Leçon précédente.

 

 

Point crucial entre tous, n'essayez pas d'en mettre plein les mirettes en sollicitant le talent d'un peintre de renommée mondiale, lequel pourrait sans le vouloir donner à votre projet un cachet artistique préjudiciable, là où ce jeu dans son ensemble ne doit pas avoir plus de personnalité que vos protagoniste ou que l'univers dans lequel ils évoluent. Faites plutôt appel à un dessinateur au style sans saveur, ni beau, ni laid (un style lisse, à nouveau - et au plus près de l'archétype manga, tro kiffé dé Kévin C dernié tan), que les pro du fan-art pourront imiter, voire surclasser sans peine. Là encore, ne mettez pas votre cœur de cible mal à l'aise en l'exposant à des dessins trop éloignés de ce dont il a l'habitude : contentez-vous d'un seul et même design, et quelques variations dans la coupe de cheveux et le nombre de boucles de ceintures portées sur l'abdomen, ça lui suffira amplement. Après tout, n'a-t-il pas grandi en regardant Saint Seiya et Dragon ball Z ?

 

 

 

 

On peut ne pas aimer le style de Yoshitaka Amano, mais on devra bien

admettre qu'il est autrement plus personnel que celui de son challenger.

 

 

 

N'ayez qu'une exigence : que vos héros soient tous soit « trop beaux », soit « trop belles », soit « trop kawaii », et que le super-méchant du moment soit encore-plus-mieux-beau. Avec des cheveux longs. Car dans votre jeu, bien sûr, jamais le vent ne les lui plaquera sur la tête en plein combat, ou tandis qu'il marche en bordure d'un précipice.

 

 

 

 

Pour vaincre Sephiroth, tire-lui les cheveux.

 

 

Quant au rendu in-game, il faut viser un réalisme total, afin d'assurer à l'ensemble de votre travail une unité optimale. Au risque de vous le répétez : pensez que pour le consommateur, ce qui paraît crédible, c'est ce qu'il connaît. Hors de question, par conséquent, de le perturber avec des niaiseries à la mode "neuvième épisode", ou comme on en trouvait dans SaGa Frontier 2. ça, c'est pour les enfants.

 

 

 

Un Final Fantasy dans ce style ? Tudieu, ce que ce serait laid !

 

 

 

 

 

 

Ha tiens non, en fait.

 

 

Lorsque le designer en charge élaborera la tenue de vos personnages, qu'il ne conçoive pas celles-ci en fonction d'un background ou d'un univers, mais en fonction de ses goûts personnels, de manière à offrir aux cosplayers et autres amateurs de carnaval un challenge intéressant : qu'il ne lésine ni sur les couleurs, ni sur les textures, ni sur les variétés d'étoffes, ni sur les superhyperpositions (ajoutez des bretelles même, pourquoi pas ? Quoi de plus cool et de plus « heroic fantasy » que la bretelle, franchement ?), ni sur les boucles de ceintures ou sur des accessoires que vous pourrez ensuite vendre à prix d'or dans vos magasins officiels. Car pour faire un héros digne de ce nom, dans un monde qui ne jure que par les apparences, il ne suffit jamais que d'un collier fashion.

 

 

 

 

 

Alors, Yuna... ça farte ?

 

( Trailer du film live de Final Fantasy X ICI ).

 

 

Voyez le gamer comme une pie, ou un président de la république sortant : il lui faut sa dose quotidienne de bling-bling ou de montres en or, et c'est à vous qu'il revient de le satisfaire. Bijoux, babioles, pendentifs, boucles d'oreilles, piercings : un look de guerrier réussi est un look capable de faire tilter un détecteur de métaux. Qu'importe si ces tenues ne sont ni agréables à l'œil, ni fonctionnelles (quoi de plus impressionnant qu'une épée si longue que son propriétaire ne peut pas la sortir du fourreau sans poser celui-ci par terre ?), qu'elles paraissent toujours flambant neuves, ni sales, ni abîmées, ni même ternies par le soleil, et que celui ou celle qui les porte ne puisse pas les ôter ou les remettre sans y consacrer douze heures d'affilées. Qu'importe, aussi, si elles deviennent un sérieux handicap en cas d'infiltration discrète à tenter en terrain hostile. « Qu'est-ce qui est bleu électrique, jaune poussin, rouge écarlate et qui brille de mille feu au milieu du désert ? Un personnage de Final Fantasy en tenuede camouflage », pourrait-on ironiser, avec un peu de mauvais esprit. Bien sûr, c'est grotesque, mais ça plaît. Donc ça vend. Donc on fait. CQFD. Et puis vêtir son protagoniste comme un clown, ça a su faire ses preuves dans le sixième opus : il ne restait qu'à généraliser le principe, la pérennité du jeu était assurée.

 

 

 

Oui, absolument, Tidus s'exprime en Comics sans MS. ça vous étonne ?

En tout cas, il n'a rien à dire sur la position de Superman, c'est déjà ça.

 

 

Par ailleurs - et cela vous semblera certainement frappé au coin du bon sens -, faites attention à ce que les tenues portées soient toujours du plus mauvais goût, car la mode étant ce qui se démode, autant ne courir aucun risque et faire quelque chose de kitsch à dessein, dès le départ. Ce qui est moche par nature vieillit beaucoup mieux que ce qui, sur le moment, peut paraître esthétique : le moche reste moche quoi qu'il advienne, là où le beau peut se révéler surfait, à long terme.

 

 

 

Mais c'était bien essayé.

 

 

 

L'idéal est de concevoir votre groupe d'aventurier comme si vous désiriez lancer un groupe de japan rock, et de ne pas négligez le budget « perruques et maquillage ». Pour vous assurer de rester cohérent dans l'incohérence, n'hésitez pas faire d'un chanteur à la mode votre modèle générique, qui vous servira de base pour créer les principaux gentils, les principaux méchants (ce qui tombe plutôt bien vu que, comme on l'a précisé plus haut, il faut qu'ils aient tous la même tête) et qui, pourquoi pas, pourra aussi chanter la bande originale ? « Il n'y a pas de petits profits, il n'y a que de sottes gens », dit-on dans le métier.

 

 

 

Il fait aussi un Squall tout à fait crédible. C'est dire s'il trahit le personnage.

 

 

Alors évidemment, sur ce point-là, les éditeurs français seront plus handicapés que les japonais ou les américains, mais avec un peu d'astuce, d'espièglerie et d'accessoires convenablement choisis (au magasin officiel de la licence, cela va de soi), il leur sera aisé de transformer Matt Pokora en tyran sanguinaire, pourvu d'une capillarité envahissante. Par contre, que nos amis anglophones évitent de choisir David Bowie, car c'est peut-être la seule rock star au monde avec qui ce genre de sauce serait susceptible de prendre. Après autant d'efforts consentis pour rater notre jeu dans les grandes largeurs, ce serait ballot.

 

 

Qui c'est le plus beau ?

 

 

 

Le Moe, c'est fini, mes frères. Nous entrons maintenant dans l'ère du Maé...

 

 

 

Astuce de professionnel (11) : si après lecture de l'astuce 1, vous souhaitez inclure dans votre œuvre un personnage de couleur noire, pensez à vous documenter avant, de manière à ne pas tomber dans des clichés racistes involontaires, qui pourraient vous priver des sous de certaines communautés concernées. Non, une boîte de Banania ou un spectacle de Michel Leeb ne sont PAS considérés comme une source d'informations valables. Référez-vous plutôt à la série l' « Agence tout Risques » ou aux trois épisodes du « Flic de Beverly Hills » : vous y apprendrez tout ce que vous êtes censés savoir sur la question. En plus, le héros de l'Agence Tout Risque, il porte plein de bijoux, ce qui implique autant de produits dérivés.

 

 

 

Quant à la charte graphique de votre univers merveilleux-mais-pas-trop, fondez-la sur les mêmes principes. Il faut que ce soit coloré, foisonnant, surchargé, artificiel, façon Star Wars épisode 1, mais en bien plus jusque-boutiste, en bien plus Bollywood. Il faut que la lumière éclabousse, que l'ombre se décline en quatre mille dégradés de gris et que l'on risque la crise d'épilepsie rien qu'en laissant notre regard s'attarder sur les éléments du décor. Maquillez le vide de votre univers comme un camion volé, en y ajoutant des dorures, des tentures, des liserés, des colonnes, des arcades, des cariatides, des arabesques puisées dans tous les grands courants architecturaux identifiés à ce jour, passez le gothique et le baroque au mixer et arrangez-vous pour que tout, tout, absolument tout, ait l'air parfaitement rococo, afin que cela soit raccord avec la kitchitude des personnages. Soyez sûr qu'en la matière, vous n'en ferez jamais trop, alors nuancez à la louche et empilez jusqu'au soleil, pour rendre le tout éblouissant.

 

Voire aveuglant.

 

Au sens propre, même, pour les plus talentueux d'entre vous.

 

Un Final Fantasy qui ne fait pas saigner les yeux n'est pas un Final Fantasy réussi.

 

 

 

 

MEME LES COLLEGUES DE KINGDOM HEARTS SONT BIEN D'ACCORD

 

(clichés grâcieusement fournis par CCCP, notre reporter sur le terrain)

 

 

 

 

Que vois-je ? Que vois-je ? Les jambes sont asymétriques !

 

 

 

 

Il n'y a pas que la communauté Gameblog, qui déchire.

 

 

 

Un dernier mot sur les invocations, dont votre designer devra s'occuper comme s'il tunait des voitures d'occasion, en leur rajoutant des bidules, des machins ou des trucs tout à fait inutiles, mais toujours fiévreusement multicolores et en nombre conséquent, comme de vieille stars du Moulin Rouge ou des professionnelles du French Cancan (qu'il leur plante même des plumes dans l'arrière-train, au besoin. Dans ce contexte, ce ne sera pas vulgaire, mais juste « dans le ton »). Bahamut sera toujours plus stylé avec des enjoliveurs clignotants, des jantes alliage, un rétroviseur extérieur et une paire d'essuie-glace.

 

En plus ça lui sera utile, s'il pleut.

 

 

 

Ne pas finir avec une roue dans le dos : c'est l'affaire de TOUS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Leçon suivante.

 

 

 

 

 

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