Le plan média était bien préparé. Quelques visuels dans la presse en ligne précédaient la projection d'une redoutable cinématique venant clore l'édition 2012 du salon de l'E3. Les joueurs attendaient un électrochoc de la part d'Epic, la démo représentative des capacités de l'Unreal Engine 4 montre l'étendue des possibles, bien au-delà des aspirations. A l'applaudimètre, il aura battu tous les records.
 
Le studio américain siffle la fin de la récré, on ne trompe plus ! Fini les compromissions, les distorsions visuelles pour coller à la réalité. Désormais, l'UE4 offre une plastique et une physique qui ne trichent plus avec le réel. Un middleware condamné pour abus de pouvoir ? Possible. Pour en avoir le coeur net, l'oeil chirurgical des journalistes du labo Digital Foundry appartenant au site Eurogamer.net s'est penché sur son cas. Ces statisticiens du polygone ont scruté et analysé la plus infime des prouesses technologiques d'ordinaire invisibles à nos yeux pourtant exercés. La haute définition a mis l'accent sur des détails presque insignifiants ? L'UE4 les révèle sous une texture organique presque palpable si la 3D volumétrique s'en mêle.
 
 
Epic invite donc les développeurs du monde entier à rompre avec de vieilles habitudes pour non plus esquisser la silhouette d'une voiture ou d'un personnage car l'UE4 a pour vocation de préparer les joueurs à l'évolution d'un style graphique et physique hors norme. Ainsi, le système d'éclairage du nouveau moteur 3D d'Epic gère toutes les sources de lumière en temps réel avec une facilité déconcertante. Il ne s'agit plus de mélanger, d'intégrer une source dynamique dans un océan de lumières statiques car chaque strate polygonale bénéficie d'un éclairage dynamique en fonction de complexes paramètres trop nombreux pour être énumérés ici. L'avidité du moteur graphique est donc sans limite. Et inutile pour le studio américain d'aller se battre avec les concurrents sur une réalité statistique, Epic fait évoluer le périmètre de la réalité virtuelle de manière globale afin de prendre court ses compétiteurs.
 
Les textures ne sont plus considérées comme un vulgaire habillage visuel, religieusement posées pour flatter la rétine du joueur. Ainsi, la banalité du spectacle de la démo apparaîtra aux premiers comme un montage sans ivresse plombé par un design rappelant le régime polygonal vieux d'une décennie tandis qu'aux autres, il sera l'évidence d'un signe de modestie qui excède largement le style péremptoire de la démo Samaritan (UE3+). Car derrière sa sage mise en scène, les textures sont à part entière "de la matière" avec des propriétés réfléchissantes uniques. Elles se distinguent dans leur manière "de réagir à la lumière [...] à la fois diffuse et spéculaire [...] ainsi que la couleur qu'elles projettent sur chaque objet proche". Une syntaxe formidablement expressive qui pousse Alan Willard senior artist chez Epic à s'emporter : "l'intensité de la lumière est fonction de la température réelle." L'hyper-réalisme n'est pas pour tout de suite quand bien même l'UE4 est en rupture radicale avec la technologie précédente.
 
 
Le concours de beauté engagé avec Crytek n'est pas celui d'un effet de mode esthétique que son compétiteur semble suivre. C'est un changement d'esprit radical que prône Epic. Cette quatrième étape dans la course au réalisme affine aussi un effet que l'on pensait - à tort - secondaire. Les particules gagnent en volume, elles projettent des ombres et sont réfléchissantes par rapport aux diverses sources de lumières dynamiques. Certaines, absorbent même la lumière jusqu'à devenir transparentes. Enfin, leur déplacement devient interactif, s'entrechoc avec les parois d'une pièce.
 
Le réel, l'authentique s'invite avec fracas mais les PlayStation Orbis et Xbox Durango pourraient rester figées face à la démesure, à la générosité bien ordonnée d'une telle puissance. Jusqu'à jouer contre l'UE4 ? "Je suis certain que nous aurons à faire des compromis [...] nous avons une longue expérience des démos technologiques transformées en jeu vidéo avec beaucoup de fidélité" rassure Willard. Nos futurs jeux évolueront donc vers un trait moins brillant mais tout aussi digne d'intérêt sur les consoles nouvelle génération.