Hello tous,

J'avais prévu, ce soir, de vous faire un petit point sur la nouvelle série à suivre sur HBO, à savoir True Detective, qui associe les immenses Woody Harrelson et Matthew Mc Conaughey dans une sombre histoire dont , c'est promis, je vous relaterai les tenants et aboutissants dès le prochain post. Mais il se trouve que j'avais également entre mes mains une copie de l'intriguant documentaire Blackfish, qui se propose de faire un point sur le tragique "accident" qui s'est produit le 24 février 2010 dans l'enceinte du Seaworld d'Orlando. Une jeune dresseuse, Dawn Brancheau, y a trouvé la mort dans le bassin des orques. Le propos, soyons clairs, est militant : il s'agit non seulement d'expliquer comment les choses en sont arrivées là, mais aussi de servir de véritable réquisitoire contre le maintien en captivité de tels mammifères. Cela dit, la cause me semble valoir que l'on s'y arrête ici, afin d'en parler et de contribuer à donner à ce long métrage toute la visibilité qu'il mérite.

Le documentaire, réalisé par Gabriela Cowperthwaite, est de ces moments de cinéma qui vous retournent les tripes. L'on y est brutalement confronté à la mort de Dawn Brancheau. Et d'emblée, on écarte toute notion d'accident: c'est bien agrippée par Tilikum, un gigantesque épaulard, que la jeune femme a trouvé la mort. L'appel qui donne l'alerte est catégorique : le bras de la victime a été avalé par l'orque. Il est reproduit ici, sur fond noir, juste avant de laisser la place aux conditions ayant mené à la capture de l'animal. Car Tilikum n'est pas né en captivité, mais dans les fjords de l'est de l'Islande. C'est là qu'il est capturé, à l'âge de deux ans, par une équipe envoyée par le (défunt) parc canadien de Sea Land, en décembre 1981. Le mammifère ne rejoindra Seaworld qu'à la fermeture du parc canadien, en 1992.

Les conditions de la capture d'une orque sont illustrées d'images évocatrices, presque lisses, prises à l'occasion d'une opération menée dans la baie de Washington durant les années 1970. Mais elles sont entrecoupées avec le témoignage d'un homme, depuis repenti, qui a pris part à ces événements. Le contraste est saisissant, entre l'enthousiasme de la prise au moment des faits, et le sentiment de culpabilité ressenti par ce dernier. Car capturer un épaulard, c'est aussi se confronter, explique-t-il, à la nature extrêmement sociale et intelligente de l'animal. Ce qu'il raconte fait froid dans le dos : les mères tentent de protéger leurs petits, et poussent des cris déchirants en regardant, impuissantes à quelques mètres à peine de la scène, leurs petits disparaître. "J'étais en Amérique latine, en Amérique du sud, j'ai vu des choses que vous ne pouvez pas imaginer, dit-il, fondant en larmes. Mais je crois que ça, c'était le pire que j'ai fait".  Trois orques meurent, conclut-il, pris dans les filets. Ils seront "éventrés et lestés de pierre", pour ne pas troubler le plaisir de la capture... ou menacer les faramineuses perspectives de profit qui pointent à l'horizon.

La suite se préoccupe de raconter, point par point, toute l'histoire de Tilikum et, à travers elle, celle des orques de Seaworld. L'on y découvre, notamment, que Dawn Brancheau n'est pas la première victime du gigantesque mammifère. Le 20 février 1991, Keltye Birne, une jeune étudiante en biologie marine oeuvrant pour Sealand, trouve la mort en étant apparemment noyée par trois orques, dont Tilikum. Et le 6 juillet 1999, Danel P. Dukes est retrouvé nu et mort sur le dos de la baleine tueuse (en anglais : killer whale). Ce qu'il s'est passé reste flou, mais il semble que l'homme de 27 ans se soit caché pour rester après la fermeture du parc et plonger dans le bassin d'un orque. Son corps est couvert de contusions et de morsures, notamment aux parties génitales, précise Blackfish. Mais l'autopsie conclut à la mort par hypothermie.

Dawn Brancheau est la troisième victime de Tilikum. Elle s'occupait de l'orque, de l'aveu général, avec beaucoup de passion et de compétence.

 

Agressifs, vraiment ?

Agressifs envers l'homme, les orques ? Dans la nature, quasiment jamais. Rarissimes sont les événements au cours desquels l'un de ces animaux s'en est pris délibérément à un homme (en revanche, deux décès ont été comptabilisés officiellement, sans doute en raison d'une méprise de l'animal agresseur). En captivité ? Selon les structures exhibant des épaulards, les accidents sont du domaine de l'exception. Quant aux attaques, elles n'existent pas... A ceci près que les données révélées par l'OSHA (Occupational Safety and Health Administration, qui se préoccupe de la sécurité au travail, aux USA) font état de dizaines d'accidents plus ou moins graves depuis les années 1980, dont une petite proportion peut être assimilée, justement, à une attaque.

Ces attaques sont systématiquement contestées par les directions des parcs aquatiques. Le documentaire voit ici une inqualifiable position de déni, opposant la réalité des chiffres, et des victimes, aux recettes engendrées non seulement par le merchandising (ah, ces peluches), mais aussi par le commerce des orques eux-mêmes, cédés jusqu'en Europe ou sur l'île de Ténérife. Là aussi, il y a un parc aquatique. Et là aussi, une orque a tué un dresseur, Alexis Martinez. C'était en plein Noël de l'année 2009. Il s'agissait d'épaulards fournis par Seaworld, soutient Blackfish.

Le documentaire brosse alors le portrait d'une situation peu reluisante, dans laquelle les accidents sont fréquents, sous le régime de la captivité. Et s'emploie à en expliquer les causes probables : des animaux enfermés dans des bassins à taille très réduite, alors qu'ils sont faits pour avaler des centaines de kilomètres au quotidien. Pour les specimens venus des océans, des conditions de capture extrêmement traumatisantes, a fortiori pour des animaux dont on sait, aujourd'hui, que la zone du cerveau dédiée aux émotions est plus importante que celle de l'homme. La nature même de l' "animal", capable selon nombre de spécialistes d'une véritable intelligence, complexe, disposant sans doute d'un language propre, d'un sens de la famille très développé. Le stress, enfin, celui des relations entre mammifères qui ne se connaissent pas mais obligés de cohabiter - pour en arriver parfois jusqu'à de mortelles confrontations -, celui d'être mis en scène, celui généré par le bruit de la musique, du public, celui produit par la peur d'échouer dans le show, ce qui se traduit par une alimentation moindre.

Dans le cas précis de Tilikum ? Gabriela Cowperthwaite montre ce que cache cette agressivité. La baleine tueuse incriminée est un animal stressé par son environnement, qui a été maltraité toute sa vie par des orques dominantes, qui a subi des dressages intégrant des punitions, dans les années 1980 au Canada. C'est un animal malade, aussi, qui supporte mal de vivre dans des bassins si petits. Tilikum est le plus grand épaulard en captivité, doit-on préciser : il mesure 7 mètres de long et pèse 5,4 tonnes. Difficile de s'épanouir dans une baignoire, vous ne trouvez pas ?

C'est cela, que dénonce Blackfish : le dressage et le traitement réservé à des créatures extrêmement fragiles et sensibles. Comment alors cautionner que l'on en vienne à séparer une mère de son petit, quand on sait combien leur attachement est fort? C'est pourtant ce qu'il advient, parfois, dans l'inhumanité de ces bassins, souvent en dépit de ce que peuvent penser ceux qui les soignent au quotidien. Comment ne pas comprendre qu'un animal puisse devenir psychotique dans ces conditions ? C'est sans doute cela qui a mené Tilikum à commettre les actes que l'on lui a imputés. Comment ne pas militer, enfin, pour un retour à la vie sauvage de ces animaux qui en ont la capacité?

 

 

Une pétition et un dvd

Enfant, j'ai fait partie de ces bambins dont les yeux brillaient au bord des bassins, fou de joie à l'idée ne serait-ce que de pouvoir tendre la main vers une orque ou un dauphin. Aujourd'hui, je ne trouve rien de plus beau qu'un animal libre de ses mouvements. Laisser la nature là où elle prospère, ne pas en faire une attraction, l'admirer de loin dans un monde certes fragile, tant nous pesons sur notre environnement, mais infiniment plus passionnant. Que des épaulards deviennent agressifs en captivité, finalement, n'est qu'une triste conséquence de notre connerie et de notre inhumanité. Nous devrions au préalable accepter l'idée que la nature, quelle qu'elle soit, n'a que faire des boites dans lesquelles l'homme veut la stocker.

Aujourd'hui, Tilikum est toujours en captivité à Seaworld Orlando, isolé des autres orques et immobile durant l'essentiel de la journée. Une pétition réclamant sa libération a été lancée, qui rassemble d'ores et déjà plus de 94000 signatures. Si vous voulez y ajouter la vôtre, cela se passe ici : https://www.freetillynow.org/

Le documentaire Blackfish, lui, n'a pas encore été édité en France. Nominé au festival de Sundance 2013, il a en revanche eu droit à une édition DVD aux USA et dans le Commonwealth, ce qui devrait vous permettre de trouver une copie sur ebay. C'est à voir d'urgence, et en famille pour peu que les enfants ne soient pas trop petits.

54 orques seraient à l'heure actuelle retenues en captivité à travers le monde.

 

Sources :

https://en.wikipedia.org/wiki/Tilikum_%28orca%29

https://blackfishmovie.com/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Orque

https://fr.wikipedia.org/wiki/Occupational_Safety_and_Health_Administration

https://www.dauphinlibre.be/ky.htm

https://www.blog-les-dauphins.com/enfance-tilikum-orque-tueuse/

https://www.orcahome.de/orcastat.htm

https://digitaljournal.com/article/316569