeurs et d'artistes pendant plusieurs mois/années. Cela dit quoi de plus normal pour un jeu téléchargé sur un coup de tête pour une broutille ? Contrairement aux jeux achetés en day one, ce titre ne nous a pas fait rêver pendant plusieurs mois avec un teasing de ouf, de la première image révélée jusqu'aux ultimes tests. On ignorait encore le matin-même qu'il ferait partie de notre collection. Le support participe aussi à cette dévalorisation du contenu : il faut se déplacer pour acheter le précieux en day one ou attendre fébrilement que le facteur nous l'apporte, alors qu'un fichier se télécharge instantanément et sans effort. Et pas de déballage, pas de livret d'instruction ou de CD à poser sur son étagère, juste un dossier perdu dans l'immensité d'un disque dur. 

Ces pratiques participent à une perte d'intérêt pour le contenu, mais elles répondent à une demande : celle des joueurs ayant loupé un jeu à sa sortie par manque de temps, d'argent ou d'envie. Cela permet aussi de ramener un peu d'argent dans les caisses avec un produit en fin de vie. Le problème vient du fait que ces promotions sont de plus en plus régulières et que les joueurs en sont de plus en plus conscients. Nous avons tous ragés au moins une fois de retrouver à moitié prix ou même « gratuitement » un jeu acheté quelques semaines plus tôt au prix fort. 

 

 

Logique donc que de plus en plus de joueurs n'achètent quasiment plus leurs jeux qu'en soldes. Un vrai problème pour les éditeurs puisque ce sont les ventes des premières semaines, lorsque le jeu est encore au prix maximum, qui permettent de couvrir la majeure partie des coûts de développement. La baisse rapide et quasi systématique des prix des jeux modifie ainsi les comportements des joueurs ce qui menace fortement la rentabilité déjà incertaine de nombreux titres. Face à cette « dérèglementation » des prix, certains éditeurs préfèrent cependant maintenir des prix élevés sur une longue durée plutôt que de céder aux sirènes des offres low cost. 

Pas de phrase moralisatrice du style : « C'est au joueur de responsabiliser ses achats en privilégiant la qualité à la quantité » pour conclure, juste une remarque : les jeux qui nous marquent le plus ne sont pas ceux pour lesquels on s'investit le moins. : )