Comme chaque été désormais, Microsoft orchestre le Summer of Arcade, une
opération visant à mettre sur le devant de la scène des jeux du Xbox
Live Arcade pour la période estivale, répartis en plusieurs dates. Le
premier jeu à ouvrir le bal, le méconnu Limbo a frappé un grand
coup. En effet, quelques heures ou quelques jours plus tard, la toile du jeu vidéo s'est faite l'écho de la grande qualité du jeu (nous
confirmons !), autant sur le plan visuel que sur les mécaniques de jeu.

Un article d'opinion issu du site NoAddedSugar (en Anglais), rédigé par Mark Cullinane et ]intitulé « Limbo reaction shows videogame journalism stuck in teenage years », que nous pourrions traduire sommairement par « Les réactions autour de Limbo montrent que le journalisme vidéoludique est coincé dans l'âge
adolescent » s'interroge non pas tellement sur la qualité du jeu
développé par Playdead (il prend ses précautions), mais plus sur l'enthousiasme débordant et fulgurant autour du jeu... un peu suspect.

La raison principale, selon l'auteur, se trouve dans le titre même
de l'article. La critique est coincée à l'adolescence car elle a pour
caractéristique « d'attribuer une profondeur intellectuelle et
émotionnelle de façon précipitée à de nombreux jeux ». Cet argument,
s'il peut être discuté (l'auteur semble mettre dans le même panier la
critique vidéoludique avec les commentaires des joueurs) sert néanmoins
de base à des arguments plus affûtés. L'article étant long, nous nous
concentrerons plus sur ce que l'article nous a évoqué.

Tout d'abord, l'auteur souligne une certaine forme d'injustice. En effet, n'est-ce pas un peu démesuré de faire porter à Limbo le poids de la convergence de tous les espoirs de la critique ?
Réceptacle de désirs, le jeu n'est-il pas vidé de sa propre substance -
et de sa modestie - afin de le porter en héraut du jeu vidéo de la
génération de demain ? Dans le texte, l'auteur pense que les épaules de Limbo sont trop frêles pour porter un tel fardeau. L'homme s'en prend aussi à l'habillage du jeu, non pas qu'il ne soit pas réussi et
particulièrement soigné, mais parce cette tendance à voir en lui des
messages et des significations cachées est la seule conséquence de la
pâte « arty ». Pour l'auteur, les mêmes questions peuvent être posées
pour Mario et Limbo (recherche d'une princesse dans l'un,
recherche d'une sœur dans l'autre). Plus loin, nous pourrions dire que
cette comparaison encourage la critique à se poser les mêmes questions
sur Limbo que sur des jeux à la plastique plus commune.

Au final, si le titre développé par Playdead mérite l'intérêt qu'on
lui porte, le plus regrettable est qu'il soit l'un des rares à en
bénéficier. Tout le problème avec certaines productions placées sur un
piédestal, comme Ico, Shadow of the Colossus, Braid, Flower voire Bioshock - pour ne citer qu'eux - est que leur sens esthétique les autorise à un traitement de faveur de la part de la critique et des joueurs qui les
portent comme des messies de la création vidéoludique, quitte à
considérer le reste de la production avec dédain. Ces jeux deviennent
alors comme l'arbre qui cache la forêt, prêt à être brandis pour
démontrer la nouvelle maturité du jeu vidéo, où l'on serait prêt à leur
prêter, par jeunesse, une valeur à laquelle d'autres productions ne
peuvent même pas espérer. Sans doute que l'âge adulte dont on peut rêver est celui de ne pas se réfugier et de se rassurer derrière ces
étendards qui représentent une minorité, mais de prendre à bras le corps l'ensemble du jeu vidéo dans ce qu'il offre la plupart du temps afin
de, pourquoi pas, le tirer vers le haut.