Il y a un an, j’avais chroniqué un petit bouquin très chouette qui versait dans le porno gore intitulé « Dirty Sexy Valley », un roman d’Olivier Bruneau qui faisait la part belle aux incisions sadiques et aux éjaculations joyeuses.
Versant nettement moins dans les geysers de sang et les parties de jambes en l’air, le bouquin dont il est question ici, s’il n’appartient pas tout à fait au même registre, a, je trouve, des qualités un peu similaires. Il s’agit de VNR de Laurent Chalumeau.
Alors Laurent Chalumeau, je ne connaissais pas, mais je suis tout à fait capable de feindre être un type érudit récitant une fiche Wikipedia. Donc je me lance.
La légende raconte qu’à l’origine, Laurent Chalumeau s’appelait Maurice. Son meilleur ami, Eugène, jeune dislexique qui chuintait légèrement, usait d’un diminutif pour le saluer tous les matins, lorsqu’il passait le prendre pour se rendre à l’école. « Chalut Mau ! » qu’il disait alors. Cette expression ayant supplanté l’identité originelle de Maurice, ses parents décidèrent de l’affubler d’un nouveau prénom. Laurent était un blase comme un autre, ils optèrent pour celui-ci, et c’est ainsi que Laurent Chalumeau est né.
Mais Wikipedia ne nous raconte pas cela, il se contente de nous dire que Laurent Chalumeau est journaliste à Rock n’ Folk et qu’il est également scénariste. Il pondait notamment les textes de De Caunes quand celui-ci officiait à Nulle Part Ailleurs. Il a par ailleurs publié des romans demeurés parfaitement inconnus par votre serviteur.
Voici l’auteur présenté, passons au bouquin !
VNR, de Laurent Chalumeau (titre + noms d’auteurs qui, pour le coup, portent bien leur nom, vous allez voir) est un roman en trois parties dans lequel le narrateur a littéralement pété un plomb façon Disiz La Peste ou « Chute libre », avec Mickael Douglas. Sans emploi, quitté par sa femme, méprisé par ses enfants, le bonhomme en question n’a plus rien à perdre. Et quand on n’a plus rien à perdre, eh bah on n’a plus rien à perdre. Donc, ce type a un peu les nerfs. Il avait une vie plutôt standard mais qui lui allait bien : un boulot pas dingue mais qui payait les factures, une femme un peu salace qui lui donnait pleinement satisfaction au pieu. Bref, une vie normale, comme dirait notre ancien président. Oui, mais alors tout ça, ça a volé en éclat très vite, puisqu’en un temps record, il a perdu son job et son zob, en un sens, puisque sa femme et toutes les cochonneries qu’elle daignait lui prodiguer se sont fait la malle. Ajouté à cela le cadre familial qui vole en éclat, bref rien ne va plus.
Alors le type, il a beau être de bonne composition, il est quand même un peu remonté. Donc, il décide de se venger. Se venger, c’est bien beau, mais contre qui, contre quoi ? Vu qu’il y a tout un maillage de choses qui font défaut au bien être de ce bonhomme et que c’est toute une galerie de personnages qui est responsable de sa situation, il va choisir avec méticulosité trois des acteurs majeurs auxquels il doit son désarroi, à savoir l’ancien boss de sa femme qui harcelait cette dernière, l’homme politique qui a fanfaronné et est demeuré impuissant face à la délocalisation de l’entreprise pour laquelle il bossait, puis la psy de sa femme qui a monté celle-ci, volontairement ou non, contre son mari et l’a amené à le quitter.
La force première de ce livre, c’est son ton. On est là dans un langage parlé, ce qui en soi n’a rien de bien « disruptif » comme on dit en 2018, mais ce langage ne manque pas de panache. Et du panache, il en faut pour ce type de narration, car dans les livres dans lesquels on écrit comme on parle, on finit, souvent par se lasser assez vite. On remarquera que ceux qui se livrent à ce type de roman ont au moins le bon goût de faire des choses courtes. Et c’est d’ailleurs le cas ici puisque le livre fait 170 pages environ. Donc pas mal d’énergie dans ce texte, avec des erreurs syntaxiques qui rendent le propos d’autant plus convaincant. En revanche, j’ai débusqué quelques fautes d’orthographes qui, elles, m’ont semblées moins volontaires, enfin passons.
L’intérêt principal de ce roman réside dans le système narratif mise en place, le narrateur, bourreau, s’adresse à ses victime, et par la force des choses, de façon directe au lecteur. Le lecteur en viendrait presque à ressentir la dureté de la chaise sur laquelle il est assis, le baillon qu’il mâchonne et les entraves qui l’empêchent de bouger. Mais il n’en est rien car le lecteur jouit de sa liberté et il jouit du mauvais sort qui attend chacune des victimes. Le lecteur savoure avec sadisme cette distance, trop heureux de ne pas être à la place de celui qui va manger…
Se venger, c’est bien beau, mais de quelle façon ? Me direz-vous. Eh bien de la plus efficace qu’il soit, à savoir en kidnappant les personnes choisies et en les torturant jusqu’à ce que mort s’en suive. Beau programme. Le narrateur a toutefois la politesse de leur expliquer pourquoi il fait cela et comment il en est arrivé là. Ainsi, à travers les trois monologues qu’il sert à chacune de ses victimes, on suit les étapes de sa douce descente aux enfers qui, dans sa bouche, est plus désopilante que sinistre.
Une lecture qui se fait de façon aussi plaisante qu’expéditive, un remède tout indiqué pour ceux qui se trouvent dans une période de je m’en foutisme littéraire en mode « je préfère allumer mon Netflix en rentrant du taf que d’ouvrir un bouquin ». Bon, bah si jamais t’as envie de te replonger dans un truc poilant et un peu sadique, prends donc ça copain, Chalumeau saura te réchauffer le cœur !