Le retrait de l'arrière-garde japonaise de Sony au profit de la branche nord-américaine a propulsé Mark Cerny sous les feux médiatiques du PlayStation Show qui s'est déroulé le 20 février dernier à New York. Sa personnalité effacée, son extrême pudeur ne le prédestinaient pourtant pas à devenir le porte-voix de la de PlayStation version quatrième génération. Sa prise de parole emprunt d'humilité tranche nettement avec le ton arrogant et les excès de langage du persiffleur Ken Kutaragi, adepte de mémorables calembours (trop nombreux pour les énumérer ici ^^).
 
Cette abnégation l'a poursuivit durant son riche parcours professionnel. Il commença sa carrière chez Atari en 1982 avant de rejoindre Sega Japon où il travailla au côté de Yuji Naka et à quelques bureaux plus loin, de l'illustre Yu Suzuki. Pas toujours tendre avec les conditions de travail qu'il qualifia de "pénible", il en dira tout autant de la stratégie produit de la Master System taxée "d'ubuesque". Il traversa le Pacifique pour fonder avec de proches collaborateurs, le Sega Technical Institute. La tête pensante de la branche américaine dont l'objectif était de contenir la prépondérance des décisions japonaises sur ses prérogatives territoriales. Les puissants pôles de créativité de Sega (AM) voyaient d'un mauvais oeil cette tentative d'affranchissement de sa sphère d'influence. Elles ont dans un premier torpillé les jeux issus de STI (entre autres, le développement laborieux de Comix Zone) avant de collaborer, bon gré mal gré avec elle (Sonic 2&3, Pinball...). Le coup de grâce viendra de Yuji Naka qui aura pesé de tout son poids pour saborder l'incroyable Sonic X-Trem. Le Sega Technical Institute n'y survivra d'ailleurs pas. Il fut démantelé à la suite de ce triste épisode.
 
 
Ce précoce et brillant développeur (il entra à l'université à 16 ans, décrocha son premier emploi chez Atari à 18 ans) a très tôt compris les rouages de cette industrie : "j'ai appris qu'il ne suffisait pas d'être vif et doué, il faut travailler très dur également. Et même cela est insuffisant. Il faut travailler avec zèle sans pour autant chercher à devenir une personnalité" déclare Cerny au site IGN.com. Aux premières heures de sa lente ascension professionnelle, il s'est trouvé face à une situation burlesque au côté de son collègue de travail, Hirokazu Yasuhara. Les deux hommes s'empressaient de finaliser Sonic sur Mega Drive, quand Cerny remarqua un poème accroché sur le bureau de Yasuhara : "c'était lui l'auteur de ces écrits, il les lisait tous les matins pour ensuite piquer une colère". Intrigué par le comportement de son homologue, Mark Cerny s'approcha pour en lire le contenu : "le poème était simpliste, il était écrit ceci 'Miyamoto, c'est du vent'. Puis Yasuhara se tourna vers moi et m'interpela "Pourquoi ce mec s'accapare tous les égards ? Je dois montrer au monde que je suis aussi bon que lui".
 
Traversé par une identique ambition sans pour autant désigner une cible à abattre, il fera sien d'un vieux proverbe japonais qu'il garde à portée de main : "lorsque l'enfant prodige atteint l'âge de 20 ans, il devient une personne ordinaire". C'est cette sagesse d'esprit qui propulsa l'homme au sein des les plus hautes sphères décisionnelles de Sony, laissant loin derrière lui arrivistes et hommes pressés.
 
Une future icône ?