Hier soir France 4 diffusait un reportage fort intéressant dédié à la musique dite 8-Bits, et plus particulièrement aux hommes et aux femmes derrière, ces musiciens d’un nouveau genre. Oui mais la 8-Bits musique, qu’est-ce donc?
Le reportage est disponible en Replay pendant 6 jours, vous pouvez le visionner ici
Une salle de concert pleine à craquer, une foule quasiment en transe. Derrière les platines et les consoles de mixage un homme attrape une Gameboy tel un instrument de musique et en sort des sons et une musique quasi primitive et hypnotique. Faisant danser les foules avec ces sons désuets et emplein de nostalgie, ces artistes nous expliquent les bases de leur art. Ils se servent tout simplement des sons émis par les puces électroniques des anciens ordinateurs et consoles de notre enfance : Amstrad, Comodore, Atari, Nes et surtout la sacro sainte Gameboy. En effet, et j’en ai été le 1er surpris, les sons si caractéristiques de cette musique ne sont pas émis par des ordinateurs actuels sur lesquels les sons de nos vielles consoles auraient été samplés, mais bel et bien par les puces d’origine détournées de leur usage premier. Si l’aspect technique est ici survolé, et certainement bien compliqué, il permet tout de même de se faire une idée de la chose et d’être tout simplement admiratif de ces génies de l’électronique et de du bricolage. Ils préfèrent d’ailleurs parler de Chip Music (Musique des puces) ou de Chiptune que de 8-Bits musique.
Ce qui lie les artistes et leurs auditeurs semble bien être la nostalgie relative à ces objets qui nous ont rendus heureux dans notre enfance, expliquant pourquoi certaines générations précédentes sont finalement quasi-hermétiques à ce genre musical, même si cela tend à se démocratiser comme le dit l’un des intervenant du reportage, qui explique des jeunes de 16-18 ans viennent à ces concerts et adore ce son alors même qu’ils ne l’ont pas connu enfant.
Le reportage est particulièrement intéressant dans la mesure où il brise le lien entre le jeux vidéo et la ChipMusic. Bien évidemment les deux ont été intrinsèquement lié dans les années 80, mais sont désormais parfaitement indépendant, et les artistes de ChipTune ne travaillent pas forcément sur des OST de jeux vidéo. Mais l’esthétique et la culture dite «geek» perdure chez certains d’entre eux. Mais les autres vont bien au-delà.
En effet, pour se donner une crédibilité, recherchée pour être pris au sérieux, les créateurs de Chiptune vivent leur mouvement et leur art comme un nouveau mouvement Punk, et dès lors ils se dotent d’un message politique qui semble évident au vu du matériau premier de leur musique : dénoncer la société de consommation, l'obsolescence programmée, prôner le recyclage etc... bref s’inscrire en quelque sorte dans un mouvement post capitaliste. Si ces revendications sont peut-être fondées, elles paraissent peu crédibles dans ce reportage qui en 50mn parvient à s’égarer parfois, voulant trop en dire/montrer, quitte à être décousu à certains moments.
Le reportage nous montre ici une scène ultra underground, alors que les intervenants eux-même parlent d’une démocratisation de la chiptune musique. Assez paradoxal, il est dommage de ne pas voir ici des artistes tel que Disasterpeace (qui a entre autre composé la bande son de Fez, que vous pouvez écouter ici) et Jasper Byrne qui justement offrent une accessibilité et une musique bien plus tournée vers le grand publique, tout en démontrant d’immenses talents de compositeurs depuis des années.
La scène underground montrée ici amène à se questionner sur la pertinence de certaines démarches artistiques et concerts dans lequel l’artiste fini complètement à poil en se trémoussant dans tout les sens, une Gameboy à la main alors même que ces même artistes disent rechercher une plus grande crédibilité artistique qu’ils n’avaient pas au début (on les voit regretter d’avoir fait un concert dans une émission de télé recouvert intégralement de feuilles de laitue par ex). Paradoxal ,mais il s’agit juste là de l’aspect humain, et cela ne remet absolument pas en cause la qualité de cette musique juste fabuleuse.
Ce qui est particulièrement juste est le fait que le reportage nous dise et nous montre que la Chip Musique n’est pas un genre en tant que tel, mais plus une façon de faire, puisque l’on peut retrouver des morceaux électro ultra hardcore, tout comme des choses bien plus mélodieuses, posées, voir même aux accents pop-rock (je pense ici à l’incroyable OST de Scott Pilgrim le jeu, composée par le groupe New Yorkais Anamanaguchi). En plus de regarder le reportage, je ne peux que vous inviter à écouter l’intégralité des OST mentionnées dans cet article, notamment celle de Hotline Miami, véritable compilation d’artistes talentueux dans ce domaine.
Un reportage particulièrement instructif donc, avec un certain nombre de défauts (le principal étant de ne pas présenter les intervenants!) mais qui a le mérite de proposer une porte d’entrée sur cette musique que j’affectionne particulièrement. Assez nerveux, il faut cependant savoir faire l’impasse sur les réflexions approximatives et presque opportunistes concernant l’obsolescence programmée et cette nouvelle culture punk.
Vous pouvez retrouver cet article et de nombreux autres sur mon blog : Culture Peb