Perpignan – la Nuit.

Dehors, deux chats se battent en poussant des cris de ninjas. Impossible de dormir. Je file me coucher, pour lire un de mes derniers achats : Fox-Boy.  Le nouveau bébé du label Comics Fabric de chez Delcourt. Quitte à passer une nuit blanche autant en profiter pour faire une chronique. Comment s'appelle le type qui fait ça ? Laurent Lefeuvre.

(A cet instant, un vent glacial fait se lever les rideaux, tandis qu'un brouillard verdâtre et menaçant prend forme humaine.)

Une voix nasillarde qui sort de nul part: Qui a invoqué mon nom ? Parle !

Moi (hésitant): Houla ! J'hallucine grave moi. C'est ça de regarder une saison entière de Walking Dead, avant de se coucher. En même temps. Pourquoi ne pas jouer le jeu, et tenter de discuter avec ce... fantôme ? Spectre ? Kitty Pryde ? *bave* Enfin, cette projection de mon esprit fatigué. Après tout, plein de romanciers disent avoir eu leurs meilleures idées en travaillant dans un état second. Let's go !

(Oh merde, un projection astral de Laurent Lefeuvre) Bonsoir, Ô Laurent. T’es un peu pâle pour être humain là ? Ah pardon ! Tu es breton !

Le fantôme de Laurent Lefeuvre : Baisse d'un ton petit homme. Tu parles à l'émissaire du RENARD (hiérarchiquement à peine moins flippant que le Surfer annonçant Galactus).

Moi: Bon. Trop tordu pour moi, cette façon pompeuse de se la jouer. Ce doit VRAIMENT être l'esprit de Laurent Lefeuvre. Le mec a l'air vintage, et ça colle avec cette façon de s'exprimer.

La fantôme de Laurent Lefeuvre : Oubliiiiie-moiiiiii ! Jeeeeee neeeee suiiiiiis paaaaas làààààà !

(à lui-même) : Si j'arrive à lui faire oublier ma forme astrale, penchée par-dessus son épaule pendant qu'il tente d'écrire une chronique sur mon album de FOX-BOY - 14,95 E - en vente partout - peut-être arriverai-je à lui glisser quelques compliments à ajouter..

Moi: J’entends mal. Plus fort ! Bon alors, Fox-Boy, qu’est-ce que c’est ( deux secondes il me faut du café) ?

Pendant ce temps-là, le fantôme de Laurent Lefeuvre  (à lui-même) : Zut. Je dois insinuer moins fort. Passer par des canaux subtils de son esprit. Pas évident. Il y a du Deadpool qui traînent dans sa tête ici ou là. Ah ! Voilà un petit endroit pas trop encombré de sa petite cervelle, où je peux tenter de faire de la propagande. Allons-y :

"Ecouuuute-moiii ! FOX-BOY, c'est le rêve réalisé d'un fan de Strange, qui a grandi, et qui regarde sa ville avec les yeux de l'enfant qu'il était, en imaginant quel super-héros façon Stan Lee aurait pu être créé, si Rennes et New-York n'avaient été qu'une seule et même ville."

(et là le texte s'écrit de lui-même, comme catapulté de la tête du spectre, à l'écran d'ordinateur.)

Moi de retour de la cuisine (avec une tasse de café à la main) : Que... ?  C’est quoi ce délire ? Un paragraphe qui parle de Fox-Boy ! Faisons comme si de rien. En fait j’ai plus à présenter Fox-Boy, on va voir le bon côté des choses, du boulot en moins, je suis vraiment fatigué moi ! Ce qui est sûr, c’est que Fox-Boy était pour moi un Comics à acheter. L’auteur a l'air sympa (en tout cas sur Facebook, il est abordable). OK. Pas mal. Maintenant, fermons les yeux, voir si de nouveaux mots apparaissent à la suite.

« Chers lecteurs, comment peut-on envisager de continuer à vivre plus longtemps sans cet album dans sa bibliothèque ? Action, Aventure, Romance, Sexe (encore que... en fait non). Je reprends. Fantastique, Humour (plein), et rebondissements inattendus. Tels sont les ingrédients de ce pur chef-d'oeuvre, à qui Spider-Man a tout copié". Ah oui ! Et Humilité, aussi. »

(J'ouvres les yeux.)

Moi (parlant à haute voix): « -Délire ! Alors vous êtes vraiment avec moi, à Perpignan, et au milieu de la nuit ! Ca alors ! Je n'ai jamais imaginé que les auteurs de comics avaient eux-mêmes des super-pouvoirs. A part Jim Lee, peut-être. Passons. Je vais compléter de manière un peu « pro », quand même : il s'agit d'une review, pas d'un délire d'alcoolique ou je ne sais quoi. »

Ce qu’il faut savoir avant de lire des aventures d’un renard-garou (n’importe quoi !) :

Scénario : Laurent Lefeuvre

Dessins : Laurent Lefeuvre

Editeur : Laurent Lefeuvre (c’est ça la Bretagne indépendante) ou Delcourt (plutôt Delcourt d’ailleurs)

Collection : Breizh Libre (pas sûr du tout ! Ah bah oui, c’est du Comics Fabric pardon!)

Sortie : 2014

Fox-Boy t.1 : Alors qu'il fuit les représailles d'une bande de son lycée, Pol, adolescent bourgeois de 17 ans, trouve refuge dans l'échoppe d'un mage. Devant le ton péremptoire du jeune homme, celui-ci lui inflige une antique malédiction : Pol devient un renard-garou. Ravi dans un premier temps, il se retrouve vite confronté à la réalité. Sa vie pourrait même basculer dans l'horreur…

 [Dans vos Librairies]

Fox-Man? Non Fox-Boy!

 Hmm... Pas mal!

J’avais vu les illustrations de Laurent Lefeuvre (le vrai, pas le fantôme derrière moi) lors d'une espèce de concours mis en place avant la sortie de l’album sur sa page Facebook, et qui offrait au premier commentateur du jour, la planche numérique de Fox-Boy à figurer le lendemain, tout bêtement en y incluant son nom ! Ça m'avait fait marrer, son truc. Pourtant ce n’était pas gagné : Je suis attaché aux dessins des 90’s, et Laurent Lefeuvre, en est loin. Je dirais plutôt 70's et 80's. Mais il a su m’intriguer avec ses publications et j’avoue avoir vite adhéré. Je ne saurais comparer cela à un tel ou un tel, ni définir son style, simplement que c’est ... C'est...

Moi: ZUT ! Pas d'idée. Hey, Casper ! Tu ne peux pas m’aider ?

Fantôme de Laurent Lefeuvre: Volontiers, jeune Padawan. Il se trouve que tu as dû commencer à lire des comics, au moment où moi j'ai quasiment arrêté. La faute à l'arrivée d'une génération "d'artistes" qui a fondé Image Comics. En même temps, ils ont presque tué tout intérêt que je portais à ces univers, en mettant  de côté les personnages, l'histoire, au profit de l'impact, et de l'effet facile.
J'avais moi-même adoré certains d'entre eux (Mac Farlane, Jim Lee, Silvestri ou Dale Mc Keown) quand ils travaillaient avec des scénaristes chevronnés de Marvel. Les premiers amenaient une folie et un enthousiasme dynamisants, tandis que les scénaristes étaient les garants d'une intégrité des personnages dans leur continuité propre.

L'enthousiasme est vite retombé. Les personnages étaient tous des "sous" quelque chose de Marvel : Ma génération a quasiment intégralement arrêté les frais. Depuis, Image n'a plus rien à voir avec ce que je décris, et qui est aujourd'hui une bénédiction tant pour les lecteurs que pour les auteurs, enfin en mesure de prendre d'assaut des genres très différents, sans se vendre à Disney ou Warner (suivez mon regard...).

Moi: Désolé je ne peux pas, j’écris ce que tu me racontes là !

Le fantôme de Laurent Lefeuvre: Silence ! Il s'agit d'une image. Garde tes yeux sur l'écran.

Pour en revenir à mes renards, mon petit Pol Salsedo (alias Fox-Boy, donc) est lui-même issu de cette génération de lecteurs de comics : Ultra gavée de produits, là où ils étaient plus rares « de mon temps ». Pol a grandi dans un monde où les super-héros sont partout... sauf dans le réel ! Vous savez, ce truc dans lequel on vit tous ! Pas ces mondes où les super-héros bariolés papotent entre eux, installés dans des QG high-tech payé par... payé par qui, au fait ? Par nos impôts, tiens ! Oui madame !

Moi: Bah ! Comment tu veux que je sache par qui moi ? J’envoie une lettre à Obama ?

Le fantôme de Laurent Lefeuvre: Tais-toi ! Le renard parle !

Mes super-héros à moi, ils avaient des pères, réels, des tantes aussi. Et puis des profs de danse ( Stevie Hunter), des profs, des voisins de pallier, des patrons, des frères, des s½urs, et des enfants. Tu sais ? Ces petits machins qu'on a tous été un jour, et qu'on ne voit plus guère aujourd'hui traîner dans les pages de comics. Tout ça finit par faire cogiter. Mon héros est aussi un lecteur de comics. Et un dessinateur amateur. Mais pour lui, le super-héros est l'expression de son envie de casser la gueule de son prochain. Pas un militant pour certaines valeurs, certains combats moraux, ou politiques. Un d'jeuns de base, quoi ! Ce qu'on le voit dessiner le renvoie de par le style, à l'école Rob Liefeld. De par le thème "Je pète la gueule à Al Qaïda", on suspecte que le monde tel qu'il se le représente, est manichéen (Miller serait atteint de ce même mal, ces derniers temps...). A mon grand âge, 37 ans, cette vision est loin derrière moi. Pourtant, elle fait encore des adeptes, y compris dans l'industrie des comics.

Alors oui, j’écrirais bien à Obama pour lui demander de suggérer aux super-héros de se pencher un peu sur le problème de la crise des sub-primes, ou des gaz de schiste ! Et même si ce n'est pas le FOND de leur aventures, au moins ne pas faire comme si tout ceci n'existait pas ! Il me semble qu'on détourne les lecteurs des histoires qui les concernent, EUX. Pourtant, les super-héros peuvent nous interroger sur NOTRE monde, à travers LEURS pouvoirs. Mais il y a cette consigne de ne pas prêter trop d'opinions aux personnages, car celles-ci  pourraient déplaire à une partie des lecteurs, et donc les détourner de l'acte d'achat. Pas plus compliqué que ça.

Moi (j'ai du penser à haute voix, trop haute haute voix): La barbe ! J’ai l’impression d’écouter papi parler du bon vieux temps, de la guerre, et patati et patata...

La fantôme de Laurent Lefeuvre (faisant la sourde oreille): Je ne t'entends pas. Je continue! Aujourd'hui, les seules audaces consistent à  attirer, ponctuellement,  artificiellement, l'attention des grands médias sur les comics. Et on fait ça avec des révolutions qui n'en sont pas (mort, puis résurrection de héros; mariage gay;  Captain America noir et j'en passe...).  Rien de bien subversif, en somme...

Du coup, FOX-BOY, ça fait AUSSI partie de ma (petite) réponse à cet état de fait.

Son héros, c'est Pol Salsedo. Un jeune qui aurait probablement pu défiler pour s'opposer à l'accès aux même droits pour les homos et hétéros. Un jeune qui trouverait sans doute que "Marine, elle ne dit pas que des conneries, quand même". Un jeune qui pense que gauche et droite, en gros, c'est quand même tous les mêmes. Voilà qui il est... du moins dans ce premier tome.

J'espère avoir l'occasion de pouvoir l'animer assez longtemps pour le voir accompagner des lecteurs quelques années, et tenter (je précise bien TENTER) de leur proposer autre chose. Le fait que ça se passe en France en est une, par exemple.

Moi: Je vois le topo : Un fantôme bien narcissique, en somme. Dites, vous ne dormez Jamais, vous autres ?

Le fantôme de Lauren Lefeuvre: Je suis le fantôme, et d'un AUTEUR en plus ! Pas n'importe quel ectoplasme. Du coup, j'ai TOUJOURS quelque chose à dire.

Moi: Je peux finir mon article ?

Le fantôme ... , toujours le même: Vas-y. Si ça ne te dérange pas, je vérifierai plus tard  que tu n'as pas fait de fautes. Après tout, tu lis des comics, et tu as appris à écrire en réagissant aux commentaires sur le costume de Superman dans les "New 52". Je serai donc indulgent. Je file. Tchao, gamin.

Moi: Parti ! Dommage. Bizarrement, je commençais à bien l’aimer ce fantôme. Un peu cinglé, juste comme il faut. Comme si j'avais échangé avec Laurent Lefeuvre himself (avec un zeste de Jean-Claude Van Damme, quand même. Puutaaain, c’était : Laurent Van Damme Lefeuvre).

Un Renard-Garou ?

Drôle d'idée, quand-même, un Renard-Garou, pas commun et assez décalé. L’auteur s’en amuse d’ailleurs, on pourrait avoir peur de voir un récit empruntant trop à ses petits camarades américain pourtant ce n’est pas le cas, et Lefeuvre sait pertinemment que son univers ne ressemble à aucun autre. Pourtant, comme je vous le disais on y trouve pas mal de références bien familières au lecteur de comics que je suis et que vous êtes. Je pense donc que ce récit peut ravir beaucoup de monde aussi bien jeunes lecteurs et que vieux de la vieille et c’est ici que l’auteur marque des points

Un peu comme pour les dessins, d'ailleurs. J’avais clairement des appréhensions sur le scénario, en pensant trouver un ersatz de ce que font les grandes firmes. Mais malgré cette crainte, on a quelque chose de sacrément pertinent qui prend ici et là, pour en faire un Comics très humain, avec un héros qui prend tout son sens sur la fin pour acquérir une forme de charisme inattendu.

Si je m’amuse à comparer Fox-Boy à ses amis chez Comics Fabric, on a un récit vraiment plus pertinent que Bas Ass (malgré que j’adore), sans violence, ou l’on sent une réel volonté de l’auteur ici, pour développer un personnage habituel comme plus que cela afin d’avoir un véritable récit de super-héros français. Pour Superworld, je dirais que c’est un peu identique, un récit que l’on pense connaitre, mais qui surprend et que l’on a envie de suivre, sauf que sur Fox-Boy, je trouve que l’on accroche beaucoup plus vite !

What does the fox say ?

A-oo-oo-oo-ooo ? Ring-ding-ding-ding-dingeringeding? Wa-pa-pa-pa-pa-pa-pow ?

C’est une bonne pioche ce nouvel entrant dans la collection Comics Fabric. J’avais déjà conseillé Bad Ass, ou Superworld. Et s'ils n’étaient pas forcement aussi rafraîchissants, ils se voulaient dynamiques et rapidement prenants. Ici, on a plus ou moins l’inverse : On rentre dans le perso (façon de parler), puis on revient à son histoire, puis un événement totalement inattendu, et pouf… "à suivre dans le second tome".

Je crois clairement sans vanter l’auteur (du moins son fantôme) car il a participé à cet article, mais c’est clairement selon moi le meilleur de la Collection rempli de clin d’oeil, de références par rapport à l’univers Comics. FOX-BOY sait pourtant se détacher de tout cela avec sa propre identité, et tape très fort pour le comics français.

Ps: Un grand, grand merci à Laurent Lefeuvre, pour avoir participé à cet article activement en m'aidant à transformer une review assez banal en simili-scénario. Merci de s'être amusé avec moi à écrire ceci. Merci, merci, merci!
Au fait toi là derrière ton ordi, si tu veux voir plus de ce mec génial alors fonce sur son blog (tu sais pas comment faire? sois tu clqiues sur le mon blog au dessus, soit sur l'image en dessous)