Le mois de Mai hautement riche de cette année 2010 aura porté deux titres très attendus, par moi quoi qu'il en soit. Le fabuleux jeu de Rockstar, dont je reparlerais bientôt (encore) et bien sûr l'arlésienne du studio finlandais Remedy Entertainment.

Stephen King a écrit: «Les cauchemars ne relèvent pas de la logique et les expliquer n'aurait aucun intérêt, ce serait contraire à la poésie de la peur.» Dans une histoire d'horreur la victime se demande sans cesse «pourquoi?», mais il n'y a aucune explication et il ne doit pas y en avoir. Ce sont les mystère sans réponse qui nous marque le plus...et c'est de cela que l'on souvient à la fin. Mon nom est Alan Wake et je suis écrivain.

C'est sur cette introduction, sortie de la bouche du héros pendant un survol de Bright Falls que débute Alan Wake. Dès les premières secondes, il est en effet clair que l'on va jouer à un jeu qui vaudra avant tout par son ambiance et son histoire contée en off par Alan, à l'instar de Max Payne. L'ambiance est donc, comme le nom de Stephen King l'évoque, basé sur du fantastique. Une réalité altérée par des phénomène paranormaux. Les références sont apparemment multiples, mais je suis pour ainsi dire vierge de toutes influences. Stephen King c'est pour moi avant tout une série de films que je regardais étant plus jeune, sans jamais vraiment saisir ce que je voyais. Lovecraft m'est également connu seulement de nom, et Twin Peaks, que ce soit la version série ou film ne m'a jamais tenté...David Lynch ce n'est vraiment pas ma tasse de thé. Certains diront dommage, car je passe sûrement à côté d'une bonne partie du jeu et de ce qu'il a offrir.
Je préfère voir les choses sous un autre angle. Ici, l'ambiance fantastique se suffit à elle même et pour peu que l'on soit curieux et amateur du genre sans en connaître chacun des artisans, Alan Wake saura saisir l'attention et nous faire plonger en eaux troubles.

Bright Falls, un vraie lieu de vacances...jamais une petite anonce n'aura été si bidon.

L'ambiance je l'ai dit donne donc dans le fantastique, plutôt référencé semble-t-il mais basé sur la notion de noirceur. Je me pose par contre en faux de certaines personnes. On ne peut que très difficilement parler de survival horror avec Alan Wake, tout simplement parce que cela n'a pas été une volonté de la part des développeurs, mais également parce que malgré la qualité indéniable de l'ambiance produite, on n'a tout simplement pas peur une seconde. Cependant une certaine tension est souvent palpable.
Car Alan est vraiment le genre de personne lambda qui n'a rien à faire dans une forêt dense en pleine nuit avec pour seule arme valable une lampe torche qui d'ailleurs produit d'ailleurs de superbes effets de lumière. Et puisque j'aborde le sujet, oui Alan Wake est un très beau jeu. C'est l'une des interrogations qui subsistaient avant la relase. Avec un temps de développement aussi long que celui là, on a souvent peur d'aboutir sur un jeu à la ramasse visuellement. Je me répète, je ne suis pas vraiment un gros amateur de tuerie graphique, je peux m'en passer. Alan Wake accuse quelques petits retards techniques qui dans le jeu en lui même ne choquent jamais, mais parfois sont plus visibles lors des cut-scenes. Les visages, s'ils ont tous une personnalité indéniable, sont assez mal animé, et c'est à mon sens le seul vrai défaut visuel du titre, puisque celui ci est tout de même basé sur la narration.
Cependant, ce qu'il faut comprendre c'est que contrairement à beaucoup de jeux qui s'avèrent bons sur certains points et faibles sur d'autres, pour aboutir au final sur un titre moyen, Alan Wake est très au dessus de la moyenne sur beaucoup de points et faibles sur très peu d'autres. Quand les visages sont un peu rigide dans les cut-scenes, ceux ci donnent tout de même vie à de très bons personnages car la VF est particulièrement soignées.

La voix française de Cartman pour Barry, l'agent et ami de Alan. Ne rigolezpas le mec fait son taf et bien!

C'est un constat que je fais de plus en plus (avec Uncharted 2, Mass effect, Bioshock, Batman Arkham Asylum entre autres) et que suis heureux de faire encore sur ce jeu. De la même manière, on accusera peut-être les animations de certains personnages dont Alan (encore qu'il n'y ai rien de ridicule) mais ceci est contrebalancé complètement par les décors, les effets de lumière magnifiques (que ce soit de jour comme de nuit) et les détails qui fourmillent à droite et à gauche.

J'ai vraiment été séduit par les décors et certains effets de lumière très réussis.

Le jeu est donc beaucoup trop prenant, par son ambiance et son histoire (que je vous laisse découvrir vous même) pour que les petits défauts technique viennent en tout cas me gâcher le plaisir. De la même manière, l'ambiance sonore participe énormément au trip. Que ce soit au travers des bruitages parfaitement calibrés ou des thèmes et des chansons magnifiques. Je retiens particulièrement How Can I Be Sure de Anomie Bell qui d'ailleurs dégage quelque chose proche de Akira Yamaoka, ainsi que ma préféré de l'OST, The Poet and The Muse par Old God From Asgard.

Voici les Old Gods from Asgard. Je vous ai dit de ne pas rigoler! Leurs musiques sont géniales.

Je vais par contre me montrer réellement déçu sur certains points. Alan Wake a reçu tellement d'attention dans son écriture, sa mise en scène, son déroulement et sa bande sonore, qu'au final le gameplay en est rendu à du très minimaliste. Basé sur quelque chose proche du survival (pas sur l'ambiance mais sur le gameplay) on a ici accès à quelques armes, et surtout une lampe torche et autres générateurs de lumière qui vont permettre de percer la carapace d'ombre qui entoure les possédés afin par la suite de placer les balles mortelles que l'on va trouver sur notre route. Le tout se fait aisément, et si en mode normal, le nombre de balles est très élevé, en mode cauchemardesque on privilégiera la fuite devant le combat, ce qui ajoute une certaine tension.

Malheureusement, ceci est le seul et unique gameplay que l'on va retrouver dans Alan Wake. Remedy pallie en partie au problème en proposant son aventure sous forme d'épisodes. Six en tout, qui ont droit au traitement type série télévisée, avec générique de fin et cliffhanger, et un rappel de l'épisode précédent dans le nouveau. Un conseil, qui me semble très précieux de ma part. Ne faites pas le jeu d'une traite, et respectez un rythme de un ou deux épisodes maximums d'affilés. Moi qui suis un joueur plutôt acharné (si mon emploi du temps me le permet je peux rester six ou sept heures sur un même jeu dans une journée) j'ai malheureusement finis le jeu en deux jours. Le soucis n'est alors pas la durée de vie qui est habituelle de nos jours et qui est assez hors de propos quand il s'agit de raconter une histoire intense. Non le soucis c'est que la répétitivité apparaît évidente et limite dérangeante si vraiment on prend le jeu d'une traite

Essayez d'avancer doucement. En faisant attention aux ours par la même occasion.

Deuxième point, la voix d'Alan est parfois un peu trop présente et casse limite l'immersion. Quand on va fouiller d'un côté et que celui ci nous rappel l'objectif à atteindre, on a juste envie de lui dire de la fermer et de nous laisser explorer, ce que je n'ai pas manqué de faire. Un défaut somme toute peu présent, qui est une qualité la plupart du temps...
Pour finir, je pense qu'il manque quelque chose d'important dans Alan Wake. C'est la vraie tension. L'angoisse latente, le fil de pression qui va retenir le souffle du joueur durant toute l'aventure. Entendons nous bien, si le jeu est joué par épisode on y revient avec plaisir et la fin est suffisamment ouverte et non explicative pour que l'on s'imagine ce que l'on veut, tout en nous guidant dans une direction. Le jeu est d'ailleurs parsemé de moments vraiment forts où l'on se dit «ah oui ça c'est bien stylé». Seulement il lui manque la petite touche de génie, peut-être malsain, il lui manque quelque chose de plus horrifique. Quelque chose à la Silent Hill oserais-je dire?

Certains passages intrigants se révèlent très bon à suivre, pas assez dérangeants peut-être.

 

Alan Wake est donc un écrivain de talent, qui par son récit porte une expérience bien au dessus de ce qui se fait d'habitude en terme de narration vidéoludique. Cela ne vient pas tant de l'histoire en elle-même mais plutôt de son déroulement, de la façon dont elle est distillée, avec ses manuscrits et ses télévisions qui s'allume sur notre chemin, ses bout d'histoire parfois prémonitoire qui font cogiter. Le tout est servi par une belle réalisation qui donne des décors certes peu variés mais très fort en personnalité (la forêt est un personnage du jeu) et malgré quelques vieillesses techniques, l'ensemble esthétique est de qualité. Cependant il me manque un quelque chose, une personnalité plus forte ou plus prenante, une expérience plus intense ou plus traumatisante, bref il lui manque quelque chose pour en faire un vrai master-piece. En l'état il est "juste" un très bon titre de l'année 2010, et un indispensable pour les possesseurs de 360...et c'est déjà pas mal.