Bon, bon, bon... Si je comprends bien, me voilà en passe de
devenir ce qu'on appelle un « bon client » des médias dits « généralistes ».
Un de ces spécialistes « clef en main » qui vous donne son avis
éclairé de professionnel de la profession ou d'universitaire émérite en une
sentence définitive ou une analyse « pertinente ». Qui l'eût cru !
Coup sur coup, le quotidien 20 minutes,
le site du Figaro et la chaîne NoLife m'ont invité à m'exprimer sur les
relations entre cinéma et jeux vidéo à propos de la sortie de TRON L'Héritage et de ses adaptations
vidéoludiques. Je crois que désormais, disons deux fois par an, quand le cinéma
s'intéressera au jeu vidéo et quand le jeu vidéo se penchera sur le cinéma, je
risque fortement d'être appelé à la rescousse par quelque journaliste ou
pigiste en quête de l'avis d'un spécialiste pour un papier bien informé sur le
sujet.

Bien évidemment, je ne vous cache pas que toutes ces
sollicitations flattent agréablement mon égo et que voir ma trombine s'étaler sur
la homepage de 20 minutes entre une
ministre des affaires étrangères sur la sellette et une femme de président sur
le point d'enregistrer son nouvel album a quelque chose d'assez surréaliste et
finalement, de plutôt rigolo. Et puis, il est bien difficile de refuser une
participation à des journalistes de 20
minutes
ou de médias plus spécialisés comme Nolife qui ont soutenu le livre avec enthousiasme dès sa sortie.

Il faut dire qu'aller causer dans « lémédias »,
comme dit Daniel Schneidermann du site Arrêt
sur image
, cela permet surtout de faire parler des Pixels à Hollywood et de Pix'n Love. Et de me montrer ô combien « corporate »
aux yeux de mon éditeur chéri en donnant un peu de visibilité, en dehors des
médias spécialisés et de la communauté des gamers, à cette petite entreprise
qui ne connaît pas la crise. Déjà, au mois de mai dernier, juste après la
publication des Pixels, le timing
nous avait été plutôt favorable : la sortie en salle du film Prince of Persia avait alors été l'occasion
pour certains journalistes de venir me chercher et pour moi de communiquer
largement sur le bouquin tout en donnant quelques clefs pour saisir ces
processus d'adaptation. Par curiosité, je demandais souvent à ces journalistes comment
ils m'avaient trouvé et ceux-ci me répondaient régulièrement qu'une simple
requête Google « cinéma et jeu vidéo » les avait conduit jusqu'à moi !

Rappelons que le principal problème des médias, c'est le
temps, c'est l'urgence, c'est l'immédiateté. Ils doivent trouver précipitamment
leur spécialiste et celui-ci doit souvent savoir se rendre disponible dans les
24 heures ! Ils débarquent chez vous et bricolent en deux temps trois
mouvements un mini-studio de télévision. Et puis ensuite, il faut répondre
rapidement, de manière concise, en s'adaptant au format : chat des
lecteurs, interview, talk show... Cela va vite, c'est speed, ça n'attend pas un
journaliste ! Et quand à l'enregistrement on a eu bien trente minutes pour
s'exprimer, pour préciser sa pensée, pour essayer d'être un peu minutieux dans
l'analyse, il ne reste au montage qu'une ou deux phrases bien calibrées qui
réduisent souvent drastiquement le propos qui a été tenu. Mais bon, c'est le
jeu ma pauv' Lucette ! On veut donner un peu de visibilité à son propos et
profiter de la force de frappe d'un média national, il faut savoir accepter (ou
non) quelques concessions à la pertinence du propos. Les lectures de Noam
Chomsky ou de Pierre Bourdieu sur le fonctionnement des médias d'information m'avaient
en partie prévenu.

Il reste tout de même une raison de se réjouir des ces
sollicitations médiatiques : c'est que je ne suis ni psychologue, ni
économiste, mais bien chercheur en études cinématographiques. C'est vrai que
pour évoquer les jeux vidéo, les médias généralistes ont de longue date, et jusqu'à
récemment encore, opté pour deux traitements médiatiques : les risques
(violence et/ou addiction) et le marché florissant (le « marronnier »
d'avant les fêtes de Noël, vous savez : « Cette année, le jouet star
de Noël, c'est bien entendu LE JEU VIDEO » avec le ton Capital). Proposer
à quelqu'un qui s'intéresse à l'histoire du domaine vidéoludique et aux
échanges d'imaginaire, d'images et de récits entre cinéma et jeu vidéo, de
donner son point de vue sur le sujet, c'est progressivement envisager un autre traitement
médiatique du jeu vidéo et par conséquent offrir un regard différent sur le
domaine. Et cela, c'est bien le signe d'une évolution, encore récente mais
significative, du rapport des médias d'information au secteur, à la pratique, oserais-je
dire à la culture, que représente aujourd'hui les jeux vidéo ! Les
générations de journalistes se renouvellent et les JRI désormais aux commandes
des sujets « jeu vidéo » ont une culture gaming que n'avaient
généralement pas leurs aînés. Somme toute, une bonne nouvelle !

Alexis Blanchet