Les screenshots proviennent de Jeuxvidéo.com. Je joue sur Xbox360 avec le jeu installé sur un DD de 20Go donc toute la partie technique est relative à cette plateforme.

En terme d'attentes, Dishonored n'est pas le jeu le plus anonyme de cette année. Il n'aura pas les honneurs de l'étalage médiatique de Call of Duty : Black Ops 2 (en même temps qui l'aura), mais dans son genre, auprès des gamers, il y avait une envie c'est certain. Le résultat, c'est que le jeu a une moyenne assez dingue sur metacritic, sur senscritique (pour les petits français que nous sommes) et que sa revue de presses sur Gameblog nous montre qu'il est parvenu à séduire toute la partie journalistique. Pour ce qui est des joueurs et bien, je suis relativement surpris de ne pas voir fleurir des tests du jeu sur Gameblog. Que faîtes vous donc ? À croire que vous attendez que je lance les hostilités...très bien j'y vais, mais pour ceux qui me suivent un peu, le suspens est déjà retombé.

Vous me connaissez, j'aime trois choses dans la vie : l'amour, les mondes ouverts et l'infiltration. Dishonored promettait de taper au moins dans l'infiltration, ce genre si malmené sur cette génération. C'était donc avec une certaine joie que j'attendais ce nouveau titre de Arkane Studios dont la direction artistique avait su séduire dès les premiers screenshot. Un monde victorien rétro-moderne ; du steampunk de qualité esthétiquement au moins. Après des heures à y jouer, à y réfléchir et finalement à en voir le bout, je ne ferais pas dans la dentelle en disant que pour moi, Dishonored est le jeu le plus surestimé de cette année...ce qui n'en fait pas un mauvais titre pour autant.

Un jeu qui, d'avance, pue la classe.

Dishonored propose de vivre un sombre pan de l'histoire de Dunwall, une ville en proie à une épidémie de peste qui ravage les populations les moins aisées (même si l'un des personnages affirmera que les plus riches aussi ont été touchés) et dont les rats, porteurs de ce bien vilain présent, ont presque gagnés la bataille. Corvo Attano, le personnage incarné par le joueur, muet protecteur de son état, s'en revient bredouille d'un voyage qui avait pour but de trouver un remède dans les îles entourant Dunwall. Alors qu'il s'adresse à son impératrice, celle-ci est poignardée sous ses yeux sans qu'il ait pu la protéger (c'est ballot pour un protecteur). Évidemment, il aura le temps de pleurer cette dernière en prison où il sera enfermé pour le meurtre de sa tendre chef. Un début de jeu édité par Bethesda en tant que prisonnier, sans doute du jamais vu.

I'm locked up! They won't let me out!

Commençons par ce qui saute aux yeux du joueur. Comme les premiers screens nous le faisaient pressentir, Dishonored est une bien belle réussite sur le plan artistique. Cette appréciation tient toujours d'une forme de subjectivité, mais je trouve le style proposé pour ma part d'une classe certaine. L'univers mélange habilement l'époque victorienne (de la moitié à la fin du 19ème siècle en Angleterre) et une révolution industrielle qui n'aurait jamais passé le stade de la vapeur (d'où le terme de steampunk). Au delà, même des choix vestimentaires et architecturaux, on pourra noter l'aspect caricatural de l'ensemble du casting dont les traits avec leurs proportions légèrement exagérées rappelleraient un peu un Fable II en plus crasseux. Outre l'esthétique, la partition est pour le moins réussie avec certes aucun thème fort, mais de bonnes musiques d'ambiance et avec des bruitages et doublages de très bonne qualités : il est d'ailleurs drôle de constater qu'on y retrouve les voix française de Gil Grissom, Horacio Caine et Mac Taylor...les Experts sont présents au casting.

Deux bémols cependant (il fallait bien commencer quelque part). Déjà question affichage, le jeu est dans le top des pires utilisations de l'Unreal Engine 3. Nous sommes en fin de génération de consoles et il devient franchement lourd d'avoir de nouveau des textures fantômes qui apparaissent à leur guise comme dans les pires séquences de Mass Effect premier du nom, de Alice Madness Return ou encore, pour citer un jeu de cette année, de Silent Hill : Downpour. Ceci étant dit, et contrairement à ce dernier, Dishonored n'a pas d'autre souci technique au delà de ces chargements de textures et de graphismes un peu datés. Pas de ralentissements notables ni de tearing intempestifs. Ça n'est pas une tuerie graphique donc, mais ça tourne au moins suffisamment pour qu'on apprécie la direction artistique joliment mise en 3D et jouissant d'effets de lumières plutôt sympathiques. De plus une fois installé, le jeu chargent les zones plutôt rapidement (moins de dix secondes).


On aura pas grand chose à redire sur l'esthétique du jeu tant pour le character design que pour l'architecture, tous deux assez splendides. En revanche l'Unreal Engine 3 fait encore des siennes avec ses textures qui apparaissent à leur guise.

Deuxième bémol cependant qui me permettra de rentrer plus avant dans le vif du sujet, la direction artistique est certes belle, mais elle manque vraiment d'un background solide pour l'appuyer. Pourquoi le jeu nous parle sans cesse des baleines et pourquoi est-ce cet animal qui a été choisi en particulier pour servir notamment de carburant ? Régulièrement, j'ai eu quelques interrogations sur le pourquoi des choses qui ne trouve pas forcément de réponse, comme si tout était là, parce que c'était là. Le jeu tente bien de nous en apprendre plus sur son background via des lectures de divers livres et notes disséminées ça et là, ou même en proposant un résumé de l'univers dans le manuel mais il manque toujours une forme de cohérence et d'évidence dans cet univers que trouvait parfaitement Bioshock par exemple. Je pense que cela tient aussi au type de jeu pas forcément approprié à ce genre de lecture un peu indigeste qui demande d'interrompre sa phase de jeu. Pour faire le comparatif avec d'autres univers encore qui s'appuient également sur la lecture, The Elder Scrolls (Skyrim, Oblivion, Daggerfall...) ou encore Mass Effect marchent parce qu'avant qu'on ne lise ce qui se passe, l'univers est palpable, a un passé ; quelque chose fonctionne. Dishonored est beau mais pas forcément crédible d'une certaine manière ; les choses ne découlent pas forcément les unes des autres. C'est notament la dichotomie entre magie et technologie qui n'est pas bien expliquée par le lore du jeu. Je ne pousserais pas d'avantage ce pan de ma critique car je suis bien conscient que pour le coup, c'est vraiment de l'ordre du ressenti et nul doute que certains plongeront dedans la tête la première sans se poser de question.

Quoi qu'il en soit, dans cet univers où la misère et les rats ont tout dégradé, on va devoir se livrer à une quête de vengeance tout ce qu'il y a de classique. Les enjeux du tout premier chapitre (il y en aura 9 en tout) restent les mêmes du début à la fin, même si le jeu tente de relancer un certain intérêt scénaristique à mi-parcours avec un twist gros celui la brique de lait manquante le matin au petit déjeuné. Quand le scénario ne passionne pas outre mesure et que l'un des enjeux principaux semble résolu à la troisième mission, ce qui va maintenir le joueur en alerte, ce sera évidemment le gameplay. Et à ce niveau là, il y a de nombreuses choses à dire, en bien comme en mal.

Le scénario est assez convenu, mais au moins il est compréhensible et reste agréable à suivre.

Dishonored se présente comme une sorte « d'enfant bâtard et trisomique » (© Caféine) entre Deus Ex : Human Revolution et Bioshock. DE:HR pour son aspect l'infiltration et les voix multiples, et Bioshock pour les pouvoirs agressifs. Histoire d'y ajouter sa touche, Arkane Studios a ajouté à son level design une bonne dose de verticalité. En secouant bien, on obtient un mélange qui marie l'excellence dans beaucoup de passages avec le médiocre parfois. Comme je l'ai dit, le jeu fonctionne par chapitres ou missions qui seront découpés en plusieurs zones. L'idée c'est que chaque mission a un objectif principal et plusieurs objectif secondaires qui peuvent être atteint avec différentes méthodes. Ce qui va poser problème à cette recette en principe infaillible, ce sont deux choses ; un problème structurel dans l'agencement des objectifs, et un problème d'équilibre dans le gameplay général.

Le problème structurel est le suivant. L'ordre d'enchaînement des différents objectifs est laissé à l'appréciation du joueur. Cependant, certains objectifs devraient annuler l'intérêt des autres. Pourtant, le joueur gagne quand même, en terme de récompense de grade ou de nouveau passage pour atteindre sa cible, le bonus lié à un objectif qui n'a plus d'intérêt. Typiquement, on peut ne pas se soucier des objectifs secondaires, foncer comme une brute pour abattre la cible (ça reste compliqué, je vais y revenir) et revenir en arrière pour retourner au point d'extraction tout en accomplissant les objectifs secondaires, débloquant à ce moment là des facilité pour...tuer sa cible qui est déjà morte.

Régulièrement, on surprend des conversations qui sont censer ajouter une option pour finir la mission. En réalité la plupart du temps, on ira bien plus vite et parfois même plus facilement en suivant la voie principale qu'en "s'aidant" des objectifs secondaires...ce qui est quand même dommage.

Je vous vois venir et effectivement, on pourrait dans ce cas se passer de faire les objectifs secondaires, le problème c'est que déjà ces objectifs mènent régulièrement à des runes qui servent à améliorer ses pouvoirs, mais surtout, ce schéma montre qu'ils ne sont pas assez cruciaux pour qu'on les envisage vraiment à chaque fois, ce qui fait qu'on peut se rendre compte à la fin d'une mission qu'elle eut été bien plus réussie si on avait choisie de faire l'objectif secondaire. Forcément, certains vont me dire que c'est justement le propre du jeu d'infiltration de découvrir de nouvelles méthodes au cours d'une seconde partie. Ça pourrait être le cas ici présent si le jeu n'avait pas un autre défaut majeur.

Dishonored est beaucoup trop facile. J'ai commencé le jeu dans le mode de difficulté ''difficile'' (Ÿ) et au bout de deux missions, j'ai mis la difficulté maximum devant le peu de résistance qui m'était opposé. Quand le jeu est trop facile, les missions secondaires, les passages dérobés, les différentes méthodes, tout cela n'a plus aucun sens. Cette facilité, Dishonored la tire d'un game-design qui n'arrive à faire cohabiter de manière intelligente la violence d'un FPS et le calme d'un jeu d'infiltration. Pour quelqu'un qui voudra jouer sans vraiment se préoccuper du bruit qu'il fait, certes la mort sera au rendez-vous. Les ennemis ne sont pas extrêmement nombreux, mais le corps à corps est assez mal fichu et le système de contre ne permet pas d'apprécier les duels qui sont pollué dès que l'on affronte plus d'un garde. À l'autre extrême, celui qui voudra joué exclusivement sans se faire voir, il n'y aura pas de challenge non plus parce que les ennemis dans leur tour de garde sont généralement trop espacés pour poser réellement problème, d'autant plus qu'ils ont une vision très réduite qui est en fait calquée sur Metal Gear Solid 2 qui avait pour lui d'être dans des environnements fermés. Ils sont trop espacés parce que le level design est trop ingénieux pour leur nombre. Les entrées et méthodes vers les objectifs sont légions et, de manière surprenante, c'est ce qui handicape le jeu.

Finalement ce pouvoir n'est pas ce qui déséquilibre le jeu. Au contraire il est bienvenu pour pallier à la difficulté supplémentaire qu'impose la vue FPS par rapport à la troisième personne.

Et cette facilité ne tient pas qu'au level design déséquilibré par le nombre assez faible d'ennemis en positions de tour de garde - je le répète, à l'inverse quand on est en mode alerte, ils déboulent tous d'un coup et c'est la foire. Les niveaux sont bien construits mais les game-designer ont fait un erreur cruciale que Eidos Montréal a parfaitement évité avec DE:HR ; les pouvoirs sont trop puissants. Très rapidement dans le jeu, on peut débloquer le déplacement instantané sur longue distance et croyez-moi, on finit par l'utiliser tout le temps, évitant alors le peu de gardes qui aurait vraiment posé problème si on avait du poser un pied sur le sol. Ce déplacement mélangé aux rats qui dévorent les ennemis isolés sans qu'ils ne puissent rien faire (faisant au passage disparaître le corps) et à la vision qui traverse les parois rendent la plupart des situations abordables sans une once de sueur froide. Parce que tout l'essence du jeu d'infiltration est là : la prise de risque doit être extrêmement punie, rien ne doit aider le joueur outre mesure. De cette combinaison entre level design trop permissif et pouvoirs trop puissant né un clair manque de satisfaction envers la progression furtive. Le pire, c'est que c'est un constat qui ne se vérifie pas à chaque mission. Les deux premières sont aidés par le manque de pouvoir du début, la quatrième est complètement ratée par sa linéarité, la cinquième est un vrai bonheur qui rappelle même en un sens notre ami Code 47 et ainsi de suite, on alterne entre une infiltration molle et trop efficace et quelques frissons Hitmanien.

L'exemple typique. On a l'impression qu'il y a beaucoup de gardes (on en voit déjà cinq sur l'images). En réalité on les a tous passé en 10 secondes, en passant par les toits, grâce à la téléportation niveau II. C'est le problème de faire un level design avec plein de possibilités mais de ne pas bien gérer l'opposition adverse en retour.

Du coup certaines missions (les plus peuplées) sont un vrai bonheur, tandis que d'autres sont rébarbatives et mal designés.

Alors comme on ne peut pas vraiment y aller de bon cœur à l'épée comme dans un Assassin's Creed, et que l'infiltration pure ne pose généralement pas assez de souci, j'ai choisi pour ma part le chemin du milieu à savoir l'infiltration agressive. En somme, il s'agira de non pas foncer, mais d'observer, puis d'agir en tuant lorsque cela semble nécessaire ; une attitude que j'ai développé avec Splinter Cell : Conviction qui avait le même genre d'équilibre, mais en un peu plus réussi. L'idée étant de ne pas trop réfléchir à une situation pour la simple raison que l'on finirait par exploiter le jeu au lieu de simplement suivre son instinct. À ce moment là, les sensations sont réellement palpables et Dishonored devient une vraie crème, parce que certains meurtres semblent obligatoires ; c'est rare mais cela arrive qu'un ennemi barre bien la route. Alors on se prend à se remémorer les chrosomes qu'on a gelé puis explosé au fusil à pompe dans Rapture, pendant que l'on regarde un garde se faire dévorer par une bande de rats qu'on aura invoqué au moment de trancher la gorge de son collègue qui se précipitait pour l'aider. De la poésie vidéoludique.

Mangez mes petits amis! MANGEZ! MOUHAHAHAHAHA!!!

 

Dishonored n'est pas un mauvais jeu, loin s'en faut. Il est soigné et bien dressé. L'esthétique est suffisamment belle pour qu'on ne regarde pas trop la technique. Le level design est clairement réfléchi, même si certaines choses m'interrogent toujours (pourquoi il y a des saloperies de coquons qui crachent de l'acide?). Les personnages ne sont pas quelconques grâce au design et aux voix françaises impeccables. Cependant je crois vraiment que sa bonne presse est en grande partie due à son aspect rafraîchissant en comparaison de la production AAA occidentale actuelle. Après un E3 où l'on a compris qu'on allait encore manger des FPS bourrins, militaires et sans aucune intention artistique, Dishonored semble être de la trempe des jeux qui changent un peu et qui le font bien. Comme Deus Ex : Human Revolution, Comme Batman : Arkham City. Comme Fallout : New Vegas. Malheureusement, à mon humble avis, il n'a pas la carrure d'un seul de ces titres. L'univers est jolie, mais n'a pas vraiment d'existance palpable. Le scénario est sympathique mais trop prétexte et les enjeux ne changent pas du début à la fin, malgré le twist de mi-parcours qui tente de redonner de la niaque au joueur. Surtout, l'équilibre de gameplay n'est pas assez réfléchi. Il y a une raison pour laquelle Deus Ex : Human Revolution, Alpha Protocol ou encore Bioshock limitaient beaucoup la quantité d'énergie liée aux pouvoirs ; c'était tout simplement pour qu'on ne puisse pas en abuser et qu'on continue de réfléchir. Pour que moi je me mette à exploiter un jeu d'infiltration, il faut vraiment qu'il manque quelque chose. Alors, oui, Dishonored vaut qu'on y jette un œil ou deux même, tout simplement parce qu'il ne se moque jamais du client et qu'il offre une bonne respiration pour le joueur infiltré en apnée. Par contre, il reste très loin de ce qu'on pouvait attendre de lui, la faute à un manque de maîtrise des bases posées. Un bon titre de 2012, mais sans doute pas mémorable comme je l'aurais souhaité.