« Do
We Need Fair Trade Games ? » est la question que se pose le
développeur Nels Anderson (qui tient par ailleurs le blogue Above 49). Pour lui, utiliser cette image
de jeux vidéo du commerce équitable est un moyen d'alerter l'opinion avec une
image choc. En effet, il explique le malaise qu'il a ressenti en jouant et en
appréciant Red Dead Redemption en connaissant ouvertement les conditions dans
lesquelles le jeu a été développé. Pour lui, cela était comme lire Made in
Bengladesh
sur l'étiquette d'un vêtement.

Ce que
souhaite exprimer en premier lieu Nels Anderson dans son article republié sur Kotaku,
c'est qu'aussi passionnés soient les développeurs par le jeu vidéo, rien ne
justifie leur exploitation. Le développeur prend soin à ne pas stigmatiser
Rockstar (même s'il rappelle que les conditions de travail sur le jeu Bully
étaient difficiles chez Rockstar Vancouver) et préfère élargir le problème à l'ensemble de l'industrie
en utilisant cette comparaison choc (le développement des jeux vidéo et les
usines de textile en Asie).

 

 

Nels Anderson pointe d'ailleurs l'incompréhension générale du
public et cite des commentaires qui tournent en dérision le malaise de
développeurs. En clair, les développeurs ont du mal à faire comprendre leur mal
être au travail parce qu'ils exercent un métier qui est « le meilleur du
monde et qu'ils adorent le faire ». Pire, que s'ils sont un problème avec
cela, qu'ils n'ont pas à se marier (référence explicite à la lettre
ouverte des épouses des employés de Rockstar San Diego
ou l'affaire "EA spouse").

Nels
Anderson explique ensuite que les jeunes développeurs, extrêmement motivés et
plein d'entrain adoptent un comportement qui peut être similaire. Ils sont
beaucoup plus enclins à concéder des sacrifices sur l'autel de leur passion.
Anderson effectue ici un parallèle avec les mines de sel.

 

https://www.xboxist.com/xbox-360/images/2009/02/red_dead_redemption_screen2.jpg

 

Malgré cela, difficile pour le développeur d'ouvrir son
discours vers des solutions. On peut même dire qu'il se montre beaucoup plus
timoré, mettant en exergue le fait qu'il existe peu ou pas de solutions
présentes pour résoudre ce problème. S'il profite de l'idée de jeux vidéo issus
du commerce équitable pour alerter le lecteur, il se montre moins disposé à
mettre une telle mesure en application pour deux raisons. La première, c'est
parce qu'il doute que le public (c'est-à-dire les joueurs) soient sensibles à
une signalétique montrant que le jeu a été développé dans des conditions
loyales. Ensuite, parce que si cette signalétique est efficace, un développeur
ressentirait les mauvaises ventes de son jeu comme une sanction s'ajoutant à
celle du développement pénible. Il esquisse ensuite l'idée d'un syndicat (le
développeur du jeu vidéo comme prolétaire moderne ?) mais doute de
l'efficience de ce genre d'union. Au final, il n'y voit qu'une solution
individuelle : ne pas travailler dans des studios ayant des pratiques de
travail ne lui convenant pas et conseiller à ses amis de faire de même.

Si Nels
Anderson est de bonne foi, nous savons évidemment qu'une telle disposition est
totalement inefficace. Le marché du travail étant ce qu'il est, nous trouverons
toujours quelqu'un, en premier lieux des jeunes développeurs, prêts à
travailler pour de tels éditeurs. Et comme l'exprime Anderson quelques
paragraphes avant, un développeur quittant un studio à cause des raisons de
travail est immédiatement remplacé, répétant alors cette boucle à l'infini. Le
problème est donc loin d'être réglé.

A nous
alors, joueurs, journalistes, même si c'est vain, de ne plus botter en touche
ce type de problématique et de relayer, interroger et écrire sur cette réalité
qui commence doucement à émaner de cette industrie bâtie sur la passion. Nels
Anderson souhaite, à la fin de son article, voir sa passion pour le jeu vidéo
respectée plutôt qu'exploitée. Agissons pour tendre vers ce respect du jeu vidéo.