On ne se méfie jamais assez du grand Internet.

 

Il a beau porter un vieil imper démodé, proposer des bonbons gratuits ou des élongations suspectes, on se fait avoir à chaque fois. On a beau croire qu'on ne craint rien, à tout moment, une malencontreuse recherche sur la saucisse de Morteau peut tourner à la tragédie, dès lors qu'on oublie d'activer le filtre sur « Google - les Images » (je n'essaierais pas, à votre place. Non. Vraiment, j'insiste, ne faites pas ça).

 

Mais il y a pire. Pas de surprise : sur internet, il y a forcément pire, c'est un principe universel. Car il arrive parfois que vous deveniez complice, bien malgré vous, de votre propre infortune - et pas seulement parce que vous avez transmis vos coordonnées bancaires à Monsieur Auguste Hector Emile Grodésir, ambassadeur de Ferrerorochie, pour devenir son vertueux exécuteur testamentaire. En témoigne la façon scabreuse dont Square Enix a exploité mon innocence consumériste pour faire de moi, contre mon gré, un terroriste en puissance.

 

 

Jugez plutôt :

 

 

Il y a peu, je précommandais ce qui était présenté comme un jeu de cartes commémoratif fêtant les 25 ans de sa saga fétiche en neuf épisodes. Dans ma grande naïveté, je pensais me porter acquéreur d'un tas de bouts de carton multicolores, tout ce qu'il y avait de plus banals et de plus anecdotiques (peut-être même plastifiés, rêvais-je, mes soirs d'optimisme forcené).

 

Ne vous fiez pas aux apparences. Ceci est une abomination destinée à perdre l'Humanité.

 

J'étais bien loin de me douter qu'à mon insu, je faisais entrer sur notre territoire une arme de destruction massive, pourvue d'une puissance de feu capable de raser de frais une galaxie entière.

 

 

Mais dès réception, je l'ai pressenti.

 

Malaise, hésitation.

 

Quelque chose n'allait pas.

 

Au dos de la boîte, en caractères blancs sur un fond d'une obscurité menaçante, cette précision inattendue :

 

L'année dernière encore, Martinman aurait pu être envoyé en camp de redressement

pour s'être fait attraper avec ce jeu de cartes en poche.

 

 

 

A partir de 14 ans ?, me suis-je aussitôt demandé.

 

Comment ça, à partir de 14 ans ?

 

Depuis quand faut-il attendre d'être à quatre années de la majorité, à quatre années de l'âge adulte, à quatre années du droit de vote, du permis de conduire, de la première hémorroïde, pour gagner le droit somme toute peu reluisant de... jouer aux cartes ? !

 

AUX CARTES, BON SANG !

 

La bataille, le pouilleux, le tarot, la belote...

 

Même le strip-poker n'est plus aussi sulfureux, depuis que le strip-Pokémon fait fureur dans les cours d'écoles primaires.

 

Alors quoi ?

 

Quel sombre secret ce jeu-là pouvait-il cacher, qui justifierait un PG14 ?

 

 

Un examen plus approfondi du dos de la boîte eût tôt fait de m'apporter la réponse - que j'aurais préféré ne jamais obtenir, du reste :

 

Non, ce n'est pas un fake.

 

Le doute n'était plus de mise, désormais.

Sous couvert de collectionnite aigüe, j'étais désormais détenteur d'un armement de pointe, technologie hypersophistiquée issue de la recherche spatiale, comme les gants en téflon pour sortir les gâteaux du four et les pneus à motifs zébrés pour décorer les hérissons. Technologie qui, en de mauvaises mains, pourrait entraîner un chaos mondial sans précédent (c'est dire).

 

Sous leurs dehors inoffensifs, ces cartes n'étaient pas de simples goodies cheap pour gogos nostalgiques, non. Le mythique Setzer Gabbiani les avait brandies avant moi, et ni drones de combat, ni tyrannosaures démonistes, ni plantes carnivores géantes de chez Monsanto n'avaient pu résister à leur potentiel destructeur.

 

Or voilà qu'à mon tour, j'allais à mon pouvoir faire mon Le Beau en situation de conflits armés.

 

Ou alors, seulement avec une voix vocodée portée sur le bégaiement schizophrénique

 

Mais étais-je digne d'un tel pouvoir ?

 

Surtout : saurais-je le maîtriser, moi qui n'aurait aucune difficulté à me crever un œil avec un ouvre-boîte ? ("un ouvre-boîte implique de grandes responsabilités", dit-on, dans le métier).

 

« A manipuler avec précaution », lisais-je et relisais-je sans savoir qu'en déduire. S'agissait-il d'une forme améliorée, et mais instable, de nitroglycérine ? Un dérivé geek du plastic ?

 

Et de m'interroger, encore, quant au mystérieux usage « non ludique » auquel on faisait référence plus bas. Moi qui était persuadé que des cartes "n'étaient que des cartes", je réalisais tardivement l'étendue de mon ignorance quant aux merveilles et ombres du monde qui m'entourait.

 

La suite ne manqua pas de me déniaiser une bonne fois pour toutes, gratuitement et sans protection. :

 

Non, vous ne voulez pas connaître la suite.

 

Dorénavant, j'étais fixé. J'étais un criminel.

J'allais avoir toutes les polices de la galaxie à mes trousses. Il allait falloir que je la joue fine et que j'évite les bars et les bureaux-de-tabac-PMU pendant un bon moment.

Mais cela suffirait-il ?

 

 

Vraisemblablement non.

 

 

Je vous passe les alinéas suivant. Il y en a une bonne quarantaine comme ça.

 

 

 

 

J'étais devenu l'ennemi public numéro 1, à égalité avec le Colonel Reyel, Mickaël Vendetta, Morsay et les frères Bogdanov.

 

Par la faute de Square Enix, ma vie ne serait plus qu'errances, courses-poursuites, mendicité, tandis que ses dirigeants resteraient à jamais impunis, et libres d'inonder le marché avec leurs produits licencieux :

 

 

Ongles de rechanges vendus séparément.

 

Quand je pense de surcroit qu'à AUCUN MOMENT DE LA TRANSACTION, on ne m'a demandé mon âge, mon casier judicaire ou mon code ami 3DS et que, par conséquent, n'importe quel enfant et/ou repris de justice pourrait commander ces horreurs à son tour, j'en ai des frissons d'écœurement.

 

Cette fois, c'est sûr : il s'agit bien

d'une arme de destruction massive.

 

 

Quand cette escalade de la violence s'arrêtera-t-elle ?

 

Quand les hommes comprendront-ils qu'ils sont frères ?

 

Quand se conduiront-ils en êtres civilisés ?

 

Quand, je vous le demande les yeux dans les yeux, pourra-t-on à nouveau jouer aux cartes en toute insouciance ?

 

 

 

Société de consommation, mais qu'as-tu fait de nous ?

 

 

 

 

*

 

Le mode solo, c'est kiff-kiff. Mais le mode multiplayer emporte le morceau.

 

 

*

 

Note additionnelle :

 

Le premier segment d'avertissement étant 100% authentique, je soupçonne Square Enix d'avoir si peur de mon futur dossier que ses têtes pensantes - j'emploie le pluriel par politesse, vous l'aurez compris - mettent tout en œuvre afin de m'en détourner.

 

Je ne vois pas d'autre explication rationnelle.

 

Et pourtant, j'ai cherché.

 

 

 

*

 

 

 

Oh, et pour ceux d'entre vous qui rechercheraient activement un contact au japon, en quête de pièces rares pour-épater-la-galerie ou des goodies-improbables-à-fortes-poitrines connus d'eux seuls, voici une adresse qui pourrait s'avérer fort utile :

 

Un vendeur éminemment sympathique, serviable, poli, zélé, souriant, avec qui il est plaisant de faire affaire et dont vous pouvez par ailleurs trouver la boutique E-bay par ici.

 

Le Golden Nunchuk et le Hyrule Historia que vous avez pu voir , c'est lui.

 

 

Recommandé, donc.

 

Avis aux amateurs.