Dernier souffle d’une PS1 vieillissante, Valkyrie Profile fait sans conteste partie de mes RPG favoris. De la jolie 2D, un gameplay unique, des musiques qui figurent, à mon sens, au panthéon des (nombreuses) bandes-sons de Motoi Sakuraba. Et puis, la mythologie nordique, cuisinée à la sauce dark-fantasy, saupoudrée d’une pincée d’esprit shônen, et de personnages stylisés arborant des armes deux fois plus grandes qu’eux (coucou Berserk) tout en gueulant moult noms d’attaques ampoulées, qui accompagnent la divine Lenneth dans sa quête d’identité inavouée…
Bref, j’adore ce jeu, même s’il possède un énorme défaut : les conditions à remplir pour obtenir la plus gratifiante des trois fins, ô combien brumeuses, spécifiques et absurdes, qui contraindront le commun des mortels à s’en remettre, à l’époque, au saint évangile de l’ETAJV.
Loin de se satisfaire des bases posées, le second Valkyrie Profile, sous-titré du nom de la seconde des trois divinités guerrières, Silmeria, et sorti, lui aussi, dans les dernières années de la PS2, tranche dans le vif pour proposer une expérience différente, créant ainsi un inévitable clivage au sein des amateurs du premier opus. Ici, les Einherjars, guerriers funestes aux destinées tragiques, amplement contées durant les péripéties de Lenneth, se trouvent réduits à des individus lambda dont le passé n’est que vaguement résumé, et que l’on cueille comme des potions dans les coffres d’un donjon.
Une critique qu’on a beaucoup adressée au jeu, et que l’on continue de retenir encore aujourd’hui, si tenté que l’on soit de formuler un avis bref et concis sur le sujet. À titre personnel, s’il est une chose qui m’ait laissé un franc souvenir, c’est le rythme schizophrène de la narration ; d’une lenteur et d’une mollesse décourageante durant les quinze ou vingt premières heures, avant de s’emballer – ah ça, ça s’emballe, ça s’emballe, ça s’en bat l’écuelle, ouais, si vous me passez la politesse de cette expression – comme rarement aucun autre RPG, à ma connaissance, ne s’est emballé, d’une manière si proprement délirante qu’elle en devient jubilatoire, parfois même hilarante, dépassant le simple cadre du shônen pour s’immerger tout entier dans un trip nekketsu, sentai, magical girls, tout à la fois (?) qui double et redouble d’accents épiques les twists en pagaille qui jalonnent la seconde partie de cette aventure.
On aime ou on n’aime pas.
Pour ma part, j’ai trouvé ça fascinant.
Oui, donc, on aime, on n’aime pas, ou alors on trouve ça fascinant.
Voila.
Arrive donc sur Nintendo DS, en 2009 chez nous, c’est-à-dire la même année que la fin de production du premier modèle de la console susnommée, Valkyrie Profile: Covenant of the Plume, qui, une fois de plus, prendra le contre-pied des attentes populaires. Ben vi, après Lenneth et Silmeria, on s’attend alors à suivre les aventures de Hrist, dernière représentante de la trinité des divinités guerrières, et d’un Valkyrie Profile 3 en bonne et due forme. Il nous faut donc nous contenter d’un épisode portable, pensé comme tel, où l’on nous donne d’incarner, non pas une déesse, mais un simple humain.
Wylfred, de son diminutif Wyl, n’a en effet rien de l’entité divine chargée de trouver et de récolter la bravoure et l’héroïsme dans le cœur des hommes ; pire encore, le sien est noirci par une haine féroce, un ressentiment viscéral envers la Valkyrie qui leur a ôté, à sa mère et lui, un père tombé avec honneur sur le champs de bataille – maigre consolation pour qui verra ensuite sa mère sombrer dans la démence, et la famine emporter sa petite sœur. Il s’engage dès lors comme mercenaire, non tant pour l’argent, mais dans l’espoir qu’une occasion lui sera donnée d’assouvir sa vengeance…
Et bien entendu, spoiler !, l’occasion susnommée lui sera donnée, parce que sinon, ben… ça n’aurait pas trop d’intérêt.
Mais la particularité notable de cet épisode tient dans son gameplay ; parce que faire tomber une Valkyrie, une entité divine, n’est pas à la portée du premier pécore d’être humain venu, Wyl se verra confier, par Hel – la déesse des morts, rien de moins –, une plume noire capable, pour un court laps de temps, de transcender les facultés d’un de ses compagnons...
Au prix de sa vie, ça va de soi.
On retrouve donc la dimension tragique des personnages que l’on sera amenés à recruter, ainsi que les trois fins dont l’obtention dépend cette fois d’un critère simple : le contingent de sbires sacrifiés sur l’autel de la vengeance – qui est, si vous ne l’aviez pas deviné, le thème central de l’histoire, autour duquel gravitent également les diverses sous-histoires. N’utilisez jamais la plume, et vous aurez la fin A ; utilisez-là une petite fois, c’est la B ; au moins deux fois, et c’est la C – la pire, par certains aspects, comme on peut le concevoir à l’égard d’une fin frappée de la lettre C, la lettre des chiures, des connards, des crevures, des cloportes, ou encore d'Adolf Citler…
En outre, le cheminement lui aussi est scindé en trois, à partir du second chapitre (sur six), chaque embranchement proposant son lot exclusif de personnages à recruter ; clairement, donc, le jeu est construit pour être joué et rejoué non pas une, mais trois fois. D’ailleurs, c’est en ayant obtenu ces trois fins, seulement, que l’on peut accéder à l’habituel Seraphic Gate, donjon optionnel d’après-jeu qu’on trouvait déjà dans les deux premiers opus.
Évidemment, parce que sinon, ça serait trop simple, le jeu comporte des pics de difficulté abrupts qui, en d’autres circonstances, seraient passés pour abusifs. Mais c’est un choix de design dont l’objectif est simple : vous pousser, vous contraindre à faire usage de la plume – au moins pendant votre première partie. Et c’est une idée que je trouve géniale, mais risquée. On peut enrager, pester contre la difficulté de certaines batailles, mais c’est justement cette sensation d’être acculé qui rend l’usage de la plume aussi intense et dramatique ; d'ailleurs, je ne demandais pas mieux que de me retrouver dans cette position délicate, parce qu’à triompher de certains combats sans avoir été poussé jusque dans mes derniers retranchements, je me suis senti un poil déçu, spolié, comme si j’éprouvais l’horrible sensation d’avoir oublié de mettre du sel dans l'eau de mes pâtes.
Bon, ceci dit, je me suis quand même retrouvé à trois reprises dans la situation susdite, et c’est déjà beaucoup ; mais je suis plutôt familier du style de jeu à la Valkyrie Profile, et j’aime beaucoup cette jouabilité nerveuse et dynamique, cet équilibre, ailleurs fragile, entre action et tour-par-tour, donc les réflexes reviennent vite. Trouver les bons timings d’attaque, la bonne synchronicité, pour frapper les ennemis en l’air et déclencher une pluie de cristaux bonus (d’expérience), c’est toujours un kiff, qui n’est en rien entravé par le fait que le jeu se présente sous la forme d’un Tactical-RPG. Déjà amorcée dans l’opus précédent, l’approche stratégique, sans être aussi fouillée qu’un FFT ou un Disgaea, suggère un minimum de réflexion avant de foncer tête baissée vers l’ennemi, mais l’essence-même du gameplay de la série est conservé : taper des trucs, faire des jolis combos, et la pluie.
Petit bémol, quand même, par rapport à certaines batailles, frappées du syndrome dit de la mission de sauvetage où qu’y faut sauver un personnage géré par une IA débile et suicidaire, mal insidieux, et ô combien récurent dans ce genre de RPG.
Je voudrais surtout mentionner d’eux d’entres elles, qui m’ont fait tilter pour des raisons très différentes. La première se situe à l’orée du troisième chapitre, et concerne une prêtresse cherchant à défendre un village d’une armée de morts-vivants. Bien entendu, ceux-ci l’encerclent, et ont cet avantage notable de pouvoir la tuer en deux ou trois coups, ce qui laisse, déjà, une faible marge d’intervention, d’autant que l’on part de loin. Ajoutez à cela que, plutôt que d’essayer de rejoindre notre groupe, cette chère Rosea, qui dans sa tête sent le roussi, préfère s’en éloigner pour aller attaquer, avec ses maigres forces, le premier ennemi venu, ennemi qui, soit dit en passant, peut riposter s’il est en mesure de le faire, et vous aurez une petite idée du problème posé.
Mais, me diriez-vous, c’est génial, ça veut dire que tu t’es retrouvé acculé, espèce de gamer masochiste de mes deux !
Ah oui, mais non, là, c’est pas pareil.
Sacrifier une âme pour inverser le cours d’une bataille, c’est une chose ; sacrifier une âme pour préserver l’IA de sa bêtise, c’en est une autre. Qui plus est, on n’a pas le temps de comprendre que la situation est compromise qu’elle est déjà entérinée d’un Game Over sans appel. Et puis l’usage de la plume a bien des mérites, mais ne permet pas de se déplacer plus vite. Du coup, ben… on sacrifie non une âme mais du temps, sur l’autel du reset perpétuel.
Et le pire, c’est que j’ai dû faire face à cette bataille lors de ma seconde partie, avec tous les avantages du New Game+.
Rude.
La seconde mission de sauvetage n’en est pas vraiment une, et se situe un chapitre plus loin. Il s’agit, cette fois, de venir en aide à la fille d’une famille de chevaliers, tombée dans une embuscade, là encore bien éloignée de notre groupe. Mais la difficulté est tout autre ; déjà, une guerrière a plus de ressources en matière de combat individuel qu’une frêle prêtresse, mais surtout, c’est lors de ma première partie, vouée à la fin C, que l’on m’a confronté à ce combat. J’avais déjà opéré un ou deux sacrifices ; or, quand on utilise la plume, non seulement on gagne un avantage significatif à l’instant T, mais on obtient, en outre, un pouvoir spécial réutilisable dans les combats suivants. Alors une aptitude qui permet de paralyser l’entièreté des ennemis du champ de bataille, ça vous en procure, là, de la marge.
EZ, comme disent les jeunes, dont je suis censé faire partie.
Mais c'est surtout l'enchainement de ces deux images qui m'a interloqué :
Et voila qui concluera ce premier article de l'année ; mais ne partez pas tout de suite, il me reste quelques petits point à aborder, pèle-mêle. À commencer par la bande-son.
La plupart des thèmes qui la composent sont des reprises des opus précédents, et les nouveautés sont plutôt chiches. Le scénario, de manière globale, est plutôt intéressant, bien écrit, avec un vocabulaire moyenâgeux d’assez bon effet, mais en anglais ; sans atteindre, à cet égard, le degré d’un Tactics Ogre PSP, ça peut dérouter. Le jeu se termine assez vite aussi (~10H la partie), ce qui fait que la tension n’a pas trop le temps de monter ; ceci dit, le rythme est bon, le casting digne d’intérêt, et la touche de fantasy désespérée toujours aussi appréciable.
En bref, du bon VP, auquel manque juste l'ampleur des deux premiers opus.
Quant à l'épisode mobile...
Merci au site lparchives.org et au dénommé ApplesandOranges
sans qui j'aurais eu bien du mal à illustrer cet article.