2008 : Grand Theft Auto IV. 2010 : Red Dead Redemption. 2011 : L.A Noire. 2012 : Max Payne 3. Ma vie vidéoludique est marquée depuis des années, bien avant même cette génération, par les sorties régulières de nouveaux opus des licences estampillées Rockstar. Les deux premiers cités sont sans aucun doute dans mon top 10 de cette génération. Le troisième m'a énormément séduit malgré de vrais défauts et une part de déception. Le dernier est encore une autre histoire...je ne l'attendais d'ailleurs pas autant que les autres.
Avant toute chose, je vais régler la question des précédents opus. J'ai joué à Max Payne sur ordinateur, puis sur PlayStation 2 et j'avais adoré, plus la version PC que son portage, cela va sans dire. J'ai fait plus de la moitié du second volet, mais frustré par une difficulté hors norme et un ordinateur qui ne me facilitait pas la tâche avec son framerate souffreteux, j'ai fini par lâcher prise, malgré un certain plaisir à évoluer dans l'ambiance sombre du titre. Je sais que beaucoup de personne se demandent si Max Payne 3 est une juste suite aux premiers volets. Je ne saurais trop y répondre puisque malgré le fait que j'apprécie les deux premiers, j'ai l'impression que beaucoup ont oublié ce qu'ils impliquaient en terme de frustration et de morts débiles quarante fois au même endroit, dues principalement au système de cachetons pour se soigner et à l'aspect réaliste « une balle, t'es mort ». Pour moi Max Payne 3 conserve ce que j'aimais dans les deux premiers à savoir ce héros sur qui la peste s'abat, l'ambiance sombre, voire glauque et dégueulasse qui développe une histoire narré par ce héros et les gunfights agrémenté de bullet-time et de plongeons dans tous les sens. En un sens, j'y retrouve aussi un peu de ce que je n'aimais pas dans Max Payne, mais je vais y revenir.
Guess who's back!
Suite ou pas, Max Payne 3 a des arguments à faire valoir pour prouver qu'il n'a pas été fait à la va-vite. Pour que la plongée plus bas que terre de Max se fasse dans les conditions les plus favorables, Rockstar Vancouver a sorti l'artillerie lourde. Si l'on s'attarde déjà sur l'aspect technique, les graphismes envoient méchamment la purée, comme on dit chez les djeuns. Sur console déjà, les textures sont magnifiques, les effets de lumière, d'eau et de particules sont parfaitement rendus, et les animations sont assez bluffantes. Le plus impressionnant, c'est que cette technique gère la destruction partielle du décor. Il ne s'agit pas de réduire des bâtiments en gravier comme dans un Battlefield 3 ou un Red Faction : Guerrilla, mais plutôt de démonter des pièces en faisant sauter à peu près tout ce qui s'y trouve. Le résultat est d'autant réussi qu'au delà de la partie technique, on a le droit à une direction artistique à tomber par terre. N'en déplaise aux détracteurs de la nouvelle destination ensoleillée de ce volet (que je comprends soit dit en passant) la variété des décors et des ambiances brésiliennes fait plaisir à voir, d'autant plus qu'elles sont entrecoupées de retour dans le passé plus nuageux de notre ex-flic névrosé préféré. Un cimetière, des bureaux, des bidonvilles, un port de pêche...on ne reste jamais vraiment dans une seule couleur.
La diversité des environnements n'a d'ailleurs d'égal que l'absence de diversité du gameplay. Sur l'intégralité du jeu, Max Payne 3 est un shooter pur et dur jusqu'à la moelle. Pire que ça, le jeu ne propose aucune features qui n'ait pas de rapport avec le fait de tirer sur un être humain ou des véhicules contenant des êtres humains. J'entends par là que la moindre chose comme poser une bombe, monter une échelle ou appuyer sur un bouton passe par une cutscene de quelques secondes. J'en faisais déjà état dans mes premières impressions, ce système à la fois narratif et de jeu me pose personnellement quelques soucis ; j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'histoire, surtout au début, frustré que j'ai été de ne pas pouvoir faire de vraies séquences de jeu en continu. Ça n'a l'air de rien le fait que Max ouvre la porte lui même, mais imaginez vous que vous jouez à Uncharted et qu'au lieu de changer de salle en marchant entre chaque combat, quelqu'un vous prenne la manette pour vous la repasser uniquement au prochain gunfight. C'est assez exaspérant. Ça l'est d'autant plus que ce qu'on ne nous laisse pas faire la plupart du temps pourrait très bien être fait par le joueur et n'apporte pas grand chose aux vraie cinématique de début et de fin de chapitre pour le coup superbes et très bien mises en scène.
Ceci étant dit, il me faut un peu tempérer ces premières impressions. A partir du chapitre 5 (il y en a quatorze en tout) les séquences de jeu se voient largement rallongées et beaucoup moins hachées à coup de cutscenes. On joue plus et cela permet d'apprécier enfin la qualité du gameplay qui est comme la réalisation pratiquement sans faille. On a certes un peu de mal à s'accroupir ou se remettre debout après ou encore à tourner au coin d'une couverture, mais les sensations de tirs sont assez incroyables grâce à la précision des armes, aux bruitages fantastiques et aux animations comme je le disais plus haut. Max Payne 3 n'est ni un TPS à cover, ni un TPS à l'ancienne ; c'est un mélange des deux qui fonctionne grâce à l'utilisation du bullet-time. Soit sous la forme d'un saut qui peut-être déclenché à l'infini (en solo) soit sous la forme d'un ralenti qui est limité par une jauge. Encore une fois, c'est une feature qui n'a l'air de rien, mais c'est ce qui fait qu'on peut enchaîner les actions héroïques...dans la mesure où l'on connaît la zone dans laquelle on évolue.
C'est bien là qu'est le problème de la campagne de Max Payne 3. Le solo reprend l'une des failles qui m'a en partie gâché le premier (que j'ai malgré tout adoré, je le répète) et qui m'a fait lâcher le second ; les salles ont un nombre d'ennemis scripté qui, s'ils demeurent loin d'être de parfaits génies, restent assez malins et dangereux pour nous abattre très rapidement, faisant passer le jeu dans la catégorie des « die and retry ». Une catégorie qui pour un TPS à tendance très narrative me paraît bien inutile. En effet, même en normal, l'absence d'auto-régénération, certes plus « réaliste », montre rapidement ses limites et pousse dans certaines situations à recommencer beaucoup de fois, tout simplement parce qu'on a trop peu de médocs. Les développeurs ont tenté de palier à cela, ménageant les fans et leurs précieux Efferalgan. Si l'on a sur soi au moins un anti-douleur et que Max prend une balle qui devrait être fatale, à l'instar de Code 47 dans Blood Money, on a quelques secondes au ralenti avant sa mort pour exécuter le tireur et s'en tirer ainsi à bon compte. Cela évite certes énormément de morts idiotes qui pourraient survenir simplement parce qu'on n'a pas eu le temps de se prendre un cacheton, mais cela ne pare pas à l'injustice de certains passages, notamment contre des hommes blindés comme des tanks ou il faudrait une pharmacie complète pour se sortir du pétrin sans recommencé mille fois.
Déjà en mode normal, cette phase est un cauchemar...oserais-je refaire le jeu dans le mode fou furieux?
A côté de cela, la difficulté a toujours un avantage certain. Quand elle n'est pas complètement abusée, qu'on est pas entouré de dizaines d'assaillants qui font n'importe quoi (ça arrive rarement mais ça arrive), elle permet de rester concentré et immergé dans l'action. Cela arrive notamment à partir de la seconde moitié du jeu où deux trois scènes d'anthologie se produisent et sont parfois résolues sur le fil de la mort par une course au ralenti suivie d'un plongeon en avant et d'un bullet-time avec un angle de caméra dramatisant pour le dernier homme touché. D'ailleurs il est bon de noter que Max Payne 3 ne rigole pas sur la violence. Outre deux passages avec mutilations bien atroces exacerbées par les graphismes réalistes, certaines balles font extrêmement mal visuellement, en particulier au visage. Il n'est pas rare de vraiment ressentir la violence d'un tir entré en plein dans l'œil, le haut du crâne ou dans la gorge. En ce qui me concerne, c'est d'ailleurs la première fois que ça en devient pratiquement choquant (sur certains tirs très particuliers en tout cas).
La violence graphique du titre n'est que le reflet d'une histoire qui passe du déprimant au dégueulasse et s'achève sur un pique de sauvagerie. L'histoire pour tout dire, je ne sais pas trop quoi en penser. Elle se tient dans un sens, mais transforme littéralement un justicier en psychopathe. De temps à autre, il se justifie par le manque de chance qui le conduit sans cesse plus bas que le fond de son verre de whisky alors que c'est sa propension à toujours vouloir sauver une femme qui le met dedans jusqu'au cou. C'est un peu dommage de finalement laisser un peu de côté ce traumatisme de la perte de sa femme et de son enfant qui la conduit à sa situation mentale instable dans ce volet. Je pense que scénaristiquement, il eut été plus judicieux de carrément assumer son aspect tueur qui part certes d'une bonne intention mais vire carrément à la boucherie sans nom, les deux derniers chapitres passant pour une vendetta cruelle et désespérée, bien que justifiés par la dispense de la justice par le feu.
Outre ce genre de tire très douloureux, le jeu donne à voir certains passages vraiment très trash en terme moral comme physique.
En solo donc, Max Payne 3 me laisse un goût vraiment mitigé. Les gunfights sont assurément un plaisir incroyable et beaucoup de moments de bravoure resteront comme des séquences fortes du genre TPS. A côté de cela, la sensation de ne pas vraiment incarner pleinement le personnage reste un arrière goût un peu amer, même une fois les quatre premiers chapitres passés, ceux-ci étant de mon point de vue mal équilibré en terme narratif. Je reproche notamment au jeu dans sa globalité de ne pas s'appuyer assez sur la narration vidéoludique ; seuls deux passages proposent de marcher dans une situation précise simplement pour nous raconter quelque chose. Le reste du temps, on nous donne tout dans des cinématiques qui il faut bien l'admettre en revanche tue la gueule (et pourtant je ne suis pas du tout adepte du visuel par cases). Mon sentiment est donc vraiment partagé entre moments intenses, jouissifs et frustration de gameplay (le die and retry) ou d'absence de gameplay (les mini-cutscenes inutiles au possible). Le jeu ne se compose cependant pas que de son mode histoire et je vais donc parler un peu du reste.
Déjà on peut noter la présence de deux modes arcades liés à la campagne solo et se jouant également à un joueur. Dans les deux modes on refait les chapitres du solo, mais sans les fioritures. D'abord, il y a une chasse aux points où le but est simplement de comboter un maximum en enchaînant les kills avec style. Ensuite on a un mode contre-la-montre qui nous donne une minute pour finir un chapitre, chaque kill rapportant quelques précieuses secondes supplémentaire ; ici le but est donc de finir avec le maximum de temps en rab'. Li'dée est sympathique mais est entaché par le même défaut que le mode histoire...et oui ces maudites cutscenes. Si la plupart sont supprimées ou peuvent être passées, certaines sont présentes et pour cause, elles masquent des temps de chargement. Recommencer une attaque de score en sachant qu'on devra revoir certains passages est vraiment handicapant, je pense. Il y aurait eu moyen avec la même idée de faire quelque chose de mieux, quitte à utiliser plutôt des maps du mode multijoueur.
L'idée est louable, mais le fait que certaines cutscenes soient encore là casse un peu le délire du scoring.
D'ailleurs, on pourrait douter de l'intérêt de mettre un mode multijoueur à un jeu qui est fiché dans une franchise solo, mais Rockstar a soigné son bébé pour que l'on est pas l'impression que c'est ajouté au chausse-pied. Les modes de jeu proposés sont très classiques, du deathmatch par équipe, au deathmatch solo, en passant par les objectifs classiques comme king of the hill, ou capture the flag qui sont ici re-contextualisés (on transporte un sac de drogue ou d'armes, pas un drapeau). On a le droit à tout ce que propose la concurrence dans le domaine, excepté le mode horde à la Gears of War 2 ou Halo ODST, ce qui reste bien dommage. En revanche, on a un mode intitulé « guerre de gangs » qui est une composition en cinq manches d'objectifs imbriquées dans un aspect quelque peu narratif (sans grand prétention) et surtout le mode Payne Maximum qui consiste à tuer un joueur incarnant Max Payne pour prendre sa place, sachant que ce dernier est beaucoup plus fort que ses adversaires.
Décidemment, les multijoueurs de chez Rockstar ne sont pas à sous-estimer.
C'est là que vient le paradoxe pour ma part ; le gameplay de Max Payne 3 est presque mieux mis en avant grâce au multijoueur. Alors que les modes de jeu sont classiques, le gameplay de TPS cover et bullet-time marche parfaitement en ligne et provoque fréquemment des fusillades très grisantes. On se fait certes bousculer sur ses premières parties, mais une fois dans le bain, on travaille d'arrache-pied pour tuer avec classe, d'autant que ce mode en ligne dispose de petites idées géniales. Si par exemple un ennemi vous tues deux fois, il est possible de demander une vendetta sur cet odieux personnage : il sera alors marqué et en cas de kill on ramasse plus de points pour son équipe. On peut également fouiller le corps de ses victimes afin d'y trouver de l'argent qui servira à augmenter son équipement avec de nouvelles améliorations d'armes, ou des bonus comme la possibilité de faire croire au camp adverse qu'on est des leurs ; concrètement cela veut dire que son nom apparaît en blanc comme un coéquipier et non en rouge...dans le feu de l'action on se fait avoir facilement.
Pour en finir avec cette nouvelle réalisation Rockstar Games sur la génération HD, clairement je ne suis pas satisfait à cent pour cent. Si je devais considérer le solo uniquement, Max Payne 3 n'est pas le TPS ultime que j'imaginais, mais offre quelque chose de fort quand même. Ce n'est ni dû au gameplay parfaitement balancé, ni à la réalisation absolument hallucinante que ce soit graphiquement, en terme sonore (la musique et les bruitages divins) ou de mise en scène, mais bien à la combinaison des deux qui laisse souvent perplexe ; pourquoi ne pourrais-je pas appuyer moi-même sur un interrupteur ? Pourquoi ne pouvais-je pas moi même aller de la porte à la couverture ? Pourquoi n'ai-je le contrôle de mon sniper que quand un ennemi apparaît ? L'histoire laisse également son lot de questionnement, notamment sur ce Max Payne qui semble tout assumer avec cynisme, son alcoolisme, son addiction aux anti-douleurs, sa dépression, son incompétence notoire à sauver les femmes, tout sauf son génocide qui voit un pique final d'une violence graphique jamais vue dans un jeu vidéo et qui transforme le sombre héros en psychopathe. Pourtant, pourtant, il reste au dessus de la moyenne sur bien des aspects et certaines séquences sont absolument mémorables, à la fois en cinématique et en gameplay. Même ce scénario et cette ambiance qui donne une sorte de Uncharted meets Kane&Lynch 2, porte quelque chose, difficilement quantifiable, mais qui est là malgré toutes les répliques satiriques du héros. Et puis le solo n'est pas le seul point à exploiter puisque le multi offre une expérience complète avec un gameplay excellent qui le place dans les tous meilleurs de sa catégorie ; reste à savoir s'il sera jouer, en tout cas il le mériterait. Max Payne 3 reste un jeu à faire, vraiment, mais certainement pas au prix fort et c'est bien dommage. Mon cœur de fan de Rockstar est un peu écorché...un tout petit peu.
PS: Si vous avez la possibilité de choisir, privilégiez la version PC ou PS3. Sur Xbox360, deux disques demandent de switcher (pour les défis aussi si les missions sont sur le second disque) et surtout sans installations, il y a quelques bugs comme des cinématiques qui ne partent pas du premier coup.