Sorti il y a maintenant
deux moins dans l'archipel nippon,
End of Eternity nous arrive avec un titre ironiquement aussi évocateur de Resonance of fate. Si le jeu de rôle à la japonaise laisse
dubitatif à bien des égards ces temps-ci, force est de constater que Sega nous propose ici un titre original
et plein de promesses.

 

By the rivers of Basylon

Firme de renom avec la création de licences comme Star
Océan
ou Valkyrie Profile, Tri-Acepeine à convaincre sur console HD. Après une première tentative non exempte de
défauts mais prometteuse qu'était Infinite
Undiscovery
, le développeur japonais a fini de sombrer en sortant un Star Océan : The last hope très
décevant. Depuis Tri-Ace a quitté Square Enix pour rejoindre la bannière
de Sega. Il est vrai que l'ancien
constructeur de console est reconnu dernièrement pour ses projets originaux
comme Mad World ou encore Bayonetta. Tri-Ace fait donc peau neuve et nous présente un jeu qui n'hésite
pas à assumer son indépendance vis-à-vis du reste de la production de J-RPG.

Resonance of Fate vous plonge dans un monde futuriste
où mer et verdures ne sont pas vraiment légion. L'humanité a, en effet,
emménagé dans une immense tour baptisée Basel. Référence pleinement assumée à
la Génèse, ce sont les machines qui
ont pris lieu et place de Dieu. Cette Tour se décompose en plusieurs étages qui
renvoient aux diverses strates sociales de la population. Au sommet, le Chandelier
est habité par les nantis, et à sa tête, un pouvoir théocratique qui tient le
peuple d'une main... tout à fait banale.

Vous incarnez trois jeunes chasseurs de prime. Vashyron,
Zephyr et Leanne n'en ont pas l'air, mais ce sont de vrais excités de la gâchette.
Dès le début, vous êtes plongés dans le bain et faites ce pour quoi vous êtes
payé : des missions. Ce système de missions, désormais bien connu des
joueurs de Final Fantasy (Final Fantasy XIIet XIII), ne se résume cependant pas
à aller tuer des créatures étranges pour des raisons plus ou moins valables.
Ici, l'équipe que vous dirigez s'astreindra également à des travaux de
livraison ou de recherche.

Il vous faudra d'ailleurs combattre des ennemis par nombre
afin de réquisitionner des cellules énergétiques. Ce sont ces cellules
énergétiques qui permettront au joueur de déverrouiller le reste de la map. Cette
dernière se présente en effet comme une sorte de damier avec ses subtilités
propres. Il faudra user d'habileté et surtout de parcimonie afin de ne pas être
bloqué, surtout en tout début de jeu.

 

Tactical Gunfights

 Véritable idée
originale, le système de combat rompt avec tout ce qui était connu jusqu'aujourd'hui.
Ici, point d'épée, lance ou arc. Les joutes sont uniquement effectuées avec des
armes à feu. Tour à tour, nos protagonistes pourront défourailler en courant et
bondissant allègrement au rythme des déflagrations. Si, dit comme ça, ces
affrontements à la John Woo peuvent paraître enchanteurs, il n'en est rien. La
difficulté de ROF est un élément à
ne pas négliger. Car, J-RPG oblige, la stratégie tient là une place prépondérante.
Il sera d'ailleurs chaudement conseillé au joueur d'aller à l'arène se
familiariser avec le système de combat. Car celui-ci est assez complexe, et,
contrairement à un Final Fantasy XIII,
le jeu ne vous tient pas la main tout au long de votre aventure en vous
proposant des tutoriaux ponctuels. Ici, le joueur est indépendant. S'il ne veut
rien connaître des subtilités du système de combat, libre à lui de s'empaler
sur les premiers chiens errants rencontrés. Les sessions dans l'arène
permettront également au joueur d'effectuer le traditionnel level-up qui se
révèle toutefois assez peu instructif.

Ces combats à base de gros calibres fonctionnent donc au tour
par tour. Lorsque le joueur aura ciblé son adversaire, une jauge en forme de
réticule va se remplir progressivement. Ainsi, c'est au joueur d'anticiper les
déplacements de son adversaire. Il lui sera notamment possible de se mettre à
couvert et de prendre son adversaire à revers. Subtilité du gameplay oblige, le
bestiaire regorge d'ennemis aux failles particulières : le point faible de
celui-ci est dans le dos, celui-là encaisse très mal les balles incendiaires...

Il existe deux sortes de dégâts principaux: les dégâts
directs (pistolets) et les dégâts indirects (appelés points de blessure)
infligés, eux, par le pistolet mitrailleur de Zephyr. Ces points de blessures  ne sont pas effectifs tant qu'ils n'ont pas
été 'validés', en quelques sortes, par des dégâts directs. Par exemple, si on a
lancé une attaque qui a coûté 50 points de blessure à un adversaire, il faudra
infliger des dégâts directs, par exemples de 10 points, ce qui portera le total
de dégâts à l'adversaire de 60 point. C'est sur l'alternance de ces deux sortes
d'attaques qu'il faudra jouer avec rigueur tout au long du jeu, sans compter
les éléments externes qui peuvent entrer en jeu, comme le froid qui, au fil du
temps, réduira les points de blessure à néant si l'on n'a pas attaqué avec des
balles incendiaires.

 

Victime de la mode?

Coté évolution, le jeu fait la part belle à l'armement. Si
les personnages gagnent en XP (notamment au niveau des PV), ce sont
principalement les calibres qui vont jouir de divers perfectionnement :
ajout d'un plus gros canon ou chargeur, d'un viseur, utilisation de munitions
élémentaires, etc.  Côté vestimentaire,
le joueur aura tout le loisir de faire du shopping et revêtir les protagonistes
des fripes de son goût. D'autre part, lunettes, bombes pour les cheveux,
lentilles, Tri-Ace semble avoir mis le paquet pour satisfaire les joueurs les
plus enclins à rendre leurs personnages stylés... ou ridicules.

Esthétiquement, le jeu peut diviser. A l'heure d'un Final Fantasy XIII, Resonance of Fate ne brille pas
particulièrement par sa qualité graphique. Du reste, le propos du jeu est tout
autre. Il n'abonde pas de cinématiques comme dans nombre de RPG. L'action prime
sur le reste. On notera cependant qu'il jouit d'un univers à fort caractère et
au design très élaboré. Si l'on peut trouver une certaine fadeur aux héros, ces
derniers ont au moins le mérite de pratiquer un second degré exempt de
niaiserie. Ce qui ne sera pas pour déplaire aux amateurs du genre. Quelques
scènes auront carrément le don de déconcerter le joueur. Par exemple, Vashyron
perdra ses moyens face à la plastique d'un des cardinaux, y allant carrément de
ses allusions intérieurs grivoises à base de « Attends-toi à bientôt voir
mon gros calibre, poupée ! ». Niveau subtilité, on aura vu mieux,
mais un humour aussi audacieux est assez rare pour être relevé, surtout dans le
domaine du J-RPG.  Paradoxalement, on
décèlera quelques instants de poésie, discrètement glissés. Et les personnages
qui paraissent si fades au niveau de l'aventure gagnent en profondeur au fil
des heures.

Les environnements, pour leur part, sont assez beaux et
fourmillent souvent de détails. De nombreux rouages font parfois office de
trame de fond et force est de constater que ces animations, si anodines
puissent-elles paraître, donnent tout un cachet au jeu. Cependant, les donjons,
pour leur part ne sont pas les plus soignés, ce qui est dommage puisqu'on
passera bien plus de temps entre leurs murs que dans certains autres lieux peut-être
plus pittoresques et charmants, mais vides de quêtes.

 

Sans concession

Il sera également reproché au jeu son teint grisâtre
indéniable. C'est une véritable épreuve d'entrer dans ce monde si terne.
Paradoxalement, c'est de nuit que les environnements sont les mieux colorés, avec
des teints plus chatoyants. Autre ombre au tableau : la narration. On ne
sait rien ou presque de l'histoire et du monde dans lequel on est plongé en
début d'aventure. Les informations sont données au compte-goutte et il faudra
bien plusieurs heures avant de vraiment savoir 'de quoi qu'on cause'.

A ce titre, la durée de vie du jeu est assez importante. Une
centaine d'heure ne sera pas de trop si on veut parvenir à bout du jeu et de
toutes ses quêtes annexes... que l'on devra faire si on veut évoluer
correctement. Car la difficulté de ce jeu est assez légendaire. Il n'est pas
rare de se lancer dans un donjon dont on aura sous-estimé la difficulté. Dès
lors on continuera, fier des prouesses accomplies... jusqu'à ce que le boss de
fin de niveau nous achève en moins de temps qu'il ne faut à Zemmour pour dire
deux conneries d'affilée. Dès lors, on perd du temps. Beaucoup de temps. Et de
l'envie, aussi.

Au niveau des ambiances sonores, Resonance of Fate est une vraie réussite. Certains airs font même
penser à Dragon Quest : l'Odyssée
du Roi Maudit
. Si ces musiques sont un enchantement lors des phases
d'explorations, elles changent de ton lors dans les donjons et les phases d'action.
Plus angoissantes, certains thèmes, notamment lorsque l'équipe subit un état de
choc, rendent carrément nerveux. On saluera donc les deux compositeurs responsable
de ces compositions très diverses : Motoï Sakuraba et Kouhei Tanaka.

 

Finalement, Resonance of Fate se révèle être une
semi-réussite en tant que J-RPG, mais le renouveau est là et on ne peut que
saluer les risques qui ont été pris. Seulement, outre un design terne, des
graphismes moyens et des personnages peu attachants, le jeu pêche par sa
difficulté sans concession. Il se présente comme un diamant non taillé, brut,
et saura dégoûter les joueurs les moins chevronnés. En revanche, les amateurs
de défis trouveront ici leur compte, avec une fable pleine d'humour et d'originalité.
Mais l'audace a ses limites et, on peut le dire, sortir
Resonance of Fate moins de trois semaines après Final
Fantasy XIII relève carrément de la
témérité.