Cher Maxime,
 
Je t'écris cette lettre depuis une chambre délabrée d'un manoir perdu au milieu des marais, Shady Belle que ça s'appelle. J'espère que d'une manière ou d'une autre elle te parviendra. L'incertitude est de mise ces jours-ci. Nous sommes traqués de toutes part tantôt par la Pinkerton, tantôt par les gangs du coin, tantôt par les O'Driscoll qui décidément ne nous lâcheront jamais la grappe. Il faut dire qu'on le mérite surement, notre retraite soi-disant discrète ne l'étant finalement pas du tout. Où que l'on passe nous semons la mort et la destruction. Alors on fuit, toujours plus loin vers l'est, loin de nos rêves...
C'est ce fichu casse de la banque de Blackwater qui as tout fichu en l'air. Dutch avait un plan mais il à mal tourné. Cela aurait dû être notre dernier coup. Un dernier avant de partir nous installé dans un coin tranquille au soleil de l'Ouest. Alors ce bon vieux Dutch à concocté un nouveau plan. Puis un autre, et encore un autre...vols de diligences, braquage de train,de banques, ranch soudoyé, bétails détourné, tout les larcins possible dont nous nous sommes rendus coupables. Toujours un dernier coup qui devait nous assurer fortune et gloire. Et qui au lieu de nous faire discret attirent l'attention sur nous. Et notamment celle de Leviticus Cornwall, riche et puissant entrepreneur qui as les moyens de nous mettre des bâtons dans les roues... Et sans même nous en rendre compte nous voilà dans une vieille bicoque en ruine au milieu des moustiques et des crocodiles...Dieu que je déteste cet endroit.
 
 
Pourquoi ce courrier t'est-il adressé? J'ai entendu dire que tu avais été fasciné par mes aventures, considérant toi et ton ami Laurely qu'elles étaient comme au delà de la perfection. Et que cela avait suscité bien des réactions dans ton lectorat. Des bonnes et des moins bonnes. Surtout des moins bonnes d'après ce qu'on m'en a dit! C'est compréhensible.
Je ne sais pas si la perfection est de ce monde. Sans doute que oui. Il suffit de regarder autour de nous. Mais en tout cas moi je ne le suis pas, parfait. Loin de là même. J'ai tué, volé, tabassé bien des innocents. Bien des coupables aussi. Mais cela ne fait pas pencher la balance au coup de sifflet final, ça se saurait. Mais je ne pense pas pour autant être un mauvais bougre. J'ai mes bons moments aussi. Comme nous tous...
 
 
Une toux faible mais persistante me colle depuis quelques jours, surement l'air putride qui nous entoure enflamme mes vieux poumons. C'est que je ne suis pas de première jeunesse! Fini l'époque des cavalcades à foulées éperdues. Désormais je suis plus balourd et moins vif que dans mes vertes années. Mais toujours alerte et l’œil vif! Et quiconque en doute sera truffé de plombs avant même de s'en rendre compte. Mais c'est vrai je dois bien le reconnaître je ne suis pas le plus habile et le plus souple de notre groupe bigarré. Je suis même devenu assez maladroit par moment... Combien de fois désormais il m'arrive de me mélanger les pinceaux, de sortir mon arme au lieu de dire bonjour, de fouiller un tiroir au lieu d'ouvrir la porte, de sortir mon appareil photo au lieu de ma lanterne. Ce genre de désagrément ponctue mes journées. Alors je reste concentré sur chacun de mes mouvements, évitant les réflexes intempestifs qui pourrait tourner très vite à la catastrophe. Il m'arrive parfois même d'être bloqué 'dans ma tête', ne sachant plus ni quoi ni comment faire ce que je devais faire, comme si on m'avait piqué le script de ma propre vie. C'est assez rare mais dans ces moments là qu'une seule solution, revenir en arrière dans ma mémoire et espérer que le destin ne me bloquera plus. Gênant et humiliant même parfois, mais je voudrai vous y voir à mon âge, avec tout ce que j'ai à gérer autour de moi...
 
 
Parlons-en d'ailleurs de ce qui se trouve autour de moi: le fier et pimpant Gang de Dutch Van Der Linde! Comment nous sommes nous tous retrouvé là, chacun avec nos histoires, nos passés et nos vies si différentes? Allez savoir. Quoi qu'il en soit nous sommes tous réunis désormais, pour le pire et bien souvent le meilleur.
Il y a d'abord Dutch bien entendu, notre chef au cœur sur la main. Il à un coté salopard je te l'accorde mais il n'hésite jamais à aidé une âme dans le besoin. Ses nobles idéaux peuvent paraître vieillots mais j'y crois, encore et toujours...Enfin ces derniers temps il semble un peu perdu. Pourtant je ne l'ai jamais connu aussi déterminé. Il mets au point un énième dernier gros coup, qui nous assurera notre coin de paradis. A Tahiti, ou Tombouctou. Ou sur la Lune, j'ai perdu le fil.
Pour contrebalancer, il y a Hosea, plus terre-à-terre que son vieil ami. Ce sont tous les deux qui m'ont recueilli quand j’étais perdu et désespéré. Hosea est cultivé et réfléchi, subtil et diplomate là ou Dutch enfonce les portes avec fracas. Bien souvent il tempère et adoucit les décisions impulsive de notre chef. Il forme un duo efficace tout compte fait et c'est cet équilibre entre eux qui maintient le groupe à n'en pas douter.
Ensuite viennent les 'seconds couteaux' dont je fais parti. Mais il y a également Bill Williamson, l'ancien militaire spécialiste en explosion aussi bête qu'un bœuf, Javier Escuella charmant petit escroc, Strauss l'usurier avec qui je collabore dans ses basses besognes, le petit Lenny que j'apprécie beaucoup, Micah Belle le cinglé de la gâchette que je déteste cordialement,Sean l'irlandais qui m'agace mais qui est un compagnon fiable, Charles Smith qui fait figure d'homme-sage du groupe, bien plus que ce drogué de révérend Swanson...
Il y a aussi Pearson le cuistot à tout faire et Madame Grimshaw qui tient d'une poigne de fer la bonne tenue du camp. Coté ladies justement nous avons la triplette Karen, Mary-Beth, Tilly. Toutes trois aussi charmante que redoutable dans le domaine de l'information.
Et il y a Miss O'Shea. Je ne sais pas trop pourquoi elle est là, elle fait parti de la haute c'est évident mais pourtant elle traîne avec nous - ou plutôt avec Dutch. Il forme un beau couple mais je ne suis pas certain qu'il soit en mesure de lui offrir tout ce qu'il lui à promis...
Notre dernière venue se nomme Sadie Adler, une furie emplie de colère depuis la mort tragique de son mari. Nous l'avons accueillit parmi nous alors que nous étions en plein blizzard sans grand chose ni à boire ni à manger. Mais nous ne pouvions pas la laisser seule au milieu de la montagne...Elle s'avère très utile et fiable malgré sa profonde rancœur. Je dois confesser que son allure assurée et sa voix cassée ne me laisse pas indifférent mais dans ce domaine là elle comme moi avons déjà donné...
 
 
Le discret Kieran est absent depuis plusieurs jours, il devrait revenir bientôt. Un petit gars qui survit comme il peut et qui m'a sauvé la vie il y a quelque temps...
Et il y a la famille Marston. Abigail tout d'abord, Abigail Roberts officiellement mais marié officieusement à ce sauvageon de John. Je tairai par pudeur les conditions de leur rencontre mais ces deux là forment le ménage le plus étrange qu'il m'ait été donné de voir. Un amour-vache comme on dit. John Marston à le chic pour frôler la mort à chacune de ses sorties, ce qui horripile son épouse. Mais il revient toujours à elle, quoi qu'il arrive. J'ai dû le sauver d'une mort certaine des griffes du grand froid suite à une attaque de loup qui l'avait gravement balafré...Ha! Il n'y a bien que Marston pour se faire avoir par une bande de chiens sauvages! Je ne sais pas quels bobards il racontera à son fils à propos de ces cicatrices mais j'espère au moins qu'ils seront plus couillus que cette ridicule vérité. Son fils Jack, petit garçon calme et véritable petit ange de notre bande. Je l'aime bien ce gamin, même si on est pas très proche. Je me demande quelle sera sa vie dans ce nouveau siècle qui me dépasse mais qui sera le sien. Je lui souhaite un avenir calme dans un monde en paix...
 
 
Hé! J'en oubliai L'Oncle! Ce vieux poivrot dont on ignore tout. Je ne sais même pas si l'un d'entre nous connaît sa véritable identité. Et je ne suis pas sur que l'un d'entre nous si intéresse. A l'entendre il à tout vécu mais sa bedaine et sa tendance à plutôt préférer la sieste aux besognes laisse planer le doute sur sa soi-disant gloire passée. Il est apparu dans le groupe un matin, sans qu'on sache trop pourquoi et ne nous lâche plus depuis...et c'est pas faute d'avoir tenté de le semer!
 
 
Nous avons tous un rôle à jouer au sein du camp. Pearson en toute évidence s'occupe de la graille mais aussi du travail du cuir. Strauss gère les soins et autres fortifiant (dont la gnôle)etc...Moi je gère les finances. Et oui! Je tiens le registre et décide dans quoi investir pour améliorer notre chiche quotidien. Ce ne sera jamais le grand luxe mais l'air de rien si je planifie bien notre campement pourrait finir par avoir de l'allure! Et surtout de quoi nous ravitailler régulièrement et efficacement en boissons, nourriture, médicaments et munitions.
 
 
Au risque de paraître cavalier auprès de mes camarades, je dois dire que mon compagnon de route duquel je suis le plus proche reste mon cheval. La relation que j'ai avec lui rythme mon quotidien et il est nécessaire de conserver une bonne entente avec sa monture si l'on souhaite voyager tranquillement. Brossage, alimentation, une selle correcte pour son dos (et mes fesses!) voir pourquoi pas une petite fantaisie au niveau de sa coupe et de la queue (mais pas de tresse, quelle horreur!). Alors certes il lui arrive d'avoir son sale caractère à ce fichu canasson, il peut parfois prendre peur de son ombre, rater un saut ou trébucher pour je ne sais quelle raison. Alors badaboum on se retrouve par terre les quatre fers en l'air -c'est le cas de le dire ! - et on est bon pour se relever de tout notre poids et notre agilité toute relative. Quand cela arrive alors qu'on se fait canarder, ça dure des plombes...D'autre fois les chutes sont entièrement de ma faute, deux secondes d'inattention pour me concentrer sur ma carte et Boum! on se mange un arbre (Le choc est toujours violent!) ou alors comme il m'est arrivé deux ou trois fois récemment on ne se comprends pas avec un autre cavalier et on finit par se rentrer dedans de tout notre long. Dans ces cas-là je dois confesser mon manque de tact: une bonne droite dans le contrevenant pour lui apprendre le sens des priorités. C'est à dire moi d'abord. Les badauds qui se baladent vers nulle part doivent apprendre à me laisser passer, bon sang!
Il m'est arrivé de perdre des chevaux au cours de ma vie. C'est toujours un crève-cœur, surtout quand on s'est investi en lui, financièrement et émotionnellement. Mais si on fait attention et qu'on le surveille bien, votre fidèle partenaire pourra vous suivre durant tout votre périple dans ces contrées magnifiques.
 
 
Car si il y a bien un domaine qui soit indiscutable, c'est certainement celui qui concerne la beauté de ce pays. Je ne me lasse jamais de contempler ses magnifiques décors qui s'étendent jusqu’à l'horizon. Sa nature sauvage, simple et naturelle. Bon il est vrai que je préfère les grands espaces verdoyants à cette infecte forêt où je me trouve mais même ici ça à son charme, d'un certain point de vue. En tout cas c'est un bien plus bel endroit que cette infâme 'civilisation' qu'est censé être Saint-Denis; gris, triste, industriel...comment peut-on vivre toute une vie dans un tel endroit? Si les circonstances ne nous y avait pas menés de force jamais je n'aurais mis les pieds dans cet enfer. Là bas ce n'est pas pour les gens comme nous, les 'bouseux' comme on nous y appelle (maudits gamins!). Nous ce qu'il nous faut ce sont nos grandes prairies à perte de vue, nos forêt pleine de vie, nos vallées paisibles...Mais le monde moderne avance à grands pas sans nous demander notre avis et déjà les chemins de fer lacèrent nos paysages avec leur trains tout droit sorti d'un roman de science fiction comme en raffole Hosea.
A quoi ressemblera ce pays dans un siècle? A l'allure ou vont les choses je crois que cela va bien trop loin pour mon imagination. Qu'adviendra t-il de nos vertes contrées? Qu'adviendra t-il de ce pauvre peuple indien condamné chaque jour qui passe à perdre un peu plus? Qu'adviendra t-il de nous?
 
 
En attendant, je profite à fond de cette province magnifique qui m'est offert. Je voyage pour explorer cette région pleine de mystère, je collecte des primes, je chasse pour les besoins du camp ou pour se faire un peu d'argent, je pêche pour remplir la marmite...en fait je pêche pas grand chose, je ne suis pas doué pour çà. J'ai emmené le petit Jack une fois, ce n'est clairement pas son truc non plus.
Parfois...souvent, il m'arrive de m'arrêter quelques instant pour admirer cette splendeur qui m'entoure. Même si je ne suis pas croyant il faut bien concéder que le Patron à un sacré coup de pinceau, surtout en ce qui concerne la lumière (mais paraît-il c'est son domaine de prédilection). Les rayons de soleil de New Hanover on quelque chose de magique, jamais vu auparavant. Quelque chose d’hypnotisant, d'apaisant, de relaxant, ce qui parfois tempère un peu mes excès en me posant un peu.
 
 
En vadrouillant par monts et par vaux, je fais de temps à autre des rencontres surprenantes. Comme cet anglais et son petit zoo itinérant, ce professeur et son petit bateau rigolo, son collègue et sa chaise démoniaque ou encore ce drôle de petit cirque dysfonctionnel. J'ai même revu madame Downes, qui as perdu son conjoint il y a peu...un homme qui même si je ne lui est pas donné la mort j'ai rapproché de son funeste destin. Une partie de moi se sent responsable de leur triste sort, bien que tout ça soit le fait de ce serpent de Strauss. Il y a aussi de vraies bonnes rencontres passionnantes, comme ce vétéran solitaire féru de trophées et de défi ou bien cette veuve perdue en pleine forêt à laquelle j'ai dû apprendre les rudiments de la survie en terre sauvage. Puis il y a les collectionneurs, untel souhaite les cartes qu'on trouve dans les paquets de cigarettes (une vraie mine d'or sur nos contemporains plus ou moins célèbre), untel des os de dinosaures (j'y connais pas grand chose en lézards géant, sont-ils vrai au moins?) et un autre veut retrouver des gravures sur pierre (là j'ai même pas compris ce que je cherchai, et du coup bah j'ai rien trouvé). Toutes ces rencontres sont plaisantes et pimente ma routine d'un peu de fantaisie bienvenue.
 
 
Car ses derniers temps le moral n'est plus vraiment au beau fixe. Comme je l'ai déjà signalé plus haut dans cette lettre Dutch semble de plus en plus étrange et renfermé. Plus obstiné à mener à bien ses objectifs de plus en plus obscurs pour nous...Ou peut-être est ce moi qui commence à voir clair dans son jeu, depuis le temps. Je me rends de plus en plus compte qu'il nous fait tourner en rond, à ressasser sans cesse la même rengaine. Toujours un nouveau plan pour un toujours dernier grand coup. Encore et encore. Encore et toujours...Je crois que notre arrivé à St-Denis l'a chamboulé tout autant que moi. Pour la première nous prenions en pleine face un futur qui ne veut plus de nous. Qui n'a plus besoin de nous. Nous sommes des reliques d'un passé qui ne veulent pas disparaître mais qui par la force des choses finiront bien par s'éclipser. Nous reste le luxe de choisir comment faire notre sortie: dans la dignité sous les applaudissements du public ou dans la violence sous les cris de peur des victimes.
 
 
Dans quelques jours nous braqueront la banque de St-Denis, dans la dignité ou la violence. Les préparatifs se mettent doucement en place. Pour ce coup là, toute la Bande est mobilisée. Ensuite si le succès est de mise nous quitterons cet endroit maudit et commencerons une nouvelle vie, très loin d'ici. Loin de ce pays qui m'a vu naître et qu'il m'est difficile de quitter. Mais rester serait tout aussi difficile. Qu'est ce que ce pays a t-il de plus à m'offrir? Je suis un bandit d'un monde en ruine.
Pardonnes moi Mary, pour tout.
Pardonnes moi Isaac, pour tout et bien plus.
Pour tout le reste je ne demande point le pardon ou l'absolution. Pas de rédemption pour les salauds de mon espèce.
C'est avec une nouvelle quinte de toux que je termine cette missive Maxime. Que restera t-il de nous quand nous aurons quitté le pays? Quelle image laisseront nous dans notre sillage? Quel est notre héritage au monde? Je me pose toute ces questions depuis peu.
Seront nous des Hors-la-Loi recherché éternellement? Des croques-mitaines pour les enfants pas sages? "Si tu ne finis pas ta soupe, la Bande de Dutch va venir t'enlever dans ton lit cette nuit!". Ou alors seront nous traités comme des figures héroïques, témoin d'un monde qui change inlassablement sous nos yeux et métaphore du temps qui passe, inexorablement.
Laisseront nous l'image de bons gars libres et sympathiques partageant notre passion ou bien de sales types qui flinguent tout ceux qui ne nous plaisent pas et nous agacent?
 
 
Je n'ai pas les réponses et je ne sais pas ce que me réserve l'avenir au delà de ce 'dernier' braquage.
J'espère simplement le meilleur pour chacun d'entre nous et surtout pour Jack, qui malgré son jeune âge en à déjà vécu de dur. J'espère aussi que ce monde qui change trop vite n'oubliera pas d'où il vient et qu'il saura se retourner sur son passé pour en tirer des leçons et ne pas commettre les mêmes erreurs que nous. Mais pour l'instant je vais simplement aller me coucher, la soirée à été longue, nous avons fêté dignement le retour du gamin...Demain et ses promesses arriveront bien assez vite.
 
Cordialement,
 
                                                                                                                                                     Arthur Morgan
 
 
 
 
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Quelques autres clichés que je te fais parvenir, c'est pas du travail de professionnel mais il y a deux trois trucs qui valent le coup d'œil...