Dernière semaine avant la Beta. Bizarrement, pas de panique. Je ressens plutôt une certaine sérénité dans l'équipe. Tout le monde est appliqué et concentré. Le nombre de bugs Beta Failure tombe à vue d'œil. L'équipe a fixé une quantité de bugs impressionnante (jusqu'à 150/jour cette dernière semaine, plus de 600 depuis la dernière build). Il doit rester une trentaine de bugs à fixer pour la Beta. On devrait y arriver...
On a beau avoir une certaine expérience, il arrive toujours des choses stupides. Ce matin, un appel paniqué du bureau la veille de la Beta : il n'y a plus d'électricité. Pas simple de livrer une build sans courant.
Renseignement pris, l'électricien qui devait venir la semaine dernière réparer un interrupteur défaillant a finalement décidé de venir le jour de la Beta sans prévenir personne. Il s'est mis au travail dans la joie et l'allégresse avant que qui que ce soit n'ait le temps de l'intercepter. Il a donc démonté l'interrupteur, retiré un câble jusqu'au tableau électrique et changé le disjoncteur de l'éclairage. Tout le travail étant fait (et la lumière éteinte depuis le matin), je suis suffisamment stupide pour le laisser rallumer, pensant qu'au pire seul le disjoncteur de l'éclairage sauterait. Grave erreur. Au moment de rallumer, c'est l'électricité de tout Quantic qui saute.
Panique générale, check des serveurs (qui sont heureusement sur onduleurs), vérification et changement du disjoncteur du tableau général qui a mal vécu l'aventure, quelques PC en scan disk au moment de relancer. Après quelques tests malheureux, je propose au sympathique électricien de revenir un autre jour avant que l'équipe ne l'égorge. On termine donc la Beta dans le noir, la lumière n'ayant pas pu être rallumée (je dois avouer que j'étais peu motivé pour les expérimentations électriques...).
Drôles d'ambiance donc, une Beta à la chandelle. Pas désagréable, lumière tamisée, atmosphère romantique.
Début du téléchargement à 23h57, avec trois minutes d'avance donc sur la date officielle de livraison de la Beta (quel professionnalisme ;-)
Avec Charles, nous décidons de laisser quelques jours de repos à l'équipe en attendant les retours du QA de Sony sur la build. Je sens l'équipe exténuée et il nous faudra toute notre énergie et notre lucidité pour aller jusqu'au Master.
Quantic est donc quasiment désert pendant les deux jours qui suivent. J'en profite pour refilmer tranquillement certaines scènes qui me tiennent à cœur et préparer la suite. Je sais que je dois maintenant recentrer toute l'équipe sur les reviews et les améliorations qui vont faire passer un cap au jeu. J'ai fait aménager ces derniers jours une salle de review improvisée sur le plateau MoCap, avec un projecteur, un système 5.1 et un canapé. Ca va permettre de regarder le jeu avec une image de trois mètres sur deux. Pas indispensable, mais confortable. A l'étage, une deuxième salle de review est en place depuis plusieurs mois, ainsi qu'une station par département. Le plus difficile maintenant va être de structurer les reviews et éviter l'anarchie des initiatives individuelles...
Je commence à me conforter dans l'idée que je dois être maintenant « control freak », ce que j'ai évité d'être jusqu'à maintenant pour laisser un maximum d'espace à l'équipe. Le travail qui reste à faire maintenant est précis et doit être strictement coordonné pour donner une cohérence globale à la DA.
J'ai une idée sur la manière de m'y prendre, mais le timing va être serré. Il faut que je donne des indications précises à cent personnes. Je commence à me dire que tout ce qu'on a fait jusqu'à présent était simple. Le vrai challenge commence maintenant.
Je décide de ne pas travailler ce week-end (le premier depuis longtemps) pour essayer d'avoir les idées claires lundi. Avec l'expérience, on apprend que la lucidité est la chose la plus importante sur une fin de développement. Il va falloir garder la tête froide dans les semaines qui viennent.
Rien à voir : j'ai vu la fin de la dernière saison de Battlestar Galactica hier soir. Ca aura vraiment été une des séries les plus intéressantes de ces dernières années, une série qui aura eu le courage et l'intelligence d'avoir une fin. Des personnages surprenants, une histoire sortant des sentiers battus de la SF à la TV, une mise en scène inspirante (certaines scènes de HR y font d'ailleurs référence...). Bref, si vous ne connaissez pas, jetez-vous dessus.