Pour beaucoup Homeland est LA série dramatique de la saison. Peut être même une des meilleures productions de ces dernières années. J'avais pourtant laisser passer la vague pour me lancer dans la série de Showtime cette semaine. Et autant dire que j'ai été happé par ce thriller d'espionnage d'une rare profondeur et d'une intensité à laquelle Showtime ne nous avait honnêtement pas habitué.

Pour replacer vite fait Homeland dans son contexte, le show raconte le retour à la vie civile de Nicholas Brody, un sergent de l'armée américaine détenu en Irak pendant huit ans. Carrie Matthison, agent de la CIA tout juste revenu elle aussi de Bagdad, est persuadée que ce dernier a été "retourné" par l'ennemi et qu'il prépare une attaque terroriste sur les Etats-Unis.

Homeland joue donc sur de multiples tableaux narratifs tout en gardant une palette de personnages relativement restreinte facilitant la compréhension du tout. La première évidence que nous impose la série est que le monde a changé depuis le 11 Septembre. Jamais réellement abordée de front, cette catastrophe historique a profondément marqué Carrie qui représente à elle-seule l'état psychologique du pays depuis l'attaque. Homeland analyse et dépeint cette paranoïa générale et cette dérive sécuritaire qui touchent autant un système (la CIA) que les personnes qui le compose. Les scénaristes jouent néanmoins avec ces peurs pour construire une intrigue à forte teneur dramatique. On ressort finalement avec des questions plein la tête sur les limites à imposer, même au nom de la lutte contre le terrorisme et de l'intérêt de général. A noter aussi que la série n'est jamais manichéenne. Les méchants ne sont pas toujours ceux que l'on croit et ce refus de désigner le même coupable à chaque fois constribue à cet inconfort issu de l'ignorance de la prochaine surprise à venir.

La famille du Sergent Brody jouera un rôle important dans l'ambivalence du personnage.

Mais l'immense force de Homeland, plus même que cette analyse sociale brillante, ce sont ses personnages. Carrie Matthison et Nick Brody sont bien sûr en tête de liste, mais Saul Berenson, interprété par Mandy Patinkin, mentor de Carrie à la CIA, Jessica Brody, femme du sergent, ou même les enfants de ces derniers sont parfaitement construits et servent tous une partie de l'histoire. Car dans Homeland il y'a aussi une dimension familiale non négligeable mais qui est toutefois moins marquée que dans Hatufim, la série Israëlienne dont celle-ci est adaptée. Brody revient d'Irak après huit années. Huit années durant lesquelle la vie a continué tant bien que mal, poussant finalement sa femme dans les bras de son meilleur ami. Il faut donc s'intégrer, digérer ces changements et retrouver une vie normale avec en plus l'ombre obsédante d'une agente de la CIA persuadée que vous êtes un terroriste. La relation de Brody avec sa famille est tout à la fois émouvante et sert parfaitement la délicieuse ambivalence du personnage.

Car la vraie question posée par cette saison 1 est bel et bien de savoir si ce Marine, considéré comme un héros national, a été récupéré par l'ennemi et prépare une attaque contre son propre pays. S'enclenche alors un jeu de piste brillant, passionnant, obsédant, qui nous emmènera avec les personnages aux frontières de la folie. Car Homeland c'est une construction diabolique, qui va de twist en twist et de fausse piste en fausse piste. L'intelligence des scénaristes a été de nous donner toujours une petite longueur d'avance sur Carrie à propos de Brody pour rajouter à la tension déjà bien présente. On alterne donc entre le passé et le présent pour comprendre petit à petit ce qui s'est passé durant ces huit années. Et jusqu'au bout nous serons autant dans le flou que Carrie. Jusqu'au dénouement ou tout s'éclaircit enfin.

Mandy Patinkin joue à merveille un personnage en retrait et finalement dépassé par l'esprit paranoïaque de l'héroïne.

Alors que la première partie de la saison se concentre sur l'étude quasi obsessionnelle de Brody par Matthison, la seconde moitié ressemble plus à un affrontement psychologique teinté d'ambiguité et de méfiance. Ce face à face fera évidemment des dommages au delà de leurs simples personnes. La famille de Brody va longtemps trinquer de même que Saul, père spirituelle de Carrie, qui aura de plus en plus de mal à couvrir et à suivre sa protégée. La série se dévore goulûmant tant le suspens est savamment distillé et enchaine les surprises avec brio. Il y'a une maitrise scénaristique au cours de cette saison qui laisse admiratif. 

Il faut aussi saluer les performances remarquables des acteurs, Claire Danes en tête qui incarne cette agente paranoïaque avec génie tout au long de son évolution. Damian Lewis, tout en ambivalence, est lui tantôt terrifiant, tantôt attachant et nous berne autant que le reste du monde. Mandy Patinkin joue aussi à merveille les figure paternelle protectrice et finalement dépasée par les agisemments de son poulin. Son personnage est aussi celui qui permet d'aborder le destin de ces Hommes courageux qui donne tout pour leur boulot et la protection d'autrui. Souvent au détriment de leurs familles et de leurs vies privées. 

Cette première saison de Homeland se vit donc comme un long film, brillamment écrit, bourré de suspens et grisant dans sa façon de brouiller les pistes. On est aussi confiant pour la suite vu la fin de la saison et tout ce passé, surtout celui de Carrie, qui reste à explorer. Homeland est définitivement la meilleure nouveauté de 2011 et un grand drama. Un indispensable pour ceux qui aiment le frisson.