L'entrée du tout petit aéroport Jean-Lesage, Québec.

J'en ai des choses à vous dire. Beaucoup, probablement trop pour que vous preniez réellement le temps de les lire. Mais puisque j'en ai quelque peu besoin, pour ma libération spirituelle personnelle, je vais prendre le risque, comme à chaque billet, qu'il ne soit pas vraiment lu. Du commencement, il y a de cela quelques années, à maintenant...j'ai du pain sur la planche. Comme prévu, ce blog prend des atours plus personnels et moins virtuels. À vous de voir si cela vous convient toujours. Si vous pensez que c'est trop personnel justement, ayez la pudeur que je n'aurai pas et ne lisez simplement pas.

Le Canada en général et le Québec en particulier ne sont pas des rêves tout récent pour moi. À la sortie de mon bac il y a six années, j'avais en tête de devenir infographiste et de baser ma carrière sur mon talent (bien maigre, je m'en rends compte aujourd'hui) de dessinateur. Le métier en question aurait été un moyen de parvenir à travailler dans le jeu vidéo au Canada donc, où à l'époque Ubisoft et consorts développaient de gros titres et de grosses équipes prestigieuses grâce à un crédit d'impôt qui fit du pays un nouvel El Dorado du développement. Cependant, avec si ce n'est la faiblesse de mon dossier, au moins son caractère moyen, je ne pouvais prétendre à une école de dessin telle que les Gobelins, pour ne citer que celle-ci, école qui m'aurait permis d'accéder au milieu. Au lieu de cela, je me suis engagé dans la voie universitaire en espérant y étoffer mon curriculum et parvenir en école plus tard. L'expérience fut un vrai désastre, au point de me faire arrêter le dessin pendant une année complète de perdition suivant deux années exécrables sur les bancs de Paris 1. Au passage, c'est dans ce bourbier que je rencontrais, comble de bonheur au moment où j'en avais besoin, mon ami Akiru sans qui je ne serais jamais arrivé jusqu'à Gameblog. Ceci est une autre histoire.

Malgré cet échec cuisant et pour le moins déprimant, au sens clinique du terme, je suis parvenu, croyez-le ou non, à me sortir de cet immobilisme mental grâce à la Sociologie. Cette science dont personne des profanes (ou même des experts) ne saura dire en quoi elle consiste, m'a amené à mettre de l'eau dans mon vin, à ne pas accepter toute chose comme un fait irrémédiable et inaltéré dans le temps. Alors que paradoxalement, j'y apprenais que la plupart des considérations que je pouvais avoir sur le Monde était des fabrications sociétales, j'y développais encore plus ma vision des choses. Car s'il y a une chose qui est fascinante avec la sociologie, c'est son inexactitude ; il y a toujours une exception à la règle. Alors pendant trois années à Paris 7, j'ai progressé, je suis devenu nettement plus intelligent (relativement à ce que j'étais à la base forcément, donc vous en faites ce que vous voulez). Je n'en suis pas devenu plus cynique pour autant. Mes rêves étaient, sont et, je l'espère, seront intactes malgré la déconstruction constante des faits que j'opère pour le bien de mes études.

La sociologie m'a amené à reconsidérer la façon de voir ma propre vie, un peu plus loin que le simple contentement du quotidien dont je devrais me suffir. Je suis avantagé, chanceux ; ça je le savais déjà. Parisien sans problème grave au niveau de ma santé ou sur le plan financier, si je n'ai pas encore trouvé mon âme sœur, je reste entouré de parents aimants, d'une famille solide et adorables et de beaucoup d'amis sur lesquels je peux compter (et qui je l'espère peuvent compter sur moi). Après deux années en sociologie, j'ai décidé de mettre à profit ma toute jeune et fébrile expertise dans l'enquête sociologique et de trouver le culot et la ressource pour enfin profiter de cette chance qu'est ma vie actuellement. En Octobre 2012, j'ai porté ma candidature à un programme d'échange international.

J'ai écouté le bouche-à-oreille où plutôt le téléphone arabe. En terme d'administration, tout le monde semble savoir, mais personne ne sait vraiment. J'ai appris à lire des documents officiels complets de 15 pages avec cinquante cases à cocher, à remplir, à réfléchir, à creuser pour faire les choses correctement. Entre le début de ma démarche l'année dernière et mon arrivée aujourd'hui, j'ai mis pratiquement toute l'énergie et la motivation que j'ai accumulé pendant ces années de frustration à observer la vie sans jamais y participer, tout cela dans une visée : vivre au Québec.

De Paris à Québec, on ne s'en rend pas compte, mais l'échelle change radicalement.

Parce que c'est une chose que j'oublie de dire, mais la raison pour laquelle j'ai décidé que cette fois était la bonne est parfaitement de mon fait. Tout comme la faute de cet immobilisme dans ma vie m'incombe (et me décombe) entièrement. Le confort, j'y étais attaché. Si j'utilise l'imparfait, c'est parce qu'aujourd'hui j'espère m'être prouvé à moi-même par cette expatriation que mettre son confort dans la balance en vaut la chandelle. En Octobre 2012, j'ai simplement décidé d'appliquer la fameuse tirade si niaise et pourtant si vraie : « Ne rêve pas ta vie, vis tes rêves ».

Pour en revenir à la partie administrative, ceux qui ont suivi les quelques (pour être gentil) statuts où je me suis épanché avec un misérabilisme digne de Slumdog Millionaire sur le stresse que j'ai subit ces derniers mois, je pense que vous aurez une idée très vague de ce que j'ai ressenti depuis Janvier dernier. Pourquoi était-ce si horrible ? Pourquoi la simple idée de devoir reporter un départ pour 2013/2014 à 2014/2015 m'arrachait le cœur ? La réponse est dans les paragraphes précédents. J'ai décidé que je devais le faire, parce que la possibilité s'offrait à moi ; et d'un coup une personne, inconnue, cachée par sa fonction administrative, protégée par le statut de sa profession, par son autorité, à tout moment, pouvait mettre fin à cet enthousiasme avec un simple « Refusé » sur un bout de papier.

Il y a toujours un bout de papier entre soi et le reste du Monde. Un passeport, une carte d'identité, un gros chèque, une autorisation...j'ai eu la chance de tout obtenir. Ça n'a pas été toujours simple moralement. Je ne cacherais pas le fait que j'ai versé une ou deux larmes pendant un jogging après avoir appris que je n'étais pas pris directement dans mon Master à Paris 7 (obligatoire pour partir en échange). Probablement était-ce plus de la fatigue nerveuse, de l'accumulation d'anxiété qu'un réel désastre dans la mesure où je suis parvenu à régler le problème. Toujours est-il que ça a été long, fastidieux et épuisant. Penser quotidiennement au voyage que fait un bout de papier qui va déterminer si on va réaliser ou non son rêve dans les deux ou trois mois à venir, c'est une petite épée de Damoclès. J'ai l'impression toutefois d'en faire trop mais c'est ainsi que j'ai pris ce voyage de toute façon. Du premier papier déposé au Bureau des Relations Internationales de ma fac au permis d'étude obtenu à la douane de Québec, j'ai pris tout cela à cœur, sans retenu, comme si ma vie en dépendait. Et j'ai surtout tout fait moi-même. Je ne remercierais jamais assez mes parents pour s'être tant inquiété et pour me soutenir aujourd'hui financièrement dans cette aventure au combien égoïste. Cependant, ils n'ont vu que la partie émergée de l'iceberg, que les moments où j'ai choisi de leur parler des papiers que j'attendais ou que je venais d'obtenir. Encore une fois, veuillez excuser cette complainte. Tout ce que j'essaye de dire, c'est que j'ai fait mon premier vrai pas dans une vie d'adulte.

Alors la grande question demeure : est-ce que cela en vaut la chandelle ? PUTAIN OUI.

Je suis arrivé à Québec à 10h30, le lundi 26 Août. J'ai passé l'une des plus longues journées de ma vie (marathon Twitch mis à part) puisqu'elle a commencé à 4h45, heure de Paris, pour aller à l'aéroport et s'est terminée à 19h heure de Québec quand je me suis écroulé sur mon lit sans même une couette ou un oreiller pour dormir. La fatigue a facilité le processus transition. Dans cette journée, je n'ai pourtant eu le temps de faire que peu de choses : acheter un portable local, faire quelques magasins pour trouver de quoi manger, récupérer les clés de ma chambre universitaire. J'ai pu faire tout cela à l'aide d'un cousin venu me chercher à l'aéroport ; sans lui, j'aurais probablement été bien plus déprimé en arrivant. J'ai vraiment une famille formidable (© TF1).

Effectivement, en arrivant je n'ai pu immédiatement sauter de joie. Si j'ai ressenti l'immense soulagement d'avoir vaincu les administrations canadienne et française, j'ai surtout eu un choc de voir mon confort réduit à peau de chagrin. Le mardi, je n'avais en fait ni literie, ni frigo, ni micro-ondes, ni wifi...Pourtant le petit blues de l'arrivée à vite laissé la place à cet inexplicable enthousiasme. Je n'ai jamais été aussi heureux d'avoir le dos au mur. Impossible de revenir en France, impossible de téléphoner à qui que ce soit et pourtant, c'était la banane au lèvre que je faisais le tour de l'immense campus, qui s'apparente plus à une petite ville d'ailleurs, à la découverte des commerces environnants. Nous sommes aujourd'hui le vendredi 30 Août et j'ai pallier à la plupart des manquements à mon nid douillet. Ce qu'il me manque viendra au fur et à mesure.

Si j'étais complètement honnête, ce qui est l'objectif de ce journal de bord, je dirais que je ne suis pas encore tout à fait heureux comme je ne l'ai jamais été, mais pas très loin. En revanche, je suis plus optimiste et empreint d'un enthousiasme infini. J'ai envie de tout faire, de tout voir, de tout faire partager aussi. J'ai pour l'instant peu de photos ou de vidéos vraiment dignes d'intérêt esthétique ou didactique, mais je vous propose d'ores et déjà quelques clichés du Parc National de la Jacques Cartier situé à trente ou quarante minutes de mon université. J'ai quelque peu réduit la qualité des images pour pouvoir les mettre sur le blog. Un dernier mot pour la route : j'ai hâte de rester pour de bon...

  

 

Parc National de la Jacques Cartier, Septembre 2013.