Après avoir goûté aux joies de l'arcade à la maison sur support d'origine grâce au format MVS (qui n'est autre que la Neo Geo en arcade, bien plus accessible et à des années lumière des insanités spéculatives de l'AES), la perspective exaltante d'étendre mon champs des possibles se profila.

J'ai donc commencé à motiver mes amis pour faire l'acquisition commune d'une PCB arcade d'un de nos jeux cultes : Sunset Riders (hiiii haaaaaa !) d'un de nos développeurs favoris : Konami des 90's. Ça y était, je fus dés lors soufflé par une irrésistible appétence qui me poussa à creuser la logithèque de ce glorieux éditeur en arcade, dans le but d'acquérir avec mes amis une ou deux autres PCB bien senties.C'est ainsi qu'au cours de mes recherches, je suis tombé sur le plutôt obscur et disons le franchement méconnu Violent Storm. À cause d'un Capcom beaucoup plus prolifique et prompt à tirer la couverture sur lui, on ne connait pas beaucoup Konami pour ses Beat Them All (apparemment, il est plus correct de dire "Beat Them Up" aujourd'hui, mais j'utilise le terme historique, aussi éronné soit-il, deal with it !). À part ses adaptations de licences comme Teenage Mutant Hero Turtles (des jeux plutôt moyens et mous du genou en arcade, contrairement au très compétent portage Turtles in Time sur Snes), et son fameux Asterix cher au coeur des Français, peu nombreux sont les BTA de la firme à s'être hissé jusqu'à la notoriété. Toujours est-il que Konami s'est efforcé de s'imposer sur ce secteur dominé par l'ogre Capcom. Depuis Crime Fighters plutôt correct en son temps jusqu'à l'indémodable Metamorphic Force, les équipes de Konami ont roulé leur bosse, et ont tout donné sur leur dernier jeu du genre : le sus et bien nommé Violent Storm.

Le jeu se déroule après que la 3ème guerre mondiale ait ravagé le monde et laissé le champs libre à la tyrannie des gangs de rue. C'est le vil clan "Geld" qui captura l'amie de nos 3 défenseurs de la paix civile, motivant ainsi l'action.

En réalité, ce jeu s'avère assez réputé dans le cercle assez reclus des férus d'arcade. Quel ne fut pas mon étonnement face au constat inattendu d'un enthousiasme unanime, quasiment dithyrambique, qui émergeait dans le peu de critiques disponibles à son sujet, contrastant étrangement avec le peu de reconnaissance dont semble jouir le titre dans la pratique populaire.

Une fois branché sur mon écran CRT via un supergun de chez Smallcab, je dois dire que ma mâchoire s'est considérablement détendue. Les rares critiques et commentaires que j'avais lus n’exagéraient donc pas, le jeu se révèle réellement des plus jouissifs !

Ce qui ressort instantanément au premier crédit sur Violent Storm, c'est la grande variété des coups, la maniabilité sans faille, ainsi que la nervosité des mouvements et précision des impacts. Ce jeu a une de ces patates, c'est vraiment fou ! En outre, au revoir les feedbacks visuels et sonores ultra faiblards de certains autres BTA de Konami (le très gros point faible des jeux arcade Teenage Mutant Hero Turtles que j'ai déjà cités) : ici, ça claque bien comme il faut, les bruitages sont purs et percutants,  avec des effets d'impacts superbement restitués, gerbes de sang à l'appui. C'est assez jubilatoire ! Ce genre de feedbacks (rétroactions), c'est vraiment un élément clé, pourtant malheureusement souvent négligé, pour rendre un Beat Them All plaisant et attractif. Taper mollement dans du beurre ne procure pas beaucoup de sensation. La série des Bare Knucles (Streets of Rage), acclamée de par le monde, en fait d'ailleurs judicieusement usage, et ce n'est pas un hasard ! 

Les impacts ont du corps : ça claque comme il faut et l'hémoglobine gicle comme rarement !

Mais revenons à notre Violent Storm, qui porte décidément bien son nom : le jeu est violent, super violent, dans tous les sens du terme. J'ai rarement ressenti ce genre de feeling. Jamais un fracassage de pot de fleur dans la tronche, un coup de couteau dans le bide ou une salve de batte de fer dans les dents ne m'ont paru si éclatants dans un jeu 2d du genre. La nervosité du gameplay couplée à des feedbacks visuels et sonores incisifs font des merveilles.

NB : L'intégralité des longplays disponibles sur le net sont réalisés sur émulateurs avec l'option "clean" par défaut. Grosse erreur : cette option enlève toutes les gerbes de sang, quel dommage ! Ceci couplé aux captures d'émulateurs souvent réalisées en 16/9 déformé, le jeu dispose hélas d'une bien piètre vitrine vidéo sur internet !

La palette de mouvements très étoffée renforce ce sentiment tant les possibilités de combos et de links sont nombreuses. Ainsi est-il possible de fracasser ses ennemis tombés au sol (ce qui les achève généralement), de parer des coups, de se défendre même pris en sandwich des 2 côtés... Uppercut, balayette, parade, dash, saisie, projection... il y a tant à faire, pour chacun des 3 personnages disponibles ! Les techniciens y trouveront de la matière pour se faire plaisir, sans pénaliser les joueurs occasionnels avec un moveset imbuvable. Violent Storm s'avère riche et étonnamment profond malgré une accessibilité et prise en main quasi-immédiate (loin de la prétention d'un Sengoku 3 tout aussi copieux mais un tantinet élitiste dans l'exigence de ces nombreux inputs et timings).

Tournant via un CPU Motorola 68000 cadencé à 16 Mhz (à titre de comparaison, la Neo Geo est munie du même processeur mais cadencé à 12 MHz), Violent Storm est extrêmement beau ! Nous sommes en 1993 et les graphistes de Konami se sont surpassés pour pondre des sprites gigantesques ainsi que des tiles de backgrounds bourrées de petits détails et d'animations en tous genres. La palette de couleurs est exceptionnelle, avec des associations tellement fournies et improbables que cela dote le titre d'un cachet chatoyant assez fou ! Les teintes sont osées, le cocktail est détonnant, et le pire, c'est que la mayonnaise prend étonnamment bien. Jamais un univers cyberpunk post-apocalyptique n'a été si bariolé, presque pittoresque, tout en restant crédible.

L'intro donne le ton : nos 3 braves protagonistes poursuivent le kidnappeur dans leur Cadillac stylée, défoncent une porte blindée sans se soucier de la carrosserie, puis s'éjectent majestueusement sur l'asphalte revêtant les stigmates d'une 3ème guerre mondiale dévastatrice.

Les décors sont variés, ne laissant ainsi jamais la morosité s'installer. On traverse des rues, bar, cuisine, gare, port, usine, etc. qui s'enchainent à vitesse grand V, sans rallonge poussive ni recyclage intempestif de tiles. Au delà de cette variété ma foi peu banale, c'est l'extrême soin apporté aux détails de ces backgrounds qui captivent. Blindé d'humour à la Konami et d'interactions loufoques, le jeu évite brillamment l'une des tares de nombreux BTA : la monotonie, la lassitude voire carrément l'ennui. C'est simple, ces démons n'ont littéralement pas le temps de pointer le bout de leur petit nez affreux.

L'intensité de l'action, l'opulence des mouvements et des enchainements réalisables, la diversité des environnements, le niveau de détails et les touches d'humour... tout cela oeuvrent en synergie pour ne jamais blaser le joueur et tenir son attention constamment au top. J'ai remarqué également que les ennemis avaient tous de petites barres de vie, sauf rares exceptions. Ce qui fait qu'on les enchainent dans un ballet incessant de torgnoles et de talons dans les gencives, sans que l'effet désagréable du "sac à PV" ne se fasse ressentir. Rien de pire en effet dans un BTA que de devoir victimiser un PNJ lambda qui se relève 2, 3 voire 4 fois et de devoir s'y reprendre... Ici, c'est propre et sans bavure : souvent, un enchainement bien senti et un coup au sol suffisent à venir à bout de la plupart des punks. Cela renforce le rythme, et c'est assez jouissif !

Durant cette scène dans le bar (screenshot à gauche), on se frite contre la pègre urbaine en défonçant table et chaises (de préférence sur le crâne des ennemis !), puis on affronte deux tueuses sur fond de musique orientale (la danseuse se réjouira de votre victoire). Une fois le chef de gang atteint, il nous balancera dans le sous-sol malfamé du bar (screenshot à droite), théâtre de combats clandestins (en cage, contre une brute épaisse).

Doté d'un processeur sonore Zilog Z80 cadencé à 8 Mhz, assisté par 2 soudchips K054539 cadencés à 48 Khz, la PCB de Violent Storm envoie du lourd aux oreilles. Nous évoquions plus haut la grande qualité des feedbacks sonores (grâce à des bruitages clairs, bien conçus et étalonnés au poil), les musiques ne sont pas en reste avec de nombreuses pistes chantées en mode "Hip Hop Street Vibe". Collant parfaitement à l'action, tout en participant à l'ambiance décomplexée qui émane de l'oeuvre, chacune des pistes musicales sonne aussi bien que juste. Petite mention spéciale aux voix digits très bien interprétées, avec des cris convaincants ayant du peps et des répliques réjouissantes (le boss à la fin du stage sur le train : "May I see your tickets ?!", le chef du gang qui s'enfuit "So long, suckerrrrs !!!", etc.).

Il y a tant à dire sur ce Violent Storm, tant de détails croustillants et de qualités à évoquer, mais ce serait vous gâcher un peu le plaisir de la découverte que de tout relater ici. La branche d'Osaka de Konami nous a pondu un véritable chant du signe (Violent Storm est le dernier BTA réalisé par Konami Japan), illustre représentant de sa catégorie et tenant la dragée haute à sa référence assumée (Final Fight). Pour moi, c'est une évidence, il surpasse son modèle de très loin. Délicieux à regarder, à écouter et (surtout) à jouer et rejouer, c'est un sans faute sur lequel j'ai du mal à trouver à redire. C'est bien simple, depuis que je joue sur la PCB, elle chauffe à plein régime, hypnotisant par la même tout mon cercle social (compagne, amis et famille... ils sont rares à y être insensibles lorsque le jeu tourne en fond). Je suis tellement ravi d'avoir découvert ce titre. Il est devenu dès les premiers crédits, et cela s'est confirmé après plusieurs années de pratique, l'un de mes Beat Them All favoris... si ce n'est mon préféré tous supports et époques confondus !

PETIT GUIDE rapide pour dédiaboliser l'"arcade à la maison", et pouvoir jouer relativement aisément à une PCB arcade chez soi (sans posséder de borne d'arcade, évidemment ^ ^).

CE QU'IL VOUS FAUT :

-La PCB du jeu convoité. Autrement dit la carte mère contenant à la fois le software ainsi que le hardware. Le moins évident à trouver. La patience est une alliée précieuse. Et n'hésitez pas à faire comme nous, mettez vous à plusieurs amis proches pour en faire l'acquisition commune.

-Un câble péritel standard RGB tout bête (à embouts mâles de chaque côté).

-Un ou deux sticks au format DB15 (type Neo Geo). À noter qu'il existe une tripotée d'adaptateurs (exemple : Playstation -> Neo Geo), mais aussi des moddeurs qui se feront une joie de rendre vos sticks arcade préférés compatibles (perso, j'y branche un stick Neo Geo classique et un stick arcade Dreamcast moddé embout + Sanwa).

L'écran à tube (ci-dessus un BVM de chez Sony), une technologie unique qui a façonné les hardwares sur lesquels ont été minutieusement modelés nos jeux 2d préférés ! Respectons-les, préservons-les !

-Un écran CRT à tube. Les PCB arcade 2d étant méticuleusement conçues pour tourner en 240p (comme tous les jeux sur consoles 8 / 16 / 32 / 64 bits), sur un écran cathodique à balayage (scanlines natives), il serait vraiment dommage de jouer sur support original et de dénaturer l'image d'orfèvre en l'affichant sur un écran plat HD (technologie complètement différente). En outre, au delà de l'apparence, les jeux arcade étant plutôt exigeants au niveau de leurs inputs et timings, l'input lag ajouté fatalement par le processus d'émulation + l'écran plat (numérique) est à éviter autant que faire se peut. Même si vous n'y êtes pas spécialement sensible, ni ne le ressentez activement, l'input lag est là et altère insidieusement l'expérience de jeu, en biaisant les timings voulus par les développeurs et vous sucrent plusieurs frames de réflexe.

-Une alimentation de PC type ATX (avec une tension de 5V régulée).

Le SUPERGUN est l'élément clé.

-Un SUPERGUN. Autrement dit, une interface électronique permettant de relier ensemble tous les éléments importants : la PCB au format JAMMA (un standard en arcade), un câble péritel RGB, deux ports manettes au format DB15 (standard Neo Geo) ainsi que l'alimentation ATX. Le SUPERGUN permet également de mettre des crédits à volonté à la simple pression d'un petit bouton poussoir. Si l'on devait bidouiller soi-même son SUPERGUN il y a encore 15 ans, aujourd'hui, des tas de passionnés et d'entreprises professionnelles les usinent de manière industrielle, vous avez l'embarras du choix.

-De l'amour pour les bonnes choses authentiques, de l'enthousiasme dans son rapport privilégié avec le monde physique et bien entendu, un peu de persévérence ne sera pas de trop ^ ^ (limitez-vous à 3 crédits par partie : l'école arcade, c'est du fun immédiat et une profondeur de jeu révélée par la répétition. Sans récurrence dans le replay, l'arcade perd pas mal de sa substance et de son intérêt sur le long terme).

Sensations et plaisir de jeu indescriptibles ! Il faut l'expérimenter pour le concevoir.

J'espère que ce petit billet vous aura donné envie de vous essayer à Violent Storm. Il est vraiment regrettable qu'un titre de cette trempe reste confidentiel. Les Streets of Rage iconiques ou autres classiques de chez Capcom, c'est bien cool, mas il y a aussi Violent Storm, fruit d'un Konami à son plus haut niveau !  Il mérite tellement plus de reconnaissance !