Bousculer les lignes, surprendre en s'appropriant un évènement médiatique que l'on croyait tout acquis à ses adversaires. Telle est désormais la ligne de conduite du plus puissant éditeur japonais désireux de venir chasser en terre occidentale. La présentation en grande pompe de son moteur 3D Luminous Studio vole la vedette à celui d'Epic. Non sans susciter quelque doute sur la véracité de la qualité "temps réel" des images projetées sur écran géant pendant la conférence de l'éditeur. Les journalistes du site Gamewatch.co.jp ont cherché à séparer l'esbroufe de la vérité.
 
 
C'était au début de l'été 2011, Square Enix révélait publiquement ses premiers travaux sur le Luminous Engine. Un déballage d'effets graphiques avancés laissait penser à une énième tentative d'enfumage coutumier de cette industrie. C'est mal connaître l'éditeur japonais. Il concentre en lui les meilleurs programmeurs du pays, ses productions se sont toujours prévalues d'une certaine classe visuelle sur consoles. Difficile à prendre en défaut dans tous les compartiments d'un jeu (cinématique, profondeur de jeu, graphisme), il est devenu au fil des années le fer de lance de l'archipel dont le rayonnement à l'international est jalousé par ses pairs. En plus de gagner de multiples récompenses, cette aura lui impose une certaine responsabilité vis à vis de toute l'industrie.
 
Sous l'impulsion de cette génération de consoles (PS3/360), le centre de gravité du jeu vidéo s'est déplacé du Japon vers l'Occident. Conscient que le déclin de la production nippone avait en partie pour origine le manque d'investissement dans la technologie de pointe, l'éditeur a investi des sommes considérables dans ce domaine afin de revitaliser l'industrie japonaise. Square Enix prend très au sérieux son rôle de promoteur du jeu vidéo hors des frontières du pays. C'est en quelque sorte la vitrine du savoir-faire nippon et pour réveiller ses homologues, un coup de fouet psychologique s'imposait.
 
 
C'est avec beaucoup d'audace que le spécialiste du rpg s'est invité dans la chasse gardée d'Epic, le middleware. Pour le moment, le géant japonais ne cherche pas la confrontation directe avec le créateur de l'Unreal Engine. Le Luminous Studio est destiné à un usage strictement interne. Sa présence au mondial du jeu vidéo est motivée par la volonté de rivaliser avec le studio américain sur un plan technique et non commercial. Toutefois, cette sorte de paix armée n'est pas faite pour durer. Rien n'interdira Square Enix d'accorder des licences aux éditeurs séduits si son carnet de commande venait à grossir. La démo Agni's Philosophy chargée de démontrer les capacités hallucinantes du Luminous Studio aura tout fait de convaincre de futurs partenaires. Epic est d'ailleurs sur ses gardes.
 
L'heure est donc de se prêter au jeu des questions et réponses. Les médias à peine remis de ce KO Technique s'interrogent à juste titre sur le potentiel graphique du LE. La crème des programmeurs du département Square Enix Technology Division n'ont visiblement éludé aucune question des journalistes de Gamewatch. Notamment celle de la configuration du PC supportant une telle inflation d'effets visuels "c'est une bête de course utilisant la version 64bits de Windows 7 et un équipement graphique vendu en magasin". Les programmeurs se sont refusés à citer les marques mais assurent que le matériel est accessible au grand public.
 
 
La vitesse d'animation oscille entre 30 et 60 images par seconde dans une résolution de 1920x1080 en rendu HDR. Le nombre de polygones affichés par seconde varie entre 5 et 10 millions, tout dépend si la scène regorge d'effets d'ombre et de lumière.
 
Les programmeurs ont présenté les performances du moteur 3D en scrutant à la loupe des détails techniques passés presque inaperçus dans cette avalanche de rendu tape-à-l'oeil. La barbe du vieillard a fait l'objet de toutes les attentions, un procédé de générateur de surface réalisé en interne a facilité le travail de programmeurs alors que cette tâche est plutôt lourde à gérer. Idem pour le complexe gazoduc en béton qui fait appel à beaucoup de ressources dans le calcul des grains, lui donnant ainsi une texture photoréaliste. La plus grande prouesse réside selon les programmeurs dans la capacité d'une chevelure à capter la lumière artificielle et d'émettre une couleur nuancée. L'héroïne Agni a bénéficié de cette prouesse technique visible dans certaines scènes de la démo.
 
 
L'expression de la peau a également représenté un cheval de bataille pour l'équipe technique. Plusieurs niveaux de transparence ont été nécessaires pour approcher la texture organique de la pigmentation de la peau humaine. Enfin, le globe oculaire avec ses multiples réflexions et effets de transparence ont posé un gros challenge aux programmeurs, ravis d'avoir standardisé cette fonction programmatique.
 
 
Pour Square Enix, les performances sensationnelles du Luminous Studio représentent une projection optimiste des capacités graphiques des prochaines consoles de salon. L'éditeur reconnaît que l'intégration de l'intelligence artificielle, de la gestion de la physique notamment provoquera une déperdition graphique certaine sans toutefois s'éloigner de cette démonstration théorique. "Avec Agni's Phylosophy, nous nous sommes engagés dans une logique de combat. Notre message à travers ce travail est que nous allons vous offrir dans un proche avenir un niveau d'expérience de jeu vidéo comme celui-ci."
 
L'assaut est fixé à 2013.