Le procès d'intention qu'intente Beamdog à l'endroit de Nintendo révèle l'état d'esprit d'une industrie en pleine crispation. La crise sans précédent qui frappe ce secteur d'activité depuis près de trois ans poussent tous les acteurs à revoir leur stratégie commerciale. Jusque-là les joueurs faisaient les frais d'un verrouillage progressif des jeux en ligne (surtaxe de 10 euros sur les jeux d'occasion) quand ce n'est pas la menace potentielle d'une traçabilité autoritaire (numéro de série unique attribué aux joueurs grâce à une connexion permanente et obligatoire) que l'on prête aux futures Xbox 720 et PlayStation 4. La Wii U, nouvelle dans ce domaine pourrait aussi s'aventurer sur ce terrain miné.
 
Les constructeurs abusent également de leur position de force pour contraindre les petits studios à accepter des règles contractuelles étouffantes. A ce sujet, le coup de sang du co-fondateur de Deamdog, M. Trent Oster fera date. Ce dernier dénonce des pratiques commerciales d'un autre temps imposé par Nintendo. Ce studio de création (plus précisément sa filiale Overhaul Games) avait pour charge de transposer MDK2, un ancien hit PC et Dreamcast sur le service de téléchargement du constructeur japonais, WiiWare. L'expérience de travail s'est révélée tout sauf une promenade de santé : << les développeurs n'y trouveront aucun intérêt >> résume sèchement Oster. Il pointe d'un doigt accusateur la gestion des paiements, les limitations draconiennes de taille de fichier ainsi que la méthode de certification d'un jeu.
 
Ces pratiques staliniennes ont eu raison de la profitabilité du jeu d'après le co-fondateur de Deamdog : << MDK 2 est loin d'atteindre les objectifs de vente que nous nous étions fixés >> forçant le studio a continuer d'assurer la promotion un an après sa mise en ligne sur Wiiware. Les dépenses supplémentaires en communication grèvent par conséquent une partie du produit de la vente. Et inutile d'espérer gagner de l'argent sur les premiers exemplaires vendus : << Nintendo impose un seuil de 6000 exemplaires vendus >> avant de toucher le moindre centime.
 
 
Un procédé douteux rapportés par d'autres studios lors du salon professionnel du GDC dont Gamasutra s'était fait l'écho. Ce plafond sensiblement identique en Europe et aux Etats-Unis est destiné selon Nintendo à lutter contre la prolifération de petits jeux susceptibles d'altérer l'intégrité commerciale du service WiiWare. La réalité est plus crue, l'absence de démos ajoutée à la limitation d'espace de stockage asphyxient la profitabilité de la plate-forme de téléchargement du fabricant qui paie son inexpérience dans ce domaine. Plutôt que de réformer son modèle économique en ligne, elle fait reporter sur les épaules de studios souvent désargentés les incohérences de sa stratégie.
 
Ce sont les créatifs qui supportent le risque économique qui étranglent financièrement ces acteurs indispensables au dynamisme des portails en ligne des constructeurs. Nintendo fait tout de même remarquer qu'une fois le seuil dépassé, l'argent est redistribué aux développeurs.
 
 
 
<< Nous aimerions bien dégager des bénéfices sur ce titre déclare dépité Oster, ce MDK2 est la meilleur version toutes consoles confondues. >> Un fait qui ne provoquera pas l'émoi des dirigeants de Nintendo, pas même l'abandon de Super Meat Boy. La limitation du jeu imposée autoritairement à 40 Mo poussera le studio de développement Team Meat à claquer la porte : << nous avions prévu de faire 100 niveaux [...] la taille du jeu faisait 50 Mo [...] il aurait fallu enlever beaucoup trop de choses pour respecter l'espace alloué [...] nous nous sommes tournés vers les éditeurs pour le proposer sur la console Wii mais ils nous avaient signifiés qu'au stade de son cycle de vie l'investissement était trop risqué. >>
 
Le dirigeant de Beamdog reproche également à Nintendo la lenteur de son processus de certification qui lui aura fait perdre un temps précieux. Il lui aura fallu attendre neuf mois pour obtenir l'autorisation de vente. Le développement d'un jeu est émaillé de diverses problèmes, la correction des bugs est une routine parfaitement admise et maîtrisée mais visiblement pas pour tout le monde : << nous aimerions corriger un bug, le fixer, Nintendo mettra deux semaines avant de tester la correction >> et bis repetita. S'il reconnaît que le jeu a gagné en qualité il regrette : << les contrôles qui ont trainé en longueur, nous aurions pu obtenir un résultat qualitatif identique dans un temps plus court. >>
 
Cette mauvaise expérience aura définitivement vacciné Oster, l'homme se dit affairé à réaliser le portage du hit PC Baldur's Gate sur iOS et dément avec force une éventuelle adaptation sur WiiWare : << nous ne développerons plus jamais rien pour Nintendo. >>
 
La réaction de Nintendo ? << Nous ne discutons pas de nos relations d'affaires internes. >>

Un studio avertit en vaut deux.