Jeudi nous serons le 31 juillet 2014 et Louis De Funès aurait fêté ses 100 ans s'il faisait encore partie de notre monde. Pour marquer cet évènement, je copie ici un article fait par mon père pour l'occasion dans le journal La Dépêche Du Midi, un quotidien de ma région et plus généralement du Sud-Ouest.

Le lien de l'article pour débuter

"Bouffonnerie fascinante, miracle volubile, mystère artistique, «fulminance» saugrenue, infatigable lien entre générations, la réjouissante étrangeté de Funès continue d'impacter les esprits tout en ralliant aujourd'hui les élites moqueuses d'hier. On peut être irrité par ce burlesque suffoquant, ce jeu stroboscopique, ce protagoniste-ricochet, mais il faut bien se poser la question : pourquoi a-t-il résisté à l'impitoyable corrosion du temps quand Pierre Etaix est oublié, Jacques Tati estompé... Quand Charlot, Laurel et Hardy ou Buster Keaton ne touchent plus guère les impitoyables enfants du monde moderne. Les rediffusions massives à la télévision ? Possible mais c'est un peu court...

Entre Guignol, Picsou, Polichinelle et Pantalone

Il y a un étrange charisme chez de Funès qui attire les âmes juvéniles, un charme magnétique dans ce personnage formidablement exaspérant derrière son imparable mécanique, sublimant les petitesses humaines (veulerie, fourberie, hypocrisie, obséquiosité) dans un contexte sociologique propice aux caricatures cathartiques. Entre Guignol, Picsou, Polichinelle et Pantalone (les plus jeunes réagissent au premier, les plus âgés aux trois autres) passant imparablement de la pirouette loufoque au burlesque bafouillant, il s'échine frénétiquement sur le fil grossier d'une mauvaise foi jubilatoire et provoque un rire libérateur.

Il y a ce rythme aussi... Le plus difficile à maintenir à l'écran. Il y excelle... Tout comme dans le mime... Des prodiges d'imagination et de précision.

Il n'était ni acteur, ni comédien, il était personnage. Personnage unique et multiple. Venu au cinéma pour échapper à la précarité et «faire bouillir la marmite», il fut un stakhanoviste créatif de la figuration avant de devenir inventeur de rimes gestuelles.

Les petits rôles frustrants puis, plus tard, les scénarios répétitifs, les mises en scène bâclées, tout cela ne compte pas. Louis de Funès emporte tout ! Il suffit de deux-trois scènes.

Quelques paillettes d'or

Afin de goûter avec gourmandise au comique funésien, il faut sortir des incontournables «rouleaux compresseurs», des «Gendarmes» à «Rabbi Jacob», et se rapprocher de la source afin de retrouver quelques paillettes d'or dans certains films d'«avant-gloire» : les interventions surréalistes du voisin bricoleur de «Papa, maman, la bonne et moi» (1954) qui empêche Fernand Ledoux de conserver son sérieux même lorsque la caméra «tourne», la générosité effervescente du braconnier Blaireau dans «Ni vu, ni connu» (1958), ponctuée d'une partie de pêche légendaire, les «adieux» inoubliables de l'inspecteur Viralot dans «la belle américaine» (1961), les aphorismes délicieusement cyniques du patron de «Carambolages» (1963), les mimiques impayables du «gargotier» Ripeux victime enthousiaste mais cardiaque, du «gentleman d'Epsom» (1962) et par-dessus tout, une friandise, un fleuron oublié, qui constitue pourtant l'une de ses prestations les plus étonnamment abouties : celle, atypique dans sa galerie, d'un petit assureur au grand cœur (?) et naïf (?) qui voit sa petite demeure bourgeoise se transformer insensiblement en maison close dans le 3e sketch des «Bons vivants» (1965). Désopilant.

Le tempo dans la peau

Et ses danses donc ! Le tempo dans la peau ! On évoque sans cesse la chorégraphie de «Rabbi Jacob», brillante bien sûr, mais prenez donc la peine de voir, ou de revoir, son étourdissant numéro de flamenco dans «Taxi, roulotte et corrida» (1958) !

Louis de Funès a probablement atteint son apogée «créatrice» lors de la décennie 1957-67 qui fut celle de sa montée au firmament, lorsqu'il ne cherchait pas encore à systématiser ses belles recettes. «Pouic-Pouic» (1963) et «Oscar» (1967), notamment, condensent et canalisent, en une parfaite machinerie boulevardière, la talentueuse énergie du phénomène grâce à laquelle il a marqué les foules et sur laquelle il a capitalisé... Jusqu'à cette première alerte cardiaque (1975) soufflant la flamme qui brûlait en lui (il n'a plus jamais été le même)... Jusqu'à cette seconde attaque (1983) qui, pour lui, «éteignit le monde» selon la belle formule de Jules Renard dans son «Journal»... Le livre de chevet de Louis de Funès.


L'Homme et ses fêlures

L'homme ? Il avait enfoui profondément ses fêlures (père instable ; mère psychorigide, difficultés à se «socialiser» avant de trouver une forme d'apaisement auprès d'un «chêne» omnipotent, sa seconde épouse), tentait de surmonter certains complexes et se protégeait d'un monde extérieur de plus en plus rédouté au fil des années, par un mélange de réserve, de morale et de pudeur qu'il avait beaucoup de mal à percer lors de ses apparitions publiques ou ses interviews télévisés. Mais dans son regard bleu, que de malice à peine contenue...

La notoriété lui importait peu, les mondanités le rebutait. Il ne désirait qu'assurer le confort de son foyer inscrit dans une vie «normale». Mais son autre moi, celui de la scène et des plateaux, insatiable, n'a pas eu pitié d'un cœur un peu fou.


L'acteur en neuf dates

-14 juillet 1914 : naissance à Courbevoie à 1 heure du matin. -13 mars 1946 : première apparition au cinéma dans «La tentation de Barbizon». -26 octobre 1956 : premier rôle marquant dans «La traversée de Paris». -23 août 1957.= : premier rôle en vedette dans «Comme un cheveu sur la soupe». -11 septembre 1964 : «Le Gendarme de Saint-Tropez» qui le fait accéder à la notoriété. -25 mars 1965 : «Le Corniaud» film grâce auquel il accède au vedettariat. -7 décembre 1966 : «La Grande Vadrouille», son plus grand succès (17,2 millions d'entrées). -6 octobre 1982 : «Le Gendarme et les Gendarmettes» son dernier film. -27 janvier 1983 : décès, vers 20 h 30, à l'hôpital de Nantes suite à un deuxième malaise cardiaque huit ans après le premier."

Mes 5 films préférés sont :

- Oscar / Hibernatus / Le Corniaud / Le Gendarme de Saint Tropez / Rabbi Jacob.

Et vous, quels sont vos films favoris avec Louis De Funès ?