Entre le surf à Honolulu, les bonnes bouffes et les couchers de soleil, l'emploi du temps d'Hironobu Sakaguchi est bien rempli, à l'image de la page Facebook qu'il met régulièrement à jour. Le père de la saga Final Fantasy y aborde sans tabous les sujets qui lui tiennent à coeur - à savoir, principalement : ce qu'il a dans son assiette, ce qu'il a dans son verre et ce qu'il portera pour aller acheter une autre planche de surf au Décathlon du coin... ceci, pour le plus grand bonheur d'une horde de fans en pâmoison perpétuelle, toujours prompte à tout ramener aux créations du Maître.

Créations dont le Maître semble d'ailleurs se moquer dans les grandes largeurs, dorénavant, tant il évite soigneusement d'y faire référence ; mais qu'à cela ne tienne ! Il en faudrait plus pour décourager le fanboy lambda, entité dépourvue de sens commun, de recul et d'amour propre, qui ne manquera jamais une occasion d'attirer l'attention de son idole en glissant dans son commentaire une référence subtile à son épisode favori.

 

"Oh ! Un ciel ! Un ciel ! Comme dans FF 8 ! ça ne peut pas être une coïncidence !".

 

FF VI, FF VII, FF VIII, FF IX, tous y passent à tour de rôle, selon l'intensité des dégardés ou la forme des nuages. Et l'internaute d'appuyer sur la touche envoi avec un sourire satisfait, sans doute, naïvement convaincu qu'une intervention si originale lui ouvrira les portes d'une grande et belle amitié virtuelle. Rien de tel, en effet, pour cimenter du lien, que d'évoquer sans fin une licence dont son auteur a été dépossédé, un studio dont il a été viré à coups de pompes dans le derrière, ou un sujet qu'il s'applique scrupuleusement à ne jamais aborder. C'est bien connu. C'est cathartique. 

 Alors quand Sakaguchi Sama poste la photo d'une pizza tout ce qu'il y a de plus banale, voire même un peu cramée aux entournures, forcément, c'est 300 likes direct, et des commentaires qui fleurent bon la révélation religieuse. 

 

 

  ça doit être tellement, tellement flatteur, d'avoir des fans même pas fichus d'écrire Cowabunga correctement.

 

Alors forcément, c'est bête, oui, mais c'était trop tentant. 

  

 

Depuis, j'attends le MP qui va officialiser le début d'une saine et fructueuse collaboration. Sûrement tarde-t-il à m'écrire car je l'intimide, et ne sait-il pas comment aborder un esprit si brillant ? Oui, oui, ça doit être ça, ça m'arrive tout le temps. Déjà, avec David Lynch, ça m'avait fait le coup, avant qu'il ne m'envoie le FBI. Mais je lui pardonnerai ses maladresses, ça va de soi. Après tout, personne n'est parfait. En retour, la gratitude aidant, peut-être me permettra-t-il d'entrer chez Mistwalker, quand il aura lu ce que j'écris comme fanfic ? Je suis tellement fier de celle où Tidus et Yuna se font des bisous sur la bouche. Parfois, quand je la relis, dans mon pantalon, je sens Omega Bahamut...

Ou alors, est-ce que je dois prendre les devants, histoire de lui simplifier les choses ? Lui envoyer quelque chose comme "Hello dear friend, I know you want me to work on Last Story 2 and even if I already have a good job in the Fonction Publique of the France, I accept in the name of the bound between us. But don't cry, buddy. It would be embarassing for both of us". 

Ou bien est-ce qu'en complément de ma précédente remarque, je dois poster un truc du genre : "I'm so amazed to discover how many fucking people here have never seen a fucking pizza in their fucking life ?".

Franchement, j'hésite.