Pour susciter la curiosité autour de leur production, les développeurs indépendants se réclament souvent d'une affiliation directe ou non à des titres passés qui ont pesé dans l'inconscient collectif des joueurs. C'est le cas de Chris Sorrell avec James Pond ou encore d'Ed Annunziata, candidat malheureux au retour d'Ecco (The Dolphin) quand d'autres dépêchent les services de vétérans comme Yoshihisa Kishimoto (Double Dragon) pour parfaire le réveil d'une vieille franchise NES tombée dans l'oubli, River City Ransom.
 
Et lorsque le bagage professionnel des développeurs indépendants est dénué de références historiques, ils se réfèrent couramment à des poids lourds qui ont instruit leur propre production. Il existe un jeu qui revient sur toutes les lèvres : Metroid. À tel point que l'on parle volontiers de Metroidvania pour qualifier cette tendance quasi systématique au référencement de ce chef d'oeuvre lancé en 1986 sur NES. Et pour cause, la structure de ce jeu est devenue un principe fondateur pour l'ensemble de la communauté indé qui cherche à se prévaloir d'un solide repère, d'une philosophie de conception unique destinée à perfectionner leur réalisation.
 
 
"Tout le monde veut faire du Metroid", exagère à peine Kenny Lee, co-créateur de Rogue Legacy dans les colonnes du site Eurogamer.net. "C'est mon style de jeu préféré, corrobore Moise Breton, réalisateur du jeu A.N.N.E. Il y a très peu de texte. L'histoire est racontée par les environnements de jeu et les événements". Grâce à l'émergence des acteurs du financement participatif et la dématérialisation des canaux de vente, la scène homebrew Nintendo est en mesure de sortir de l'ostracisme dans laquelle elle est plongée depuis plusieurs années. Visages peu académiques de la communauté des développeurs indépendants, ces programmeurs de l'ombre piratent l'ancien matériel des constructeurs pour réaliser des titres originaux ou issus de licences connues sans autorisation préalable. Ainsi, il n'est pas rare de tomber sur une toute fraîche adaptation de Mario sur Atari 2600 voire même de jouer à une démo de Star Fox sur Mega Drive...
 
Le principal motif qui fait de Metroid un modèle de développement incontournable tient en sa structure basée sur l'exploration ouverte émaillée de plates-formes, où la progression nécessite la mise à niveau de l'équipement et des compétences de l'héroïne. Mais pas seulement : "au-delà de la mécanique, il y a l'atmosphère du jeu, l'absence d'assistance et sa difficulté globale. Le monde de Metroid est indifférent à votre présence, sa programmation n'est pas systématisée, c'est ce qui fait son originalité" ajoute James Petruzzi, auteur de Chasm.
 
 
Et cette alchimie est complexe à reproduire : "les résultats sont variables [...] le format Metroid est complexe [...] peu de jeux indépendants est une fidèle interprétation de l'expérience Metroid [...] (beaucoup) empruntent des éléments et des idées à intégrer dans un design linéaire" fait remarquer James Petruzzi. Cave Story de Daisuke Amaya illustre cette hésitation entre amalgame opportuniste et fidélité. L'héritage laissé par l'équipe dirigée par Gunpei Yokoi est donc difficile à retranscrire malgré les moyens infiniment plus perfectionnés dont les programmeurs indés disposent. Et cette équation échappe même à cette génération de développeurs travaillant pour Nintendo, obligée d'externaliser la relance de la série (le très linéaire Metroid Other M) faute d'idées novatrices...