Au cours d'une semaine d'arrêt maladie enfiévrée et enrhumée , j'ai mis mon temps de repos à profit pour parcourir l'histoire d'un film très particulier: The Room. Entre anecdotes, récit de tournages, critiques du web et bien sur les films, il y avait de quoi s'occuper.

The Room

Que dire qui n'ait pas déjà été dit sur The Room?
C'est simple: rien.
Je me contenterai donc d'un rappel des faits et d'un avis rapide sur ce film.
The Room est sorti en 2003 dans une unique salle de Los Angeles ou il aurait finit par tomber dans l'oubli si des étudiants en cinéma n'étaient pas tomber dessus par hasard et d'y voir là un OFNI (Objet Filmique Non identifié), amené à devenir culte.
Le chemin fut long et chaotique mais une certaine aura fini par entouré ce que chacun aimait à appeler 'le film le plus génialement nul du cinéma'. Si bien que dans une forme ultime d'ironie, le film parvint à devenir un succès.
Succès relatif, baignant sous les quolibets et les moqueries des séances de minuit du monde entier, avec ses spectateurs vociférant chaque répliques, lançant des cuillères dans la salle et hurlant de joie lors de la scène dramatique finale. Le film est l’œuvre de Tommy Wiseau, obscur metteur en scène qui produit, écrit, réalise et interprète le rôle principal.
Très vite on devine une personnalité imbue d'elle même et un certain décalage...
 
Point la peine ici de refaire ce qui à déjà été parfaitement fait ailleurs. Voici donc en lien la fiche Nanarland de The Room, qui vous présentera de manière bien plus intéressante ce qu'est ce film.
 
 
Je me permet tout de même quelques lignes sur mon visionnage personnel. Oui le film est mauvais, mal réalisé, mal joué mal écrit et tout le toutim...oui Tommy Wiseau est agaçant comme pas permis avec son petit rire nasillard. Oui certains dialogues sont affligeants. Oui des scènes se répètent. Oui des personnages arrivent dans le film et sont introduit 10 minutes APRÈS. etc etc etc...
Non le film n'est pas aussi obscur que cela. Non le scénario n'est pas incompréhensible. Non ce n'est pas le pire film du monde.
l'histoire est simple: Johnny le banquier est sur le point d'épouser Lisa sa fiancée. Cette dernière souhaite connaitre une vie plus excitante que celle que lui promet son futur mari et se tourne vers Mark, le meilleur ami de celui-ci. Ils deviennent amants. Petit à petit la nouvelle fait le tour des proches jusqu'à la découverte finale par le mari cocu. Clash. Trahison. Suicide. Fin.
Voilà. Je ne vois pas pourquoi tout le monde s'obstinent à prétendre que l'histoire est inracontable. Ensuite viennent bien sur les innombrables 'scènes secondaires' qui introduisent dans le récit des sous-intrigues qui ne servent que dans leur seules et uniques scènes (le dealeur, le cancer, les amis fornicateurs...) mais en gros le squelette du film tient debout. C'est son exécution qui est cauchemardesque.
Pour ma part voir ce film ne fut pas une très grande expérience. Connaissant trop celui-ci avant de l'avoir vu, chaque scène censé être WTF ne me fit aucune surprise..."Tiens c'est la scène du toit" "Ah d'accord, la fameuse réplique sur le cancer" etc etc. Trop en savoir sur le film avant de le voir en gâche totalement le plaisir. Et surtout l'effet de surprise que l'on est censé avoir devant tant de médiocrité. Seules deux choses m'ont donc touché (car inconnues pour moi) : la scène du magnétophone/cassette audio dans le salon et les cuillères...références qu'il à fallu que j'aille comprendre en faisant quelques recherches car je ne les avait personnellement pas remarqués (j'ai donc dû revoir le film pour capter cette ubuesque histoire).
 
J'ai regardé le film alors que j'étais en train de lire "The Disaster Artist".
Il s'agit d'un livre publié en 2013 au États-Unis écrit par Greg Sestero (et le journaliste Tom Bissel). Greg Sestero est l'acteur qui incarne Mark - l'amant - dans The Room. Il s'avère que son implication dans ce désastre et dans la carrière de Wiseau fut bien plus importante que ce qu'on croyait, qu'il était bien plus qu'un acteur de seconde zone engagé sur un mauvais film...
 
 The Disaster Artist, le livre
 
San Francisco, 1998. Alors que la France vient de gagner la coupe du monde de football, un tout jeune apprenti comédien va faire la rencontre qui va changer le cours de sa vie. Il suit des cours de théâtre où sa timidité ne parvient pas à disparaitre sous son envie de jouer. Il doute et se demande si il ne va pas se contenter d'être ce beau mannequin qui ne parle pas. C'était sans compter sur ce drôle d'autre élève, à l'allure de pirate, qui un jour va monter sur scène pour jouer un extrait "D'un Tramway nommé Désir". Il est terriblement mauvais. Sans un regard ou la moindre attention pour sa partenaire. Il se ridiculise devant toute l'assemblé qui rit de lui. Il n'en à cure et se permet même de reprendre la directrice qui tente de l'orienter (sous les hoquets de stupeur de la salle): "Excuse moi, je peux te corriger?" ose t-il lui dire.
Le jeune comédien timide est fasciné. Cet homme n'a peur de rien. Il ne connait pas la peur du public, le sentiment de honte. Il est son antithèse. Il est celui qu'il doit devenir pour accomplir son rêve. De manière maladroite il lui demande à pouvoir jouer une scène avec lui. Le pirate lui lance un drôle de regard, mi suspicieux mi enjoué.
C'est le début de l'aventure de leur vie. Le jeune homme timide se nomme Greg Sestero. Le pirate prétends s'appeler Tommy Wiseau.
 
Le livre "The Disaster Artist" est passionnant. C'est un témoignage fort et vibrant de ce qu'est le parcours d'un jeune comédien dans l'enfer d'Hollywood. Couplé à une incroyable histoire d'amitié-haine avec une personnalité ô combien dérangeante. Car ne nous y trompons pas: Tommy Wiseau est un être qui peut se révéler tout autant fascinant que terrifiant. La relation entre les deux hommes est le cœur du livre. Se nourrissant l'un l'autre, se créant l'un l'autre, se détruisant l'un l'autre.
 
 
 
 
De leur rencontre à San Francisco à la Première de The Room à Los Angeles, le parcours de ce duo est pour le moins atypique. Devant la difficulté pour eux à pleinement démarrer leur carrière (plus pour Tommy que pour Greg qui parvient à avoir quelques contrats ici et là) le fantasque Tommy décide de créer lui-même son propre film. The Room. C'est tout ce parcours que propose de nous faire suivre Sestero, n'hésitant pas à décrire dans ses lignes toute la vérité sur son parcours avec Tommy. Le meilleur mais également le pire. On est scotché, parfois choqué. On rit et on grimace devant les péripéties abracadabrantesques du livre. Le récit du tournage lui-même est un véritable document de cinéma (ou de non-cinéma) tant on est plongé dans les méandres de ce film fou. Tout les mystères trouveront une explication, y compris celui des cuillères.
 
Un livre à la limite de l'incroyable sur un film qui l'est tout autant. Lors de la sortie du bouquin aux State, un jeune acteur avait signé un papier pour Vice sur son amour pour The Room et ce récit-vérité. Dans la version française du livre, édité pour la sortie du film, on retrouve ce texte (traduit). Il s'agissait d'un texte de James Franco...
5 ans plus tard, son adaptation sortirait sur les écrans.
 
 The Disaster Artist, le film
 
 
James Franco incarne Tommy Wiseau et son frère Dave Greg Sestero. L'histoire suit la même trame que le bouquin dont il est tiré (en raccourcissant grandement le récit pour éviter les redites etc...). La principale différence entre les deux œuvres (livre et film) tient dans le ton employé: là ou le livre dévoile sans détours les cotés obscurs de Tommy, le film est d'une bienveillance infinie pour le bonhomme. Et cela pourra étonné ceux qui comme moi ont lu avant de voir. D'un type au caractère vampirique parfois malsain on passe à un mec orgueilleux qui quelquefois devient vaguement grognon. Fini les coups bas, les remarques vexantes et autres vacheries envahissantes...Tommy devient un être certes toujours fantasque mais plus du tout flippant. Malgré cela, c'est un plaisir de voir reconstitué en 'live' certains de leur moment de vie, comme cette lecture improvisé en plein restaurant ou cette incroyable scène d'ouverture. Les références à The Room sont plus factuelles, plus visuelles mais j'ai envie de dire c'est normal, c'est un peu quand même ce qu'on attends du film.
Toujours dans cette volonté d'adoucir le destin du métrage et de son metteur en scène, le climax durant la Première qui transforme métaphoriquement en une seule séance ce qui s'est réellement passé en 10 ans. Très gros raccourci mais qui s'explique une fois de plus par le média.
Au final j'aime beaucoup le film - même si il est une version hyper aseptisé et romancé du récit original - il fonctionne plutôt bien. Cependant il faut connaître un peu l'univers du film avant de se lancer...les néophytes total de The Room ne verront là rien de plus qu'un énième délire de James Franco sans grand intérêt.
 
 
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Drôle de destin tout de même pour The Room, d'abord navet condamné à l'oubli avant de devenir nanar culte qui donnera suite à un "livre-vérité" qui sera lui-même adapté au cinéma...
Et n'oublions pas l’adaptation vidéoludique (on est quand même sur Gameblog) qui parait-il promet lui aussi quelques moments d'absurdités rigolotes.