Hello tous,

En septembre, cela fera un an que je suis l'heureux propriétaire d'une authentique borne d'arcade japonaise, à savoir une SEGA Aero City qui a connu plusieurs maîtres depuis qu'elle a quitté les locaux de la salle de jeux parisienne La tête dans les nuages. Passionné de vieux titres, je pense y avoir trouvé mon graal, une forme de consécration en ayant enfin accès à l'expérience arcade telle que celle qui me faisait rêver quand j'étais ado et habitué de ces salles obscures qui ont hélas très largement disparu de France depuis une quinzaine d'années.

Les plus jeunes peuvent le regretter : c'était une époque très particulière, où l'on s'en allait découvrir les dernières prouesses technologiques dans les cafés, avant de les voir débarquer - souvent dans des versions moins abouties - quelques années plus tard dans les consoles de salon. Mais l'arrivée des systèmes de jeu personnels puissants (PS1-Saturn, pour l'essentiel) a sonné le glas de cette époque. J'ai appris assez récemment que c'est parce que les constructeurs ont essayé de normaliser les technologies arcade en faisant dériver leurs cartes mères des systèmes console existants (à l'image de la Naomi de SEGA, dérivée de la Dreamcast, qui a lancé Virtua Tennis, ou du fameux System 11 de Namco, dérivé de la Playstation, qui a notamment fait tourner Tekken) que le marché s'est assez massivement écroulé à partir du milieu des années 90. La différence entre l'expérience arcade et le jeu à la maison n'était plus assez marquée.

Les constructeurs se sont repris, depuis lors, en relançant la course au hardware, mais c'était trop tard pour l'Europe. Aujourd'hui, pour trouver des salles de jeu en nombre conséquent, il faut s'en aller en pélerinage du côté des Etats-Unis ou, bien évidemment, au Japon. Il existe une alternative pour les passionnés qui ne souhaitent pas voyager : s'acheter une borne, plus ou moins récente (des nouveaux modèles sortent régulièrement, à l'image de la Taito Viewlix qui fait rêver les fans mais reste souvent inaccessible, à plus de 2000 euros), et scruter l'arrivée sur le marché des dernières PCB (cartes mères de jeu). La coexistence, notamment dans la Viewlix, des formats jamma et jvs (les deux standards majoritaires de connexion arcade, le jvs ayant remplacé le jamma au tournant des années 2000 et restant utilisé par des cartes mères comme le System 246 de Namco, le Naomi 2 de Sega, la Chihiro, le Triforce ou le Type-X de Taito) est salutaire : ces nouvelles machines font tourner aussi bien les jeux récents que les titres les plus anciens. Avec un bémol cependant: le rendu des écrans LCD - qui constituent désormais la norme - ne rend pas vraiment hommage aux titres jamma, souvent conçus pour donner leur meilleur sur des tubes cathodiques 15 ou 31khz. Mais rien n'empêche de faire l'acquisition d'une borne vintage, beaucoup moins onéreuse, par la suite pour profiter à fond des classiques...

Pour ma part, j'ai fait l'inverse, puisque je projette l'acquisition d'une Viewlix d'ici quelques mois. Ce qui suppose deux préalables : que j'aie changé de domicile - la place commence à manquer, l'arcade étant un loisir envahissant - et que j'aie réussi à réunir le budget. Pas évident, d'autant que j'entends bien continuer à développer ma collection de jeux... et que les prix sont actuellement à la hausse, avec l'arrivée de pas mal de petits nouveaux sur le marché des collectionneurs. Mais il faut s'y faire: l'arcade suit le même chemin que les flippers, et l'âge grandissant du matériel vintage en accentue inévitablement la rareté.

 Sunset Riders

 

Dans cette petite guerre de tranchées qui se joue sur les forums spécialisés, il faut donc savoir faire des choix rapides, et porter son attention sur des standards précis, l'un après l'autre, plutôt que de chasser tous azimuts. Pour ma part, je cible prioritairement les titres Capcom - un fan de jeux de baston ne se refait pas - mais aussi les PCB que Konami a mises sur le marché. Konami m'a d'ores et déjà permis de redécouvrir Gokujyou Parodius, mais aussi le Sexy Parodius resté culte dans la communauté des fous de shoots. Pour compléter la chose, un petit Sunset Riders est venu abonder ma collection, et je dois dire que j'en suis très, très heureux. La rejouabilité est excellente. J'ai cependant eu une petite frayeur lorsqu'un faux contact a rendu la carte inopérationnelle. Heureusement, le check ram a identifié la puce défectueuse, que j'ai pu faire changer par un pro (Dahms Electronic à Strasbourg, si jamais vous en cherchez un bon). Il a suffi de rebooter la mémoire de la PCB en maintenant le bouton test à l'allumage (une manip que je dois à Layer, du forum Neo-Arcadia, merci mec!) et la carte est repartie comme si de rien n'était. Ouf.

Côté Capcom, c'est évidemment le coup de coeur. Ma première carte a été un bon vieux Street Fighter 3 version 3.2, en standard CPS-3, qui a été suivi de près par un Final Fight CPS-1. Depuis, j'ai enchaîné sur du CPS-2 avec Super Street Fighter II et Street Fighter Zero 2. Petite parenthèse pour ceux qui se demanderaient si l'achat d'originaux est vraiment indispensable : après avoir un temps tenté les bootlegs (des répliques de PCB moins onéreuses mais moins fiables) j'ai décidé de m'en tenir aux originaux. Impossible en effet de trouver des bootlegs de qualité pour faire tourner comme il se doit ces titres mythiques : chaque carte répliquée que j'ai pu acheter était soit défectueuse dès le départ, soit a connu une panne dans les semaines qui ont suivi l'acquisition. Je pleure encore mon King of Dragons, vaillamment mort au combat voici déjà quelques mois...

Vous vous demandez sans doute à quoi je fais référence en parlant de CPS-1, 2 ou 3, si vous n'êtes pas familiers de l'arcade. Comme je le disais plus haut, si la connexion est standard - le fameux jamma ou son successeur le jvs -, les cartes varient fortement d'un constructeur à l'autre. Certaines d'entre elles sont ce que l'on peut qualifier de "all-in-one". J'entends par là que la carte embarque non seulement le système de jeu, mais aussi le jeu lui-même, stocké dans la ROM. A l'inverse, d'autres constructeurs privilégient un système standardisé, auquel peuvent venir se greffer les ROM, soit par cartouche (le principe du MVS de SNK -j'en possède un slot-, mais aussi de l'IGS-PGM ou de l'Atomiswave, par exemple), soit par carte fille. C'est ce deuxième standard qu'a rapidement choisi Capcom.

Pour ce faire, en entrant dans le monde de l'arcade, Capcom a d'abord tourné avec des systèmes standardisés embarqués sur une carte unique, avec la ROM du jeu intégrée. C'est le cas des tout premiers standards comme les Z80 based ou Commando (basés sur le processeur Zilog 80, qui a permis de donner naissance à des titres cultes comme 1942 ou Commando, justement). Puis la firme nippone a mis au point en 1988 le Capcom Play System, que l'on connaît aujourd'hui sous l'appellation CPS-1. Une triple carte, en fait, à la conception assez complexe et tentant pour la première fois d'endiguer le piratage, qui commençait déjà à sévir. Pour résumer : le CPS-1 embarque une carte-mère intégrant le système de jeu, une carte fille dédiée à la ROM, mais aussi un troisième niveau, une carte de protection des données, qui sera bientôt doublée de ce que l'on appelle une pile-suicide. En plus de protéger ses données (de manière très basique cependant), Capcom venait d'inventer le jeu vidéo à durée de vie limitée. C'est encore la principale difficulté que rencontrent aujourd'hui les fous d'arcade qui veulent prolonger la vie de ces "mobo" (motherboards, cartes-mères, en anglais): tous les 5 ou 6 ans, il faut changer cette pile afin d'éviter la perte définitive des données.

Heureusement, les titres CPS-1 intégrant cette pile suicide ne sont pas légion. Et les plus grands classiques en sont exempts, dont notamment Final Fight et la première itération de Street Fighter 2. Mercs, Pang 3 et Forgotten Worlds sont également épargnés, entre autres. Ce ne sera plus le cas de la deuxième génération de Capcom Play System, cependant. Le CPS-2, venu répondre à l'arrivée du standard MVS de SNK, beaucoup plus puissant que le CPS-1, a généralisé la pile suicide. Ici encore, les fous d'arcade ont donc dû chercher des solutions alternatives. Solution la plus noble et privilégiée des puristes, il est ainsi ici aussi possible de remplacer cette pile au bout de 5 ans. Mais des petits génies ont trouvé la parade ultime : il est désormais possible de contourner la protection et de rendre ces cartes immortelles : c'est ce que l'on appelle les versions "phoenix".

Une carte CPS2. Attention, placer une MOBO de cette manière dans une borne, c'est mal. Gare aux courts-circuits.
Ne faites pas ça chez vous !

 

Sorti en 1993, le CPS-2 se présente différemment du CPS-1. Désormais, la carte système devient un socle, dans lequel se loge la carte fille, dissimulée dans une sorte de cartouche géante. La standardisation est remarquable, puisqu'il est possible de changer très facilement de jeu dans une borne par ce biais. Capcom, en observant le marché des consoles, a adapté ses propres devices en tenant compte de améliorations ergonomiques induites par les cartouches. Il intègre également le principe du zonage, hélas. Il faut donc une carte socle japonaise pour jouer aux jeux japonais, US pour les jeux américains, euro pour les jeux européens. Prudence à l'achat indispensable...

Reste que c'est peu ou prou l'âge d'or de la firme. Le CPS-2 donne naissance aux Darkstalkers, aux Marvel Super Heroes, Marvel VS Capcom, Hyper Street Fighter II, Street Fighter zero 1, 2 et 3, X-Men VS Street Fighter... Grande époque s'il en est, et le CPS-2 fait vraiment partie des chouchous des fans d'arcade, ce qui rend les ventes souvent rapides. Mon exemple perso vient un peu contredire cela, mais il faut dire que tomber simultanément sur une carte socle US et deux jeux - SSF2 (dans une boite Street alpha) et SFZ2 - a tenu d'un joli coup de chance, surtout pour 160 euros le tout.

Je terminerai en citant le CPS-3, qui est un peu revenu en arrière en remettant la carte mère et la carte fille (voire un lecteur de CD en sus, dans certains cas) au goût du jour. Avec ce standard sorti en 1996, Capcom a abandonné son principe de cartouche, et parmi les quelques jeux sortis sur le standard, la plupart sont arrivés en bundle mère+fille. Ah, et évidemment Capcom en a profité pour affiner son système de protection des données, à tel point que le décryptage des ROM n'a pu se débuter que voici quelques mois à peine ! Auparavant, il fallait impérativement changer la pile suicide tous les cinq ans, sous peine de briquer la carte et de la rendre définitivement inopérante. Mais le jeu en valait - et en vaut toujours - la chandelle : c'est sur ce support que tournent des bombes comme Street Fighter 3.3, Jojo's Bizarre Adventure ou Red Earth. En 2D, on a rarement fait mieux...

J'ai pu lire que Capcom avait sorti un nouveau standard en 2008, un "Wii Based", mais je n'ai pu y goûter jusqu'ici. Il faut dire qu'il n'y a guère que le Tatsunoko VS Capcom qui tourne dessus. Pour le reste, la firme nippone ne fabrique plus ses propres standards depuis la mort du CPS-3. Mais elle continue à produire des jeux de grande qualité. Certaines choses changent, d'autres pas : les jeux Capcom, même récents, restent parmi les plus prisés des passionnés d'arcade...

Une petite vidéo de Super Street Fighter II CPS-2 réalisée à l'arrache, histoire de regoûter aux sensations originales...