I: Origine et développement du robot dans la science-fiction occidentale.

On va logiquement commencer par le début. Mais début, genre THE début, quoi. La Genèse, ça vous parle? Figurez-vous que c'est la première histoire de robot. Le robot, du tchèque robota qui signifie "travail", est dans son acception SF un être artificiel créé avec comme modèle l'Homme. Quand Dieu trouvait dommage que Adam s'embête tout seul, il ne va pas créer sa compagne de terre glaise comme Adam. Non, il va prendre une côté à Adam et s'en servir pour créer la femme. La femme est ici un dérivé de l'homme comme le robot l'est lui-même.
Si on écarte le sexisme de la situation, on se retrouve là avec le mythe qui va fonder pour longtemps la représentation du robot en occident. Le robot est lié intimement à la notion de danger.

Que ce soit Eve qui pactise avec le diable ou Pandore qui se mêle de ce qui ne la regarde pas, c'est dans les deux cas un être créé après l'homme et qui est son dérivé. L'une des interprétations moderne de ce constat reste Metropolis de Fritz Lang. Dans ce film, un savant fou créé une femme artificielle qui va se charger de mettre le bazar dans une société dystopique.

Dans tous ces exemples, on retombe sur le même cas de figure à savoir une création innocente qui se veut être une aide, une compagne à l'(H)homme. Sans penser à mal, elle va se retrouver dans une situation qui va dégénérer et conduire à la catastrophe.

Et c'est ce cas de figure qui conditionne tout le mechadesign occidental quand il s'agit de parler de robots. L'être artificiel en occident est neutre puis il se corrompt lui-même pour finir par devenir une menace qu'il faut combattre.

Reprenons l'exemple de l'introduction avec Isaac Asimov: Dans I, Robot, le robot est conçu comme un auxiliaire à l'Homme capable de communiquer normalement avec lui. Cependant, vu qu'il a accès a une conscience (le cerveau positronique), il peut tout à fait se rendre compte de sa supériorité sur l'Homme. Il est plus fort, plus solide, n'a pas besoin de nourriture et ne vieillit pas. Par conséquent, Asimov intègre aux robots les Trois Lois de la Robotique, une sécurité, un garde-fou à la rébellion. Dans le livre cependant, il n'arrive que des malheurs a ces pauvres robots et aux humains qui les entourent. Entre un robot qui choisi de se perdre, un qui stresse et un qui vous manipule en disant ce que vous voulez entendre, on retrouve a chaque fois le motif de la machine qui veut bien faire son travail mais qui déraille.
Le souci qui heurte l'être artificiel procède à la fois de son interaction avec les humains mais aussi de soucis techniques que l'Homme ne comprend pas vraiment.
Dans la nouvelle "Menteur!" de Asimov, le robot succombe avec son cerveau brûlé après avoir subit une contradiction avec les Lois de la Robotique. Ici, le cerveau du robot comportait une erreur de calcul dans sa conception (erreur humaine) mais il a fait aussi le choix (il dit "je pense donc je suis" dans la nouvelle, preuve de sa liberté), à cause des évènements, de déformer sa fonction. Il s'est donc corrompu lui-même par l'accès à une forme de conscience qui lui donne un ascendant sur l'homme par le biais de sa supériorité mécanique.

En occident, l'homme est toujours faible face au robot. Il y a une compréhension froide de la faiblesse objective de la chair face à l'acier, et c'est ce motif qui est mis en scène de façon quasi systématique en occident.
Voyons comment avec Terminator, on retrouve ce schéma. Là encore le robot est une menace en la personne du T-800. Mais avant Schwarzenegger, il y a Skynet. Ce qui va poser le successeur du robot comme menace, à savoir l'intelligence artificielle. Dans les films de Cameron, l'humanité est au bord de la destruction car les États-Unis ont donné à l'ordinateur Skynet le contrôle de l'armement nucléaire. Ce dernier a pris conscience de son existence et prends peur face à la menace d'être éteint et donc tué par les humains. Sa frappe préventive démontre toute la peur qu'il y a en Occident dans les robots. Relevons aussi que même dans une autre oeuvre, dont les robots ne sont pas le propos principal, la peur des IA est toujours présente. Ainsi les Machines Pensantes du cycle de Dune de Frank Herbert sont combattues et vaincues par les humains, elles sont ensuite interditres et remplacées par des humains aux capacités de calcul phénoménale, les Mentats.

Si une IA s'éveille à la conscience, elle cherchera nécessairement à nous éliminer par simple calcul mathématique et aussi par le fait que nous nous voyons nous-mêmes comme une menace. Si l'IA/robot rejoint les êtres humains dans la conscience, alors elle va nécessairement se comporter comme nous. On retombe alors sur le mythe de la Genèse, du dérivé de l'Homme qui précipite sa chute car il s'est révélé incontrôlable.
 
 
Le mechadesign occidental aime aussi mettre en avant la bêtise du robot qui exécute les tâches sans conscience. L'IA "Mother" de Alien, condamne l'équipage à la mort en exécutant les ordres. Dans le même temps, l'ED-209 de Robocop tue indistinctement sans même savoir qu'il est policier...
 
 
 
 
L'occident voit nécessairement la technologie comme dangereuse de base avec un recul plein de crainte sur la nouveauté technologique. Même quand nous sommes loin des considérations guerrières, la peur est là. Voyez comment dans "A.I Intelligence Artificielle" de Spielberg, un robot-enfant créée avec la faculté d'aimer ses "parents" est perçu comme une menace et persécuté comme tel. Dans un premier temps s'installe toute une ambiance angoissante comme si le sujet était tabou. Le fait que le robot ne soit pas "activé" au départ et l'activation complexe qui fait sauter les sécurités et qui permet au robot "d'aimer", démontre toute l'appréhension qu'il y a à imaginer ceci et à le transposer dans notre réalité. Nous verrons qu'au Japon on se prend moins la tête sur le même sujet...

Le robot est donc dangereux par essence ou du moins il porte en lui les germes de notre destruction ou de la destruction d'un ordre établi (voir le film I, Robot) et surtout, il ne doit pas se confondre avec l'humain. Et le mechadesign stricto sensu le prouve largement.

En démarrant aux origines de la SF, on a toujours l'image du robot en nickel-chrome faisant un peu boite de conserve. Si il est aisé d'y voir la preuve que les effets spéciaux de Doctor Who marquent vachement les esprits, je m'amuse à y voir plutôt une réminiscence du Magicien d'Oz et de son bûcheron en fer blanc. Même si Héphaïstos forgeait déjà des serviteurs dans l'or...  (Illiade, chant XVIII) 

Alors que les premiers automates faisaient le bonheur des salons mondains parisiens au XVIIIème siècle, ils se posent ici comme le point de départ de l'imitation de la mécanique humaine. Le XIX siècle entérinera la vision actuelle du robot de fiction, que ce soit avec L'Eve future de Auguste de Villiers, ou The Steam Man of the Prairies de Edward S. Ellis. Nous avons donc ici la question de l'être artificiel qui suit les évolutions techniques de son temps. La fascination nouvelle pour l'électricité et la force de la vapeur permet de justifier dans le mechadesign l'apparence du robot. Les pistons et autres chaudières à vapeur rappellent la mécanique du corps, os et muscles, tandis que les réactions de l'électricité sur le corps fait de cette dernière une "force de vie" que va utiliser Mary Shelley pour donner la vie au Monstre de Frankenstein.

On note alors que le robot, quand il est neutre, est fait de métal apparent. il porte sur lui la justification de son fonctionnement. C'est là, et donc depuis le XIXème, l'un des actes fondateurs de tout le mechadesign occidental à savoir que les formes ne peuvent pas laisser de place à la spéculation sur le fonctionnement interne du robot (dans le sens où il ne fonctionne pas par "magie"). Même si c'est pour évacuer le problème de l'animation du robot avec une excuse simple (il marche à la vapeur ou l'électricité ou au réacteur nucléaire miniature), cette justification doit exister et permet de conditionner une large partie du mechadesign.

Cela pose la question de la condition du robot dans le mechadesign occidental. Le robot, en occident, ne peut pas être une imitation complète de l'humain dans son apparence. SI c'est le cas, il franchi alors une sorte de tabou et en devient forcément nuisible.
Le robot à l'apparence complètement humaine, au point de ne pas savoir faire le distinguo, est forcément quelque chose de mauvais qui cherche à nous duper.
Ainsi, Skynet recherche à copier un humain avec le T-800. Dans le Metropolis de Fritz Lang, la femme-robot ne devient un danger pour la collectivité que lorsqu'elle revêt une forme humaine. Dans cette même veine d'infiltration, certains cylons de Battlestar Galactica incorporent en secret nos sociétés. Et bien sûr, impossible d'oublier Ash joué par Ian Holm dans Alien, le huitième passager. (On notera que l'exception confirme la règle avec un Bishop de Aliens, le retour, gentil, lui)

La forme même du robot, quand il ne copie pas un humain, importe au final assez peu et n'est pas le reflet d'une symbolique. Si le robot "reste un robot" pour ainsi dire, il peut avoir des formes très diverses sans que l'apparence laisse préjuger de sa dangerosité. R2-D2 par exemple et les droïdes non-humanoïdes de Star Wars ou Numéro 5 de Short Circuit.
 
Il est extrêmement important, dans le mechadesign occidental, que le robot reste un robot, c'est à dire une machine. Même si dans Short Circuit, Numéro 5 gagne des sentiments suite à un accident, il reste "physiquement" un robot, c'est à dire que son design ne laisse pas de doute. Par contre, si il a une apparence complètement humaine et qu'il se prend pour un humain (exemple de Blade Runner et des Répliquants qui sont artificiels mais organiques) alors cette confusion est nécessairement vécue comme problématique et dangereuse dans les fictions occidentales.
 
Si un Terminator laisse toujours la part belle aux boulons apparents, au métal froid, (et puis une tête de squelette ça marche bien aussi pour faire peur), on note que l'image du robot tend à évoluer en occident. Si déjà Bishop de Alien faisait dans l'originalité (mécanique interne non pas faite de métal, mais d'organes artificiels alimentés par du sang blanc), il faut attendre des dates plus récentes pour voir l'ancienne figure du robot renouvelée. Progressivement le métal fait la place aux plastiques, avec notamment une transition intéressante entre les deux dans I, Robot. La mécanique est partiellement apparente mais recouverte d'un plastique souple sur le visage du robot lui donnant une plasticité du visage qu'il est très rare de voir sur les anciennes représentations d'êtres artificiels. La transition robot/humain (on joue toujours sur cette limite en occident) sera volontairement encore plus subtile dans I.A, Intelligence Artificielle, où les robots ont une apparence humaine mais semblent figés dans leur traits les rapprochant des poupées. Une preuve de l'évolution du mechadesign occidental car il voudrait peut-être signifier que l'occident à moins peur du robot qu'autrefois sans toutefois mettre de coté ses questionnements et non plus ses craintes.
En cela il se rapproche de la vision du robot dans le mechadesign japonais.
 
 
 
 
II: La reprise de la figure du robot dans la science-fiction japonaise.

Si le Japon a su prendre à son compte les auteurs de science-fiction occidentaux pour les traduire, il saura aussi les réinterpréter quand leurs auteurs s'attaqueront à ce domaine pour ne plus simplement le traduire. Le premier robot à voir le jour sera Astro Boy, mieux connu dans son pays d'origine sous le nom de Tetsuwan Atomu, créé par Osamu Tezuka. en 1951. Alors que le motif commun du robot est lié au "travail" (voir l'étymologie du mot) et à l'asservissement, Astro sera lui construit selon un tout autre schéma. Son père, le docteur Tenma, a perdu son fils Tobio dans un accident de voiture. Fou de chagrin, il décide de créer une réplique mécanique de son fils pour le remplacer. Cependant, il sera déçu de ce substitut qui, malgré sa bonne volonté, ne peut ni vieillir, ni exprimer vraiment de sentiments. Déçu une nouvelle fois, il abandonnera Astro dans un cirque.

 
Ce petit synopsis pose une base fondamentale qui va nous donner un principe dans le mechadesign japonais. Le robot à l'apparence humaine est une règle et surtout le robot peut être un héros et non plus systématiquement un side-kick ou un ennemi. Mieux, dans Astro, ce dernier est une victime car il sera abandonné par son père, mais recueillit et sorti de cet enfer par le Professeur Ochanomizu. Ce dernier va en quelque sorte devenir son mentor et le vouer à la défense de la justice une fois qu'il aura découvert ses capacités extraordinaires. (capacité de vol, force surhumaine, lasers...) La figure d'Astro est donc éminemment héroïque bien loin du danger qui semble se dégager de l'autre coté du Pacifique. Alors que les États-Unis suivent la figure du super-héros dans son acception désormais classique pour nous (humain transformé/changé/modifié par un évènement extérieur), c'est le robot qui va prendre ce rôle au Japon.
Astro est donc le premier robot justicier et il sera suivi par une longue série d'autres créatures mécaniques du même acabit. C'est la naissance du type "Super-robot" dont dès le titre on note la relation avec les super-héros qui font déjà fureur aux États-Unis. Cependant, si je déroule cette chronologie, je vais obligatoirement me retrouvé avec des séries qui impliquent des robots pilotés par des humains, car la prochaine série sur la liste serait Tetsujin 28-go et nous porterai dans ce cas du coté des mechas.
Pour en rester au robot stricto sensu, la figure posée par Astro est emblématique en ce sens qu'elle détermine le mechadesign de nombreux autres robots. Tout d'abord, le robot doué de conscience n'est pas un risque mais une altérité. Il acquiert le stade de créature vivante et doit être respecté en tant que tel. Astro combattait pour la cohabitation entre humains et robots. Naoki Urasawa, dans Pluto, joue d'ailleurs sur cette confusion où les humains ne savent plus différencié un robot d'un homme, et où les robots ont des désirs d'enfants, donc de vivre normalement.
 
le parallèle ultime entre Tezuka et Urasawa
 
Comparaison entre le Astro de Tezuka et celui de Urasawa. Ce dernier joue encore plus sur la confusion entre hommes/robots au point de rendre ces derniers plus humains que nous.
 
De même en occident, le robot armé est presque toujours dangereux. Par contre le robot est un sidekick amical et inoffensif quand il sert de soutien. Regardez C3PO ou Les Robots de Isaac Asimov par exemple.
Au Japon, cette règle est largement battue en brèche. Déjà Astro est lourdement armé, et reprend en large partie les pouvoirs d'un Superman. Les armes sont d'ailleurs liées au robot lui-même, elles font partie de lui mais restent secondaire. Nous avons d'abord un robot à l'apparence humaine et qui n'est pas designé comme une arme. Contrairement à un ED-209 par exemple.
Raisonnons avec deux exemples vidéo-ludiques. Dans les Xenosaga, KOS-MOS est conçue comme une arme Anti-Gnosis. Cependant, elle est de forme parfaitement humaine, son mechadesign n'est pas agressif. Ce n'est que lors de l'expression de ses capacités qu'elle sort ses armes. Un autre robot qui fait exactement la même chose est Aegis de Persona 3.
Là encore, le robot reprend à son compte la figure du super-héros dans son acception américaine. Une sorte de normalité apparente qui cache des capacités de destruction sans forcément être mises au service du mal.
Astro, KOS-MOS et Aegis, ces trois robots partagent donc un mechadesign commun qui puise ses sources dans la réinterprétation du mythe du super-héros américain.
  
 
Les trois partagent par ailleurs cette volonté de s'accomplir eux-mêmes en devenant plus humains. Créés pour ne pas avoir de sentiments, ils vont par leur contacts avec les autres, par les épreuves qu'ils vont traverser acquérir une sorte de supplément d'âme qui va les rendre meilleurs.
Si en occident un robot qui acquiert une conscience est un risque de le voir se rebeller contre l'Homme, au Japon, c'est au contraire une chance qui rendra une coexistence possible entre deux formes de vie, et c'est à l'Homme de savoir l'accueillir et l'aider.
 

Si l'éveil aux sentiments humains est la base de ce rapprochement humains/robots, il n'est pas non plus nécessaire d'être aussi lyrique pour faire de la science-fiction efficace. Sans mettre dans la balance des sentiments un peu baveux, on peut aussi parler d'éveil à la conscience du simple fait que les robots vivent et qu'on les laissent se balader avec une IA très complexe. Ainsi dans Ghost in the Shell: Stand Alone Complex, les Tachikoma, des sortes de mini-tanks autonomes vont développer une conscience, "un Ghost" selon la terminologie de la série. Ils seront mis au rebut par la  crainte que les humains mais réhabilités plus tard où ils sauront se rendre utiles dans une dernière mission. Notons aussi que ces robots, lors de leur retraite forcée, sont placés dans d'autres organismes comme des chantiers ou même une maison de retraite, faisant là un écho direct à la problématique de vieillissement de la population et à la problématique actuelle de développer la robotique dans le cadre de l'aide à la personne.

III: Les rapprochements entre deux genres

Il faut bien comprendre une chose cependant. Il n'y a pas d'opposition frontale entre occident/robot/méchant et Japon/robot/gentil. Les questionnements sont les mêmes d'un coté comme de l'autre et le scepticisme vis-à-vis de la science est partagé. Mais derrière le pessimisme de l'un, se trouve l'optimisme de l'autre. Une vision qui semble d'ailleurs contagieuse car si la science-fiction va de l'occident pour aller vers le Japon, on note maintenant un mouvement de retour qui transpose les idées du Japon vers l'occident.
Ce phénomène apparaît depuis les années 2000 et sera démontré au travers de deux exemples, Matrix et Mass Effect.

Le premier film Matrix des Wachowski respecte le schéma classique de la représentation des robots dans le mechadesign occidental. Une opposition frontale entre des IA qui ont réussi à asservir les humains en les utilisant comme source d'énergie. Tous les designs suivent cette ligne de conduite, que ce soit les agents Smith au costume noir, les machines hors de la Matrice aux tentacules mécaniques inquiétants, tout dépeint un futur sombre et pessimiste. Mais étrangement dans Matrix Reloaded et Revolutions, la problématique première de lutte contre les machines va laisser la place à l'idée que les IA et les programmes sont devenus eux aussi des entités conscientes et sensibles. A ce titre, elles demandent elles-aussi la liberté d'évoluer dans la Matrice aux cotés des humains, qui sont eux aussi pour le coup, codés comme des programmes.
 
Il n'est plus question alors, dans le propos du film, d'opposition et de lutte entre machines et humains, mais de parvenir à un accord de paix où la sortie de la Matrice est possible pour les humains sans que ceux-ci essayent de la détruire en retour. Jouant sur la confusion homme/machine, Néo interprété par Keanu Reeves est un élu qui fait le lien entre les deux entités et il collabore avec les Machines afin que ces dernières puissent se débarrasser de l'Agent Smith devenu problématique pour les deux parties.
Les robots ne sont donc plus vu dans Matrix comme des ennemis à abattre obligatoirement, et si le scepticisme vis-à-vis du réseau et de la technologie est décrit, le pessimisme du premier film laisse la place à l'optimisme de la cohabitation pacifique et symbiotique entre les deux entités.
Je précise une nouvelle fois que nous ne sommes pas là pour juger de la qualité des films. J'ai adoré le premier Matrix, mais je suis plus circonspect (euphémisme) par rapport aux deux suivants...
Il est cependant important de voir que la Trilogie Matrix, avec ses qualités et ses défauts,est symptomatique de toute l'évolution du mechadesign jusqu'à aujourd'hui. On note le déplacement de la crainte de l'Homme qui passe du robot stricto sensu pour glisser vers l'intelligence artificielle, puis vers le programme. On passe ensuite par la reconnaissance de la "vie" et de la "conscience" des formes artificielles d'existence et on termine sur la cohabitation avec les deux, même si une supputation est lancée sur cette paix qui semble fragile. On note alors un premier rejet typiquement occidental pour arriver sur la cohabitation qui est le thème principal de Astro. Les idées propres à la science-fiction japonaise commencent en ce début du XXIème siècle à prendre pied en occident.

Si les Matrix sont la démonstration de l'introduction des idées du mechadesign japonais en occident, ce n'est pas le cas des designs purs. Robots toujours agressifs, aux couleurs sombres, ils sont "bestialisés" pour être rendus plus effrayants.
Le glissement vers un design plus "japonais" se verra un petit peu plus dans un jeu vidéo, la série des Mass Effect. Dans un premier temps, les Mass Effect reprennent toutes les problématiques décrites dans Matrix. Les deux séries suivent d'ailleurs une structure assez parallèle avec un premier épisode qui nous met en opposition frontale avec les Geths, de méchantes IA robotisés. Ils ont d'ailleurs volés la planète d'origine des gentils Quariens. Le propos de la série évolue progressivement vers le combat des espèces organiques contre les Moissonneurs, une super-espèce extra-terrestre que l'on croit mécanique au début mais qui se révèle être au final une sorte de machine organique. Toute l'évolution des trois épisodes de Mass Effect, conduit progressivement à la recherche de la coexistence entre espèces organiques et mécaniques au travers d'une fusion des formes de vie pour arriver à une sorte de félicité parfaite. Le schéma ressemble donc beaucoup à Matrix et suit le même glissement vers l'acceptation des formes de vie artificielles.
Sur le design des robots en lui-même, on remarquera que d'habitude le mechadesign occidental va vers les couleurs métalliques sombres. Mass Effect va changer la donne en mettant les robots de combat en blanc et en leur donnant aussi une apparence humanoïde voire même canine (si, si).

  

L'acceptation de la figure du robot passera aussi par le personnage d'IDA, intelligence artificielle du Normandy qui décidera de s'incarner dans le reste d'un cyborg, choisissant ainsi de vivre une vie indépendante au milieu des espèces organiques et parvenant même dans sa relation avec le pilote Joker a toucher du doigt une compréhension mutuelle entre organique et mécanique. Si IDA choisi une forme humanoïde "avantageuse" dirons-nous, on peut y voir la aussi la marque du mechadesign japonais qui n'empêche pas un robot d'être sexy, mais en gardant toujours des couleurs sombres et grises loin d'imiter la peau, et donc d'entretenir une confusion qui semblerait toujours être  tabou en filigrane. 

La figure du robot est donc en ce moment même battue en brèche pour être remplacée par celle de l'intelligence artificielle qui s'incarne dans un corps pour être à taille humaine. Si le Japon était habitué à cette figure depuis le tout début, l'occident en reprend désormais les codes sans trop s'éloigner néanmoins de sa perception sombre de la technologie. Si le mechadesign est en cours d'évolution (plutôt du coté des illustrateurs dans des œuvres indépendantes) vers une humanisation progressive de la machine, il n'en reste pas moins que le robot recule au fur et à mesure. Les errements de la technique à ce sujet y sont pour beaucoup. Si le robot comme créature indépendante ne peut subvenir à nos faiblesses, alors il reste la possibilité de nous améliorer nous-mêmes en nous robotisant pour le meilleur et le pire.
Et là encore, la cybernétique se perçoit différemment suivant le coté d'où l'on se trouve.