Inventé par quelqu'un à une certaine époque, le lave-linge (ou machine à laver) est un appareil dit "électroménager" que l'on trouve dans tout bon foyer moderne, généralement sous forme cubique, dont la principale utilisation consiste à laver de manière automatisée maillots, caleçons, chemises et autres chaussettes au moyen d'un mécanisme complexe et ingénieux constitué de cylindres-passoires et de mouvements rotatifs, verticaux ou horizontaux selon les modèles.

Développé par Konami en 1991, Super Castlevania IV (ou Akumajo Dracula) est, quant à lui, un jeu dit "électronique" que l'on trouve dans dans toute bonne Super Nintendo d'époque, généralement sous forme de cartouche, dont la principale utilisation consiste à fournir de manière automatisée dépit, irritations, crises de colère et autres frustrations au moyen de mécanismes fourbes et insidieux constitués d'escaliers-passoires et de monstres à trajectoire oscillatoire, chauve-souris ou têtes de méduses selon les situations.

 

Deux créations majeures, deux créations à part, que tout semble opposer mais qui, pourtant, présentent bien plus de similitudes que l'on ne pourrait le penser au premier regard. Ainsi qu'au second. Une incompréhension latente qui, rassurez-vous, n'aura bientôt plus lieu d'être ! Car il est temps désormais de faire sortir la vérité immaculée du grand lave-linge de l'ignorance qui l'emprisonnait jusqu'alors, pour pouvoir, enfin, porter au quatrième opus des aventures de la famille Belmont, ce troisième regard qui en révèle tant.

 

 

Commençons par le commencement. Quelques instants après avoir validé le début d'une nouvelle partie, ainsi qu'un sobriquet somme toute assez inutile, nous voici dans la peau de Simon Belmont, Chasseur de Vampires de son état, et tout armé qu'il est de son célèbre fouet extensible et multi-directionnel. Rien d'extraordinaire à première vue, me direz-vous. Néanmoins, une chose frappe d'entrée : l'absence de monstres. Il n'y a guère d'adversaires dans le premier écran du jeu, pas avant que vous n'ayez franchi le pont-levis qui délimite le domaine du Comte Dracula. Pont-levis qui, une fois de l'autre côté, se referme derrière nous tel... le hublot d'une machine à laver avant de démarrer le lavage. Ainsi pourrait-on penser que, si l'objectif officiel de notre cher protagoniste est d'infiltrer un château pour y repieuter un vampire pas très sympa, sa véritable nature sous-jacente serait plutôt de pénétrer à l'intérieur d'une gigantesque machine à laver (le château et ses alentours) afin d'y éliminer les tâches (les monstres) dont une particulièrement tenace et récalcitrante; une grosse tâche de sang (Dracula), ou de ketchup selon quelques interprétations fantaisistes évoquant notamment une virée au fastfood du coin et les désagréments causés par un hamburger éjaculateur. Ce qui, avouons-le, est un peu tiré par les cheveux.

 

Mais assez parlé de tâches, concentrons-nous désormais sur le lavage en lui-même. Un lavage qui débute de manière on ne peut plus explicite lors du troisième stage, au bout duquel notre cher détergent sur pattes se retrouve à affronter deux terrifiants serpents aquatiques sortant tous deux d'une cascade, comme nous en avons d'ailleurs vu en arrière-plan pendant toute une portion du stage. Mais pour en revenir à ce boss, on peut également remarquer la montée soudaine du niveau de l'eau sous nos pieds, tout cela pour nous signifier que la machine commence à se gorger d'eau en vue de débuter le lavage à proprement parler. Bon, bien sûr, on ne fera pas le reste du jeu la tête sous l'eau en mode amphibie, car comme chacun le sait, les Belmont ne savent de toute façon pas nager. Mais c'est métaphorique, t'entends ?

 

Et là, je vois venir votre scepticisme. Vous pensez sûrement que je vais chercher trop loin, que j'arrange les choses à ma convenance, ou que je trouve du sens là où il ne devrait jamais y en avoir. Soit, je peux le comprendre jusqu'à maintenant. Mais comment réagiriez-vous si je vous plaçais là, tout de suite, maintenant, devant l'évidence même ? Seriez-vous encore capable de trouver de l'ombre où vous cacher lorsque la lumière de la vérité aura éclaté au grand jour ?...

 

 

 

 

JE NE PENSE PAS !

 

 

 

 

Bref.

A ce stade de la chronologie scénaristique du jeu, il me paraît opportun d'ouvrir une petite parenthèse pour passer en revue l'arsenal de notre ami chasseur de tâches. Outre le fouet, qui n'est après tout qu'un banal bout de corde plus ou moins long, trois armes secondaires devraient retenir votre attention.

La première n'est autre que le boomerang, arme de jet en forme de croix qui traverse tout l'écran avant de repartir en arrière, ce qui en fait un outil, non, une "lessive" particulièrement efficace pour éliminer plusieurs tâches d'un coup. On pourrait même dire que c'est une "super lessive", ou plutôt... une super croix. L'inspiration est si flagrante qu'elle en transcende le temps, n'en déplaise aux deux-trois rabat-joies qui rétorqueront que les dates ne collent pas.
Ce à quoi nous répondrons poliment que, ta gueule, c'est profond.

 

La deuxième de ces armes n'est autre que l'eau bénite, plus connue des amateurs de notices françaises sous le nom de "bombe de feu", ce qui serait à peu près une bonne traduction dans un monde où "kawaii" voudrait à peu près dire "poubelle". Ces quelques considérations à part, interrogeons-nous plutôt sur ce que représente l'eau bénite pour la ménagère de l'époque, que l'on pourrait qualifier en d'autres termes de "liquide qui fait des miracles". Or, ne seraient-ce pas justement des mots adéquats pour désigner une dosette de lessive ?...

 

Quand au troisième et dernier outil qui nous intéresse, il ne s'agit ni plus ni moins que de la montre nous permettant de suspendre le temps une poignée de secondes durant. Si dans un premier temps il serait juste de penser qu'il s'agit là d'une métaphore du bouton "pause" que l'on peut trouver sur certains modèles de lave-linge, il peut être pertinent de voir plus large, et d'assimiler cette montre au minuteur interne de la machine, qui régit les temps de prélavage, de lavage, ou de rinçage; bref, qui contrôle le temps.

Difficile donc de ne pas faire le rapprochement entre ces diverses armes, et ce malgré la hachette et le couteau qui, de toute évidence, ne sont là que pour brouiller les pistes. Hé bien, messieurs les développeurs... C'est raté !

Mais revenons-en à notre chronologie des événements. On passera rapidement sur le stage 5, simple interlude sans grande difficulté dont le boss de fin officieux n'est autre que la porte ouverte et sans défense du château. Un stage en mode lavage rapide, pour résumer.

 

Pas grand chose à dire non plus sur le sixième, à part peut-être quelques chandeliers géants assimilables à des aiguilles de minuteur déréglées, et à l'envers, coincées dans un mouvement perpétuel de gauche à droite comme pour accentuer le fait que la machine dans laquelle nous nous trouvons est détraquée. Seul et unique problème : rares sont les modèles à disposer de telles aiguilles, leur préférant quelques gros boutons blanc. Dans un autre genre, peut-être relèvera t-on également ces tables drapées de blanc qui nous attaquent sans crier gare; tables dont on pourrait penser qu'elles tiennent leur mobilité surnaturelle du drap qui les habille, un peu à la manière d'une héroïne de dessin-animé dit de "Magical-Girl", se voyant affublée de toutes sortes de pouvoirs défiant le bon sens une fois son costume magique enfilé. La magie étant ici remplacée par une certaine forme d'impureté, vous l'aurez compris.

 

Nous reviendrons plus loin sur les stages 7 et 8, mais avant cela, passons directement au stage 9 qui n'est autre que la salle du trésor de l'ami Dracula. Soit dit en passant je tiens à signaler, en bon amateur des aventures de Picsou que je suis, que posséder une telle quantité de pièces d'or sans y prendre de bains de manière régulière est un peu inutile, quand même, avouez-le.

 

Non ?...

 

D'accord, peu importe. Donc, ce stage qui nous fait explorer les incommensurables richesses du vampire pourrait ne ressembler, à première vue, qu'à un moyen de nous faire comprendre que son avidité et son avarice sont sans fin, que plus que le sang, il désire toute les richesses du monde, tout l'or, bref, et à l'instar de la pie voleuse, tout ce qui brille. Et pourtant ! Quand on y pense deux minutes, quand on réfléchit au sens profond de la présence de ces pièces, et qu'on le relie à tout ce que nous venons de découvrir jusque là, la vérité éclate au grand jour, enfin ! Un hommage, voilà ce dont il s'agit ! Un hommage au petit Rémy, dix ans, qui a oublié dans la poche de son bermuda l'argent de poche que son papa lui avait donné pour s'acheter une glace, avant que celui-ci ne se retrouve par inadvertance dans la machine ! Et comme un symbole, c'est l'innocence de l'enfant qui est ainsi immortalisée - pourquoi pas même celle de Dracula lui-même, qui a forcément été enfant un jour ?

 

Et ce n'est pas du tout ! Revenons désormais en arrière jusqu'au stage 7, se déroulant dans la bibliothèque du vampire, et analysons tout ça avec une vision similaire. Et si cette fois, l'hommage visait le père, aussi étourdi que son fiston, et qui aurait oublié dans la poche de son jean son porte-feuille, avec à l'intérieur sa carte de bibliothèque ? Mieux encore, ce pourrait être un hommage à un scénariste du jeu - et vu la profondeur du jeu, il y en avait assurément un - et d'une de ses mésaventures, lorsqu'en faisant des recherches sur place, en Transylvannie, il aurait perdu de la même manière sa carte de membre de la bibliothèque de Sibiu. Un symbole de cette grande limitation humaine qu'est l'étourderie, quoiqu'il en soit.

  

Quant au stage 8, et cette fameuse salle de torture reconnue parmi tous ceux qui s'y sont aventurés comme le passage le plus éprouvant du jeu, on pourrait résumer cela d'une sentence très simple, d'un aphorisme bien senti que voici :
"Héros dans de sales draps en ressort lessivé."
'Nuff said, comme dirait l'autre.

 

Tout cela nous permet d'arriver au stage A, ou 10 si vous préférez, qui est censé prendre place dans la tour de l'horloge. Censé ? Oui, car en vérité ce descriptif n'est qu'un moyen de plus pour brouiller les pistes menant au sens profond d'un tel décor, constitué presque essentiellement de rouages. Or, ne pourrait-on pas y voir là un signe que nous nous trouvons désormais dans l'engrenage de la machine, son mécanisme directeur, qu'un mal corrosif avilirait peu à peu ?
Et que dire de la trajectoire ascendante de cette "tour", qui nous conduit tout droit vers l'antre de la Grande Tâche, la Saleté Suprême, mais aussi et avant tout le maître des lieux, celui qui... contrôle tout ? Car, quand on y pense, sur 90% des modèles de machines à laver, l'interface de contrôle n'est-elle pas située dans la partie haute de l'appareil ?...

 

Mais peut-être en avez-vous assez lu, pour être convaincu j'entends. Aussi passera t-on sous silence une grande majorité de l'ultime stage pour aborder sans plus attendre la question de l'affrontement final tant attendu. Vous pensiez que Dracula ne nous envoyait à la figure que de simples projectiles enflammés ? Que nenni, il ne s'agit là rien de plus que l'arme ultime pour détruire le petit monde du linge qui peuple la machine, la tâche irréversible dont nul vêtement, nul drap, nul slip ne saurait se remettre. La tâche de... brûlure !

 

Autre chose, et autre élément dévastateur, l'électricité omniprésente dans cette joute de toutes les tensions. D'abord dans les prémisses du combat, où de grandes étincelles éclatent de partout dans la pièce pour nous annoncer l'arrivée imminente du danger. Et ensuite, dans la deuxième partie de l'affrontement, où le vampire lui-même s'applique à nous faire tomber la foudre sur la tête via quelques éclairs bien placés. Tout ceci nous amène à penser que la machine est en surchauffe, que l'électricité qui la nourrit commence à dévier de son cours initial, et, pire encore, que le vampire se ré-approprie cette énergie pour nous la renvoyer en pleine face ! Dieu sait ce qu'il aurait fait de plus si, hélas pour lui, nous n'étions pas intervenus pour court-circuiter ses plans...

 

Car il n'est de tâche qui saurait résister à la persévérance de Simon Belmont. Et alors que le vampire est vaincu, une fenêtre se brise, laissant filtrer la lueur éclatante du jour levant, coup de grâce asséné par dame nature elle-même à cette tâche si coriace, mais qu'une bonne dose d'abnégation, de frottements et de lessive aura finalement terrassée; événement que l'on assimilera volontiers à l'ouverture du hublot du lave-linge, une fois terminé le lavage et les tâches disparues.

 

Comme la touche finale d'un chef-d'œuvre intemporel, enfin reconnu à sa juste valeur.


Voilà, c'est tout. J'espère que cet article vous aura ouvert les yeux, comme je les ai ouverts moi-même en découvrant le sens profond de tout cela. Et je m'en porte très bien, comme vous avez pu le constater. Peut-être serez-vous étonné de ne rien avoir lu sur la musique du jeu, car il y aurait là beaucoup à dire également. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais, par exemple, le thème mythique de Simon Belmont me rappellerait presque le bruit que fait ma machine à laver, parfois, lorsqu'en méditant devant son hublot aux rotations envoûtantes et hypnotiques, je me rappelle non sans une certaine tristesse que le monde est rempli de ces étranges personnes, des primo-degralistes, comme je les appelle, qui seraient bien incapables de percevoir la vérité profonde cachée derrière la profondeur de cet article... profond ?