Un titre évocateur (et sujet à interprétations opposées ^ ^) pour quelque chose qui me travaille depuis quelques années. En effet, la "nostalgie", ce doux sentiment qui nous ramène à une époque précise de notre vie, idéalisée, devient de plus en plus envahissante lorsqu'il s'agit de parler "rétrogaming". Je ne compte plus les posts de forums/blogs ou pire, les articles de la presse dite "professionnelle" ramenant toute pratique d'une oeuvre ancienne à la nostalgie. La vague de commentaires sur la hype Snes Mini en est une illustre manifestation supplémentaire, qui m'amène à ce petit billet.
"Pourquoi le rétrogaming existe-t-il ? La nostalgie est définitivement le socle de ce mouvement." (Lu sur l'article d'un site dédié au rétrogaming)
->Je ne suis absolument pas d'accord avec cette affirmation (ou tout du moins, j'aimerais la remettre en question).
Voici ce que j'écrivais dans mon article Bilan JV 2017 dans la section réservée aux jeux "rétro" : "Au plus les années passent, au plus je me rends compte que mon temps de jeu s’est majoritairement orienté vers le rétrogaming. Pas que l’on fait de moins bons jeux aujourd’hui, pas que je sois frappé d’un élan de nostalgie quelconque (beurk), houlà non, mais juste que j’apprécie énormément les propositions ludiques des oeuvres du passé (et je découvre de nouvelles perles chaque année).
J’adore littéralement le piquant du die&retry et l’apprentissage par l’erreur. J’apprécie les jeux sans concession qui se terminent (et se re-terminent) en moins d’une heure, le temps d’une ou deux poignées de niveaux. Au plus je joue à un (bon) jeu rétro, au plus je l’apprécie. J’aime me poser devant ma ludothèque et choisir une cartouche qui me divertira quelques dizaines de minutes sans nécessité d’investissement supplémentaire (arcade style, yeah !). J’aime retrouver un JV plus brut, plus essentiel, épuré, dénué de tous ces “plus+” accumulés au fil du temps, et insufflé d’une essence tout de même différente de ce que je peux retrouver au sein de (l’excellente) scène indé actuelle.
Bref, je joue avec bonheur intense aux jeux dits “rétro”, sans nostalgie ni démarche culturelle particulière, uniquement pour leurs qualités ludiques intemporelles, leurs esthétiques uniques et leur format qui sied parfaitement à mon mode de vie ainsi que mes attentes de joueurs."
Le rétrogaming, il me semble que cela relève avant tout de l'appréciation juste (et non biaisée par quelque influence extérieure que ce soit) d’œuvres réalisées dans des contextes différents, avec des technologies différentes, des savoir-faire différents ainsi que des créateurs différents (citons les acteurs de chez SNK, Konami, Sunsoft, Treasure, Hudson Soft, Compile, Data East, Irem, RED, Naxat, Tecnosoft, etc. à la retraite ou reconvertis dans d'autres secteurs).
À l'heure où le jeu vidéo acquière petit à petit une pleine reconnaissance culturelle, jouer aux oeuvres du passé qui présentent des qualités intemporelles (que le temps ne saurait ébranler) cristallise plus que jamais tout l'enjeu et la portée de ce que l'on appelle communément le "rétrogaming".
La nostalgie est personnelle à chacun, c'est une affaire subjective qui ne concerne que l'individu et ses souvenirs idéalisés (biais cognitif bien connu). Cela ne devrait plus être systématiquement brandi comme raison d'être fondamentale de la pratique du rétrogaming. Cela voudrait dire que le rétro ne présenterait aucune espèce d'intérêt ludique pour les jeunes n'ayant pas vécus les époques concernées. Ce dont je suis en total désaccord. Avoir recours systématiquement à la notion de nostalgie dès qu'une oeuvre rentre dans la case "rétrogaming", c'est un peu desservir la démarche qui vise à une plus grande considération de cette pratique (et je pense qu'un passionné de JV au sens large ne devrait pas être insensible à cette idée).
"Après, je ne vois absolument pas ce qui pourrait pousser les gens à partir dans le rétro." (Lu dans la section rétrogaming du forum d'un site généraliste).
->Pour les mêmes raisons qui font qu’aujourd’hui, on ne se questionne pas sur l’intérêt ni la légitimité de regarder un film des années 80/90 ou antérieur (la technologie “vieillit” et les savoir-faire évoluent, ce qui peut faire son charme d’ailleurs, mais les qualités intrinsèques de l’oeuvre subsistent).
Je ne sais pas, si je regarde aujourd'hui "Autant en emporte le vent", "Les Sept Samouraïs" ou "Le Roi et l'Oiseau", et que je souhaite en parler, est-il question de quelconque nostalgie parasite dans les discussions cinéphiles ? Bien évidemment que non, car la culture cinématographique a acquis des lettres de noblesse dont ne jouit pas (encore) le jeu vidéo. Cela avance doucement, mais ce n'est certainement pas en brandissant la pancarte nostalgie dès qu'il s'agit de rétrogaming (le terme anglophone "classicgaming" est plus pertinent je trouve) que cela ira mieux.
Bref, retrogamers de tout poil, fans de jeu vidéo de tous horizons, afin d'oeuvrer (sans trop d'effort) pour une émancipation et pleine reconnaissance culturelle de ce média qui nous passionne tant, cessons de brandir la pancarte "nostalgie" à tout va, dés qu'il est question de jouer à une oeuvre vidéoludique ne faisant plus l'actualité.