Article perilleux s'il en est, aborder Lost Highway de manière simple et concise. Oeuvre d'une profonde étrangeté, d'un désarmant hermétisme mais surtout d'une incroyable profondeur.  Je tiens tout d'abord à préciser que je ne suis pas coutumier du cinéma de Lynch, je ne l'ai connu qu'à travers son excellente série Twin Peaks. Série qui, aprés visionnage ne m'a donné qu'une seule envie, voir le reste des films de ce fameux Lynch. 

Pourquoi commencer par son film le plus dur à comprendre ? Souvenir de jeunesse, moi regardant le début du film étant gamin alor qu'il passait sur la 5 à l'époque. 

Synopsis : 

Fred Madison, saxophoniste, est marié à la belle Renée qu'il soupçonne d'avoir une relation extra-conjugale. Sa vie basculera dans l'horreur et l'incompréhension le jour où il commencera à recevoir d'étranges vidéos...

J'aurai pu étendre plus le synopsis en abordant la relation entre le couple ou la nature de ces étranges vidéos mais autant laisser un peu de surprise pour les quelques uns n'ayant pas vus le film.

Cast et Réal' :

Au casting, on retrouve l'excellent mais trop souvent sous-estimé Bill Pullman en Fred Madison. L'acteur rentre à merveille dans le rôle de cet homme perdu avec ses démons. Dans le rôle de sa femme, Patricia "Medium" Arquette, véritable beauté fatale du film. Viendra se greffer à ce duo, Balthazar Getty, Gary Busey ou encore Robert Loggia. Au passage, Manson fera une courte apparition dans le métrage.

Niveau réalisation, Lynch signe ici un film d'une grande froideur, jouant avant tout sur les lieux clos, l'espace incertain ainsi que la disproportion entre le lieu et l'acteur. Le tout sonne comme une sorte de Procés d'Orson Welles, le côté anxiogéne en plus. La photo renforce cette grande froideur en insistant avant tout sur des couleurs froides. 

Au niveau sonore, Badalamenti signe le score, les joueurs le connaissant certainnement pour son boulot sur Farhenheit de Quantic Dream. Il signera aussi plus tard la BO de Drive. On retrouve aussi du Manson et du Rammstein durant Lost Highway. 

Deux histoires en une :

L'introduction du film semble donner le ton. Une voiture roulant dangereusement vite, mordant en permanence la ligne jaune. Plusieurs idées commencent à germer, franchir la ligne, être des deux côtés ou ne pas savoir où se placer. Puis le film commence. Durant la première heure tout semble plus ou moins clair, Fred Madison vit sa vie de saxophoniste, ne sait pas faire l'amour à sa femme et reçoit d'étranges vidéos d'un homme s'introduisant chez pour les filmer alors qu'ils dorment. 

Et la cassure s'opère. Par le biais de la dernière vidéo montrant à Fred, lui-même tuant sa femme au pied du lit. Dès lors, l'on commence à se perdre dans cet univers étrange. Lynch enfonce le clou en faisant tout bonnement disparaitre Fred du film pour le remplacer par ce jeune Pete incarceré à la place de Fred dans la prison. Il fera revenir Fred lors du dernier acte du film, lorsque la vérité sera enfin dévoilée. Chouette programme non ? 

Que tente de faire Lynch à ce moment ? Nous faire une sorte de film à sketch ? Traiter un thème en le portant dans deux situations différentes ? On tente tout d'abord d'y voir le traitement du passage à l'acte qu'elle soit refoulé d'une part pour Madison et assumé ensuite pour Pete. Cela semble plausible, crédible même. La grande force de ce film étant de pouvoir faire naitre bons nombres de théories toutes plus ou moins valables. De plus, Lynch refusant d'expliquer son propre film et préférant laisser le spectateur se faire son avis, il sera donc difficile d'obtenir une vision "officielle".

Un homme pour deux individus :

La thèse de la schizophrénie semble être celle que l'on voit le plus. En effet, le film ne serait alors que le traitement de cette maladie à travers Fred Madison. Cet homme vivant le meurtre à travers ses différentes personnalités. L'une saxophoniste, l'autre garagiste.

 Cette thèse peut se valider grâce à un point précis du film. Une réplique même, le thême de la discussion étant de savoir si le couple posséde une caméra chez eux. De ce dialogue découlera toute la suite du film. On y voit ainsi la vie d'un homme vivant le meurtre de sa femme et ensuite le réinterpretant totalement à travers le regard de Pete le garagiste. 

- I like to remember things my own way 

ou encore :

- How i remembered them...Not necessarily the way the happened

Oui je fais travailler vos talents en anglais. 

L'idée de schizophrénie parait donc probable et même logique en un sens. Le spectateur tentant au final de se raccrocher à ce qu'il peut comprendre et essaiera de placer le film d'une point de vue psychanalytique. C'est ce que l'on tente tous de faire lors d'un visionnage de film un peu complexe, on veut y voir des rapprochements avec le comportement humain, maladies mentales et autres.

L'enfer d'un homme :

Mais lorsque l'on creuse encore un peu, il est possible de voir autre chose. L'idée de l'enfer surgit assez vite une fois la thèse de la scyzophrénie ecartée. 

En effet, il faut partir du principe que Fred, accusé du meurtre de sa femme et donc condamné à mort, se fait bel et bien tuer pour son crime. Qu'il meurt dans sa cellule par culpabilité, le meurtre de sa femme l'empêchant d'accéder au repos ou bien qu'il meurt officiellement sur la chaise importe peu. 

L'idée étant que suite à sa mort, son péché voyage avec lui, amenant Fred dans l'enfer, son enfer. Revivre pour l'éternité le meurtre de sa femme sous différents visages et de différentes manières. Ainsi Pete n'est que l'incarnation de la culpabilité de Fred, le forçant à vivre la même chose inlassablement. L'image de l'autoroute ouvrant et cloturant le film sonne comme une route sans fin ou Fred/Pete ne sera accompagné que par la même vision pour l'éternité.

Mais encore... :

Car oui il est encore possible d'y voir autre chose. Les idées citées précedemments ne sont que des ébauches, des pistes pour le spectateur. 

Une piste intéressante reste le rôle que joue l'homme à la caméra dans le film, celui ci pouvant représenter le réalisateur lui même, filmant dans le film. Le créateur et ses créations. 

Autre piste, la seule phrase de Lynch sur son film, permettant d'éclairer un tout petit peu le film  : 

« Deborah Wolliger, l'attachée de presse de la production, avait trouvé dans un livre le terme de "fugue psychogénique", que je trouve très beau ; c'est musical et ça désigne un état où une personne adopte une identité et une vie totalement différentes, tout un monde nouveau. Cette personne a toujours les mêmes empreintes digitales et le même visage, bien sûr, mais intérieurement, pour cette personne, tout est nouveau ».


Conclusion :

Lost Highway est une oeuvre troublante. Semblant hors d'atteinte au premier abord, le film ne se laissera apprivoiser qu'aprés plusieurs visionnages. Chaque vision permettant de gratter un peu plus la couche de mystère dont le film semble être entourée.

Une oeuvre dérangeante et boulversante en un certain sens, Lost Highway est à voir pour tout amateur de cinéma étrange et profond. Lynch signant ici un petit bijou de réfléxion macabre.