Il était une fois une contrée vaste comme la Terre, sur laquelle les enfants les plus chanceux, ne manquant de rien, pouvaient prétendre à un bonheur numérique que d'autres ne pourraient jamais s'offrir. Chaque foyer de ces enfants abritait une petite boîte en plastique. Celles-ci avaient la capacité de créer des mondes parallèles magiques, peuplés d'étranges créatures et de héros colorés et heureux.

L'adage dit : « Après l'orage, le beau temps ». Pourtant le conflit aujourd'hui connu sous le nom de Grande Guerre des Consoles de la première Ère a succédé à une période de famine et de choléra. En 1983, une terrible crise a poussé les moins bienfaisants des faiseurs de magie dans un gouffre où leurs mauvais sorts se terreraient à jamais ; on dit même que certains mauvais sorts ont été enfouis dans un désert. De ce chaos a jailli la NES. Cette boîte magique était plus puissante que tout ce que l'on avait pu espérer jusque là. Elle apporta d'ailleurs tout au long de son ère nombre de mondes extraordinaires qui vivent encore aujourd'hui et n'ont cessé d'évoluer.

Comprenant qu'il y avait de la place pour une autre boîte magique dans les foyers des enfants qui ne possédaient pas la NES, d'autres faiseurs de magie, aujourd'hui simples faiseurs de mondes, fabriquèrent la Master System. C'est alors que les querelles commencèrent.

Ne réalisant jamais la chance qui étaient la leur, les enfants chanceux jalousèrent les boîtes magiques de leurs voisins. Ne pouvant décemment pas prétendre à plus de boîtes que de raison, ceux-ci optèrent pour la seule option qui leur restait. S'ils ne pouvaient posséder toutes les boîtes magiques de plastique, ils désavoueraient l'existence de toutes les autres. C'est ainsi que naquit la Grande Guerre des Consoles de la première Ère.

Des années plus tard, alors que le conflit se tassait doucement dans la durée, que chacun réalisait qu'il avait assez de magie dans sa boîte pour ne pas vouloir de celle des autres, les faiseurs de magie inventèrent de nouvelles boîtes visant à remplacer celles qui d'ores et déjà étaient usées jusqu'au câble d'alimentation. N'imaginant pas qu'ils ouvraient la boîte de Pandore, délivrant les rancœurs assoupies des enfants désormais adolescents, ils ne créèrent pas simplement de nouveaux mondes, ils leur créèrent également des personnages si forts et propre à leur boîte magique respective, que ceux-ci personnifieraient les camps choisis. On ne défendrait plus sa boîte magique au détriment des autres ; on porterait ses héros en dieux, et on dénigrerait les dieux des autres. La vivacité bleutée d'un hérisson, contre la précision et la bonhomie d'un plombier. Le noir de la Megadrive contre le Gris de la SNES.

Le conflit ne s'est jamais vraiment arrêté. Quand une génération devenait assez mûre pour comprendre la futilité de la Grande Guerre des Consoles, une autre venait immédiatement la remplacer. Le conflit s'est déplacé. Du nombre de couleurs et de points que les boîtes pouvaient créer, au nombre de notes qu'elles pouvaient jouer, au nombre de bits qu'elles pouvaient renfermer... ah la Guerre des Bits. La Guerre des Bits est un conflit secondaire qui s'est ouvert en même temps que la succession de la sauveuse NES. Ne trouvant plus vraiment d'arguments pour se combattre, puisque chaque boîte avait ses atouts et ses inconvénients, les enfants chanceux commencèrent à mettre en avant le nombre de bits. C'était une unité, oubliée de nos jours, qui devait quantifier la puissance magique des boîtes, les hiérarchisant de manière simple.

La NES a été la première cible de ce conflit. Elle fut attaquée en 1988 par les possesseurs de la MegaDrive. L'une faisait 8bits, voyez-vous, tandis que l'autre affichait fièrement ses 16bits sur sa devanture. C'est peut-être l'occasion dans ce récit de remettre en perspective le rôle des mages créateurs dans cette Grande Guerre des Consoles. Prêchant pour leur paroisse, ils n'ont jamais hésité à mettre de l'huile sur le feu de cette guerre pourtant de plus en plus brûlant. Certains s'en sont d'ailleurs brûlés les ailes.

Alors que la SNES tenait tête à la MegaDrive, défendant le rang de sa lignée par ses 16bits et ses sonorités mélodieuses, dont chaque enfant chanceux la possédant pouvait vanter les mérites, une ancienne assemblée de faiseurs de boîtes magiques, ceux-là même qui avaient précipité la contrée numérique dans l'ombre en 1983, refirent surface et tentèrent de prendre le pouvoir et de s'allier les deux camps pour gagner la Grande Guerre des Consoles. Arguant que leur Jaguar était quatre fois supérieure aux autres, cette assemblée oublia rapidement une chose ; la puérilité du conflit n'avait lieu d'être que si les mondes magiques étaient réellement magiques...ce que la Jaguar ne savaient faire. 64 bits mais pas une once de magie. S'acheva alors le conflit des bits sur le décès d'un des fondateurs de la contrée numérique. Une mort qui mis en avant à quel point cette guerre n'avait pas lieu d'être.

Comme l'histoire nous l'a déjà appris, la Grande Guerre des Consoles ne s'est pas achevée pour autant, puisqu'elle perdure encore au moment où cette histoire est contée. Le conflit des bits ayant été étouffé, il a fallut que les nouveaux enfants chanceux, ceux qui n'avaient pas eu la chance de mûrir suite à la mort rapide de la Jaguar, trouve un nouveau champ de bataille. Et comme à chaque fois, c'est le renouvellement des boîtes à magie qui apporta le terreau fertile d'un nouveau conflit. Paradoxalement, ce conflit si immature eut-il été, se basa sur la maturité des nouveaux mondes magiques. Le conflit des bits étaient toujours présent, en arrière plan dans l'esprit de certains, mais là n'était plus le cœur de la Grande Guerre.

Alors que la Jaguar venait d'être enterrée, la PlayStation vit le jour après une sombre trahison de la part des faiseurs de NES. Qu'elle fut une boîte à magie merveilleuse, là n'est pas la question. Là est rarement la question dans cette Grande Guerre continue. Elle arriva et plaça le conflit numérique sous un nouvel angle. On ne parlerait plus de bits, on parlerait de polygones. Les mondes ne seraient plus magiques, ils seraient réels. Cette génération de boîtes magiques de plastiques amena les anciens soutiens de la MegaDrive à se disperser quelque peu. Si certains soutinrent la Saturn, sa boîte de remplacement, beaucoup lui préférèrent la réalité de la nouvelle venue. Surtout, et c'est là que le conflit trouva son vrai regain, beaucoup de nouveaux enfants, adolescents et adultes chanceux vinrent grossir les rangs de part et d'autre des camps, celui qui défendait la boîte magique PlayStation avant tout d'ailleurs...

Il ne fallut attendre que deux années pour que les faiseurs de la sauveuse NES s'ajoutent à ce duo. Continuant inutilement dans un conflit des bits, éteint depuis des années, ils nommèrent leur nouvelle boîte magique en plastique, la N64. A l'instar de sa voisine de foyer la PlayStation qu'elle eût pu être dans d'autres circonstance, elle fut une boîte magique merveilleuse, encore aujourd'hui célébrée par les enfants chanceux de l'époque qui sont désormais suffisamment grand pour l'apprécier à sa juste valeur comme sa comparse. Souvent ils gardent malgré tout une rancœur envers le camp adverse d'alors, preuve que cette guerre laisse des traces.

La guerre s'essouffla quelque peu, puis comme toujours reparti de plus belle. Cette fois-ci encore elle tua des faiseurs de magie légendaires. La DreamCast était la suivante de la Saturn. Les mages au hérisson avaient été affaibli par l'arrivée de la très puissante magie de leur collègues. Malheureusement, leur nouvelle magie, si belle, réelle et innovante fut-elle, n'y pu rien faire. Encore de nos jours, il n'est pas rare d'entendre certains adultes chanceux parler avec émotion de cette boîte si magique qui précipita contre sa volonté ses créateurs dans la crise.

Nous ne sommes plus qu'à une ère de notre présent dans notre histoire. Les noms changent au fur et à mesure des progrès de ce récit et la Grande Guerre des Consoles prend de l'importance. Elle ne se joue plus dans les cours qui réunissent les enfants chanceux, ni dans les chambres des adolescents chanceux. Elle a trouvé un nouveau lieu d'expression pour exposer sa toute puissance et ne créer que d'effroyables querelles sans but et sans fin. Cet univers parallèle est tant une bénédiction qu'un fléau. Une bénédiction car même le plus petit et insignifiant des être peut s'y exprimer. Un fléau parce que l'ensemble des loups de cette contrée y sont lâchés sans muselière.

Ici, l'anonymat fait oublier la bienséance. Le conflit n'était certes pas intelligent auparavant, mais il se devait d'être courtois sous peine de réprimande des parents. Maintenant que les enfants chanceux peuvent sans vergogne déverser des années de loyauté parfois transmise par leurs géniteurs, dans des limbes où la loi est proche de l'inexistence, plus personne ne prête allégeance à une boîte magique, à ses héros, à ses histoire, à ses mondes merveilleux. Ce sont les faiseurs de magie qui sont vénérés, eux qui n'ont fait que gaver leur cupidité avec le temps. La Grande Guerre des Consoles qui aurait du en finir depuis des années est en bonne voix pour l'éternité...

Alors n'oubliez jamais ceci : une boîte est une boîte, ce qui compte c'est ce qu'elle renferme. Vous êtes tous des enfants chanceux si vous pouvez en voir l'intérieur.