Malgré les robes de Peach et le ventre rebondi de Rondoudou, tout n'est pas rose dans le microcosme des jeux vidéos - un peu comme à l'époque de Pong, pour donner une idée, sauf que cette fois-ci, ce sont les institutions qui se renvoient la balle (sans casser des briques pour autant, vu que c'est pas Arkanoïd non plus. Suivez, un peu, sinon on ne s'en sortira jamais !).

 

En effet, on aurait pu croire l'affaire Peta classée, suite aux excuses présentées par les dirigeants de l'association à Mario, le tristement célèbre « Plombier Rouge » (comme la presse l'avait surnommé alors), suspecté d'être un dépeceur de Tanukis en série avant d'être publiquement lavé de tous soupçons par son camarade Phoenix Wrightmais la blessure morale reste », confie hors caméras ce gentil papi de 72 ans, écologiste dans l'âme, qui a passé sa vie à réguler bénévolement la population des tortues dans l'hémisphère nord, et qu'on regarde dorénavant avec la même désapprobation qu'une Lady Gaga en culotte de viande).

 

"Et alors quoi, des Tortues Corses ? T'as un problème avec les tortues corses ?"

"Ouais, t'as un problème avec les tortues corses ?"

(ad lib)

 

Les tensions n'en sont pas retombées pour autant. Bien au contraire.

 

Comme une traîné de poudre (celle qui est toute blanche et qui fait tout rigolo dans la tête quand on la respire par le nez), la grogne s'est répandue chez les second rôles de jeux vidéos, dont le statut précaire commence à peser sérieusement sur leur motivation, qu'ils soient faire-valoir ou antagonistes.

En témoigne le déclin progressif de leur combattivité au cours de ces dernières années, et leur manque d'enthousiasme sur le champ de bataille. Car si les jeux sont plus faciles aujourd'hui, il n'y a pas de mystère, c'est d'abord une question de couverture sociale (et par couverture sociale, il n'est pas question de Sam Fisher infiltrant le Pôle Emploi, non. J'insiste : essayez de suivre, un peu).

 

« On travaille dans des conditions inhumaines », clame Gisèle, plante carnivore de bord de piste à Mario Kart depuis maintenant six ans.

Réponse du patronat : « Normal. Vous n'êtes pas des humains ».

Une formule malheureuse qui a mis tout le monde sur les dents, surtout du côté de Castlevania où on est très sensible de ce genre d'appendices.

 

« En même temps, ce genre de propos, on a l'habitude, déplore un Maskass, qui a préféré ne pas témoigner à visage découvert. On n'a aucune considération de la part de nos supérieurs. D'accord, on a la sécurité de l'emploi, mais cet emploi, lui, n'est pas synonyme de sécurité. Au contraire. On passe des heures à se faire bousculer, aplatir, piétiner, écrabouiller, lapider à la boule de feu, et tout le monde semble trouver ça normal sous prétexte qu'on est les ennemis. Mais même un ennemi, ça a des lombaires, qu'est-ce qu'ils croient, eux ? ! Quand je rentre chez moi le soir, que je n'ai plus de colonne vertébrale parce que j'ai pris un petit boulot de Sub Zéro à Mortal Kombat pour essayer de joindre les deux bouts, comment je fais, moi, pour m'occuper des gosses ? Comment je leur explique que si leur papa, il peut pas les prendre dans ses bras, c'est parce qu'on les lui a arraché au travail ? ».

 

Réponse du patronat : « le Maskass, il nous les casse » (ou « Maskass-toi, pauvre con », selon d'autres sources confidentielles). « C'est plus comme en 80, faut bien qu'il se mette ça dans ce qui reste de son crâne en fin de service. Le chômage est en passe de faire péter le high score, alors qu'il s'estime heureux d'avoir encore un emploi. On connait des tas de Foot Soldiers qui n'ont pas été sous contrat depuis Turtles in Time sur Super Nes et qui seraient ravis de prendre sa place. Sans parler de Krang ou du Technodrome... et pourtant, eux, ils ont leur brevet de boss de fin de niveau ! ».

 

Au sujet de la baisse des salaires et de la suppression des primes en tickets restaurants, même son de cloche : « c'est regrettable mais c'est le système qui veut ça. Une fois qu'on a payé les héros, les cinématiques et le marketing, il ne reste plus grand-chose pour les autres, c'est partout pareil. Demandez à un Stormtrooper ce qu'il gagne aujourd'hui. Il vous répondra qu'il est sur la touche parce qu'on l'a remplacé par un bonhomme légo ! Pareil pour Rayman, d'ailleurs. C'est de justesse qu'il s'est pas fait piquer son job par les Lapins Crétins. Jusqu'à cette année, franchement, on le croyait fichu. Et même là, il a réussi son retour, mais rien ne dit que ça va durer, avec la crise et tout. A notre époque, si t'as pas une épée et un casque bizarre, t'es personne ».

 

Un discours ambigu qui a poussé Yoshi lui-même à monter au créneau : « de toute façon, y'en a que pour les héros. C'est toujours pareil : eux, ils se partagent les vies supplémentaires, les pièces d'or, les champignons magiques, les bonus en nature et nous, on n'a que nos yeux pour pleurer. Et encore ! Quand ils ne les crèvent pas au nom de la justice ! Ils oublient un peu vite que c'est nous, les intermittents du jeu vidéo, qui font d'eux ce qu'ils sont. Parce qu'entre nous, sans ennemis ni montures, le héros, en quoi il est différent de vous et moi ?». Et le sympathique dinosaure de nous rappeler qu'à l'origine, le Yoshus Simplex est une espèce protégée, dont la convention de Mushland a proscrit l'usage en tant que monture depuis les années 20. « Ces gars-là se croient au-dessus des lois, sous prétexte qu'ils sauvent le monde, conclue-t-il avec amertume, ça en dit long sur leur état d'esprit ».

 

 

« Ce qui me hérisse le poil, moi, complète Donkey Kong, syndicaliste de longue date à l'union CGT (Champignons, Gorilles & Tortues), ce sont les magouilles en coulisses. Un exemple : Mario Kart. Gisèle vous le confirmera : faute de budget, je suis forcé de conserver mes épluchures de bananes personnelles si je veux avoir quelque chose à balancer sur le terrain, alors que d'autres utilisent leur kart de fonction pour des déplacements privés. Comme par hasard, à ceux-là, on paie des machines flambant neuves alors que nous, on nous impose de concourir avec les vieux modèles en 2D de la Super Nintendo. Et après ça, on s'étonne que ce sont toujours les mêmes qui montent sur le podium... ».

 

Ce ne sont pas là des voix isolées, comme certains voudraient le faire croire. A l'heure où nous rédigeons ces lignes, le mécontentement commencerait à gagner d'autres licences populaires, à commencer par la mythique saga Final Fantasy qui, selon Kefka Palazzo, son porte-parole, « attendait juste la fin de la cinématique pour joindre sa voix aux protestations » (« lamentations », a-t-il employé, mais sans doute était-ce un lapsus dû à l'émotion). Il a d'ailleurs entrepris de construire une gigantesque tour « en guise de soutien symbolique ».

 

 

« S'il faut tout anéantir pour obtenir gain de cause, ajoute-t-il, alors on le fera. Les rêves, les espoirs, tout ! On détruira ce monde pour en reconstruire un nouveau, où ne règnera que douleur et perversion ! J'ai déjà pris certaines dispositions personnelles dans ce sens ». Dispositions qui, elles-mêmes, ne font pas l'unanimité au sein de la communauté.

 

Nous trouverions-nous à l'aube de ce que les experts appellent d'ores et déjà un Ludogate ?

 

Les joueurs, eux, ne se prononcent pas.

Vu qu'ils sont sur Skyrim matin, midi et soir.

 

 

Après la magie des débuts, l'heure du désenchantement ?

 

 

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Comme ça, vous aurez enfin une vraie bonne raison de détester Mario Kart Wii (ainsi que la version 3DS en 150 cc), au moins autant qu'Alex Day :

 

 

 

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