Il est certaines choses que l'on n'ose pas toucher, aussi convaincu qu'on puisse l'être de se brûler les doigts à leur contact. D'abord parce que cette chose, que nous appellerons jeu vidéo, tend à s'éloigner des standards qui nous sont chers. ; ensuite parce qu'en prononçant très mal son intitulé, c'est-à-dire à la française, on réalise que ça sonne un peu comme franc-maçon – et on craint que ça ne fasse partie d'un complot.

En plus, ça a presque les mêmes initiales que le Front National.

 

Mais ce ne sont jamais là que des doutes qui n'ont pas lieu d'être, de vagues prétextes pour rayer un des quelques huit-cent-cinquante-deux RPG à faire de notre liste. Ça aurait toujours été ça de moins.

 

Front Mission est donc un Tactical-RPG japonais, développé par G-Craft et édité par Squaresoft, sorti en 1995 sur Super NES ; à la différence néanmoins d'une grande majorité de productions du même genre, ce ne sont pas nos héros qui portent les armures, mais les armures qui portent nos héros. Comprenez par-là qu'il ne s'agit pas d'un univers d'héroïc-fantasy standard, mais bien d'un univers de SF sauce mécha, du Gundam saupoudré d'Evangelion. La guerre, les complots, les enjeux politiques, les expériences pas nettes, tout ça. Ce n'est certes pas fondamentalement original, malgré quelques twists et personnages appréciables, mais ça n'en demeure pas moins rafraîchissant pour du RPG, japonais ou non.

 

En plus, l'organisation que l'on défend s'appelle l'Oceanian Community Union.

 

Ça fait pas mal, elle nous colle pas et y a pas le feu.

 

Vu ?

 

Quoiqu'il en soit (oui, j'use et j'abuse souvent de cette locution, mais croyez bien que j'essaie d'arrêter ou, tout du moins, de limiter ma consommation à l'aide de patchs anti-quoiqu'il en soit), Front Mission fut un vrai plaisir personnel, de par l'histoire susmentionnée, certes, mais aussi de par son côté « Mecha Maker » qui nous laisse libre de customiser nos unités de la tête au pied, tout en leur attribuant le rôle que l'on souhaite. On peut ainsi affubler un mécha – un Wanzer, usons du terme d'usage – de divers lance-missiles et lance-grenades pour canarder lâchement l'ennemi à distance, ou au contraire se la jouer YOLO en y allant au pugilat, quitte à devenir une cible aussi facile pour les artilleurs adverses qu'un petit enfant au zoo qui se serait égaré dans la fosse aux lions.

 

Mais surtout, surtout !

 

S'il y a bien un aspect du jeu qui m'a frappé, ce sont ses villes, vastes métropoles où fourmillent les lieux d'activité en tout genre – bar, hangar, arène, pour n'en citer que quelques uns – à l'architecture aussi riche et inspirée que diverse et variée. Un travail qui en impose, auquel je tenais à rendre hommage aujourd'hui.

 

Par exemple, jetons un œil sur la première ville du jeu.

Barinden

 

 

Vous pourrez constater que nous ne nous trouvons pas vraiment dans une ville, mais dans un genre d'installation militaire couverte, peut-être même un hangar à en juger par le Wanzer sur la droite. On note la présence d'un panneau "SALE", qui signifie très probablement "Vente" ou "Soldes" en anglais, lequel est accompagné d'une flèche d'indication pointant vers la gauche, sans doute pour nous suggérer l'existence d'une zone commerciale dans cette direction. À moins que ça ne soit bien du français à la base, et qu'il s'agisse là plutôt d'un panneau pour guider les agents d'entretien qui travaillent en ville, mais dans les deux cas, ce qu'on nous suggère contribue à urbaniser cet endroit.

 

Vous noterez également, un peu à gauche du Wanzer, un autre panneau aux initiales déroutantes, LSD, qui doit, lui, suggérer un espace de détente, ou un Lieu Supposé de Détente, en tout cas. Quelle ville n'en a pas, qu'il soit indiqué ou non ?

 

Outre le panneau "MILITARY INSTALLATION", avec, notez bien, un retour à la ligne entre "IN" et "STALLATION" comme pour signifier au joueur l'état des finances locales, trop réduites pour faire élargir le panneau ou réduire la police de caractère afin que le mot "INSTALLATION" rentre tout entier sur une ligne ; outre le panneau "UK" qui n'est probablement qu'une mauvaise orthographe de "OK" pour rassurer le joueur et lui dire que tout va bien puisqu'il est en ville, on remarque le panneau portant l'inscription "REAL THING" tout au fond de l'endroit. Comme pour nous suggérer que ce que nous voyons n'est qu'une partie d'une plus grande chose, et que cette chose, la ville, est réelle bien qu'on ne puisse la voir avec nos yeux.

 

Pour ce qui est des couleurs, le choix d'une dominance ocre n'est pas anodine : son utilisation couplée à des teintes sombres symbolise le crépuscule, comme le commencement d'une journée, ou plutôt le commencement de l'histoire.

 

Quant au bras qui pendouille sur la gauche, il s'agit certainement d'un hommage à la ville qui a inspiré ce lieu fictif, la ville de Bras, dans le Var.

 

Voyons maintenant la seconde ville.

Nouveau Milgan

 

 

Je sais ce que vous allez me dire, et je vous le concède : oui, c'est très différent de ce que l'on pourrait attendre d'une ville qui s'appelle Nouveau Milgan.

 

Ainsi comme vous pouvez le voir, le "à" précédent de "Tu es à Barinden" a été savamment remplacé à un "au", formant ainsi "Tu es au Nv Milgan".

De plus, l'initiale de la ville à été changé, du B nous passons au N... et au M !

 

Une différence CAPITALE.

 

Ville suivante ?
Menasa

 

 

Voyons voir...

 

Menasa est l'anagramme de "ma nase", ce qui pourrait vouloir dire que nous trouvons dans une ville ou circule en permanence le rhume, et que les habitants ont nommé cette ville à partir de la première chose qu'ils avaient sous le nez.

 

 

Examinons désormais la ville suivante, au nom tout aussi intéressant :
Roc Gris

 

 

Surprise !

 

Il n'y a pas de Roc Gris, nulle part.

 

Avouez que vous ne vous y attendiez pas. Et c'est là tout le génie de cette ville. Probablement.

 

UK ! Ville suivante.
Liberté

 

 

Ha-HA !

 

Des guillemets. On tranche ici radicalement avec tout ce que nous avons pu voir jusque là, et pourquoi d'après vous ? Parce que la liberté, qui prête son nom à cette ville, est bien sûr à prendre avec des pincettes dans ce contexte de guerre.

 

Que dire d'autre, si ce n'est : Genius ?

 

Bon... Qu'avons nous ensuite ?
Peseta

 

Peseta, comme la monnaie hispanique. Bon bah la ville est riche quoi...

Suivante.

Euh...

Non, là, je sèche.

Suivante...

 

Suivante !

 

 

 

Suivante !

 

 

 

 

SUI... Oh et puis merde.