Lorsque le magazine américain Game Informer révèle en exclusivité les détails liminaires, concernant Grand Theft Auto V, s'ensuivent une déferlante, un hourvari infernal, un maelström collectif.
Afin de démêler le vrai du faux, je vous propose une traduction complète et fidèle de l'article originel. (Parce qu'entre nous, les retranscriptions approximatives qui circulent sur Internet sucks.)
Bonne lecture !
P.-S. Je vous rappelle que traduire (et bien) relève d'un travail de longue haleine. J'ai consacré 3 semaines à disséquer le texte original et essayer d'en extraire le sens originel : passage par la case dictionnaire, relecture, correction, mise en page. J'espère que vous apprécierez le matériel ci-dessous en sachant que vous ne le trouverez nulle part ailleurs. Enfin, à ce que je sache !
Grand Theft Auto V : ça passe ou ça casse
Avec Grand Theft Auto V, Rockstar Games redéfinit en profondeur sa stratégie.
Plateformes : PlayStation 3, Xbox 360.
Genre : Jeu d'action-aventure en solo (un mode multijoueurs, bientôt annoncé).
Éditeur : Rockstar Games.
Développeur : Rockstar North.
Sortie : Printemps 2013.
Il n'est pas facile de rester maître en son domaine. Lorsque certains jeux vidéo deviennent des franchises multimillionnaires, la réaction habituelle d'un éditeur est de conserver la formule originelle afin de tirer au maximum profit de sa poule aux œufs d'or. Dès lors, les innovations, initiées par l'équipe créative, laissent la place à des décisions mineures, calculées, résultats de longues heures de recherche et d'études marketing. Les ajouts d'une version à une autre deviennent prévisibles. Autoriser l'utilisation simultanée de deux armes ; introduire un mode coopératif. Et puis, après tout, pourquoi ne pas investir dans un mode multijoueurs ?
La sortie en 2001 de Grand Theft Auto III permet aux joueurs de goûter aux joies du monde ouvert et des possibilités en matière de jouabilité qu'il implique. Rockstar Games annonce déjà la couleur : faire des blockbusters sa spécialité. Et vu qu'une bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée, la société mère Take-Two Interactive n'intervient pas dans le processus créatif, donnant libre cours à l'imagination de ses équipes (peu importe l'avis des analystes financiers). L'approche a porté généreusement ses fruits. Pour preuve, à ce jour, Grand Theft Auto IV, le dernier-né de la série phare, s'est écoulée à plus de 25 millions d'exemplaires et se hisse en tête du classement Metacritic des meilleurs jeux de tous les temps avec une note de 98 sur 100. Un score honorable, reposant, rappelons-le, sur quelque 80 critiques différentes.
Objet de tous les regards, Rockstar ne semble guère jouer la carte de la prudence à travers les études de marché ou l'organisation de tests consommateurs. Désireux de dépasser les espérances de ses fervents admirateurs, repousser les limites artistiques ainsi que les fondements du game design jusqu'ici connus, le studio saisit une opportunité en or, nonobstant de ce fait les difficultés techniques, les coûts élevés et les procédures dilatoires intrinsèques.
Grand Theft Auto V bafoue les traditions, repart de zéro, en vue de renouveler des mécaniques de jeu vieillissantes et apporter du sang neuf à l'ensemble. Le titre dispose de l'univers le plus immense que la saga ait jamais connu, et d'une technologie inédite, en passe de marquer les esprits. Pourquoi incarner un unique protagoniste quand vous pouvez alterner entre trois, pratiquement à tout instant ?
Vers de nouvelles perspectives
Étrangement, les héros des jeux « bac à sable » estampillés Rockstar sont assez représentatifs des avancées vidéoludiques en narration. Se cantonnant d'abord aux sous-titres, les jeux en vue du dessus voient l'arrivée de la 3D. Grand Theft Auto III, la première tentative du studio, introduit Claude, le personnage principal, au demeurant, taciturne et fort peu loquace, alors que le reste de la distribution bénéficie d'un doublage intégral. Vice City et San Andreas, quant à eux, posent les bases de l'antihéros avec Tommy Vercetti et CJ dont la représentation caricaturale, la voix et la personnalité haute en couleur reflètent leur époque historique respective. À l'aube de la haute définition, Rockstar s'oriente vers des protagonistes plus nuancés, plus réalistes, livrés à une lutte morale, psychologique contre eux-mêmes : entre autres, Niko Bellic (Grand Theft Auto IV) et John Marston (Red Dead Redemption).
Mais, à mesure que le terrain de jeu s'est élargi et les activités annexes se sont multipliées, Rockstar s'est heurté au problème de la cohérence interne. Comment épouser les habitudes et les comportements de chaque joueur ? Si dans une cinématique, Niko se retrouve plongé contre son gré dans le crime et, les secondes suivantes, le joueur s'amuse à tirer au lance-roquettes sur des passants au beau milieu de la rue, il y a un conflit entre le désir du joueur et la volonté de lui imposer une intrigue et des personnages. Au moment d'élaborer Grand Theft Auto V, Rockstar a décidé de se pencher sérieusement sur la question.
« Nous apprécions Niko, il correspond à l'idée qu'on se fait d'un bon personnage principal dans un jeu. », raconte Dan Houser, le coprésident de Rockstar Games. « À l'époque, nous craignions toujours qu'un western se solde par un cuisant échec, mais nous pensions pouvoir surprendre avec un acteur, doté d'une nature forte, qui suscite votre empathie. Après ces deux jeux, il nous paraissait donc nécessaire d'adopter une autre approche, d'où le principe des trois personnages jouables. »
Episodes from Liberty City nous a démontré les avantages d'un tel procédé, lequel consiste à varier les points de vue du joueur. Sillonner les rues d'Alderney dans la peau de Johnny Klebitz, membre d'un gang de motards, aux commandes d'un chopper n'est pas la même chose qu'incarner, Luis Lopez dont les festivités sont la principale source de revenus, ni Niko Bellic, un immigrant désireux de se faire un nom aux États-Unis. La ville, personnage à part entière dans n'importe quel Grand Theft Auto, revêt une dimension d'autant plus symbolique, avec l'appui de trois intrigues sur des milliers potentielles.
L'idée des trois personnages jouables, malgré les contraintes techniques, s'est rapidement présentée comme une évidence à Rockstar. Faute de suivre un schéma épisodique au rythme de cinq missions par protagoniste, pourquoi ne pas alterner constamment entre eux ? Bien que la réalisation d'un système de cet acabit s'annonce délicate, le studio a jugé bon d'en tirer parti dans un dessein purement narratif et ludique. Dans le premier cas, cela permet au joueur d'associer à chaque personnage un comportement particulier et de varier les plaisirs. Par la même occasion, étant donné la non-proximité du trio, il s'agit de réduire les temps morts, de même que, les allers et retours entre deux missions, facilitant ainsi l'accès aux différentes zones de jeu.
« Avant, nous nous efforcions de maintenir la tension dramatique dans un unique récit, désormais, nous devons en gérer trois. », affirme Dan Houser. « C'est un pari difficile, mais facilitant l'introduction d'une intrigue complexe. Nous n'avons plus recours aux grosses ficelles et autres artifices pour délivrer une information ou faire vivre au joueur une situation donnée. D'autre part, le procédé lui permet d'incarner à la fois les deux protagonistes et l'antagoniste de l'histoire. Nous espérons que la galerie des personnages secondaires se montrera aussi solide et intéressante, peut-être moins variée que par le passé, dans la mesure où vos opposants seront souvent les autres personnages jouables. »
Une jouabilité refondue
Avec Grand Theft Auto V, Rockstar Games revoit en profondeur ses mécaniques de jeu. Si Dan Houser laisse le soin à ses équipes de revenir en détail sur les changements à une date ultérieure, le monsieur a bien voulu livrer ses impressions sur la conduite, les fusillades et le combat rapproché.
La conduite
« Dans GTA IV, la conduite ne permet toujours pas de ressentir le réel poids des véhicules, très instables. Par conséquent, nous avons retravaillé leur physique et les collisions. Désormais, les sensations éprouvées correspondent à celles d'un jeu de course. Préparez-vous à une gestion avancée du pilotage, comme peut-être vous n'en avez jamais vu dans la série. »
Les fusillades
« Nous avons parcouru un long chemin, depuis les anciens volets. Non seulement le fonctionnement de la chose, mais aussi l'arsenal disponible et j'en passe. Tout cela aura une forte incidence sur votre façon de jouer. »
Le combat rapproché
« Moins mous, les combats à mains nues bénéficieront de notre expertise. Néanmoins, les fusillades retiennent davantage notre attention ; au moins, nous nous arrangerons pour que le système se montre plaisant et jouissif. Bref, transcendant. »
Trois héros pour le prix d'un
La démonstration de Grand Theft Auto V à laquelle nous avons assisté s'attarde sur la vie quotidienne de chaque protagoniste. Tout d'abord, Michael (le narrateur de la première bande-annonce). La quarantaine, et ancien braqueur de banque, ce dernier mène une vie paisible dans le quartier aisé de Rockford Hills (l'équivalent de Beverly Hills ?), à la suite d'un accord spécial avec le FBI. Dans cet extrait, le bougre, portant des tongs, profite du soleil au bord d'une piscine. Les plus attentifs peuvent apercevoir un terrain de tennis privé et, à l'arrière-plan, l'imposante silhouette du centre-ville de Los Santos.
Bien qu'il semble baigner dans le luxe, Michael n'apprécie pas cette nouvelle existence, entre une femme dépensière qui brûle la chandelle par les deux bouts (clin d'œil à The Real Housewives of Orange County) et une communication inexistante avec ses deux enfants. Nous faisons ensuite connaissance avec sa fille Tracy, une adolescente qui se consacre à un jeu de danse. Elle lance à son père :
« C'est ce qu'on appelle de l'exercice. Tu devrais essayer un de ces quatre. »
Sa ressemblance avec Amanda, l'épouse de Michael, saute aux yeux. Les chemins des deux « tourtereaux » se croisent, lorsque madame à bord de sa voiture de sport, une Sentinel XS, s'en va faire du shopping, après lui avoir dit :
« Si tu veux savoir où je suis passé, tu n'as qu'à vérifier ton relevé de carte de crédit. »
« J' sens que c'est mon jour de chance ! J'appellerai plutôt les hôpitaux ! », rétorque Michael.
En comparaison, le couple ferait passer Tony et Carmela Soprano pour la famille Huxtables.
Michael enfourche une bicyclette dans son garage puis traverse la rue : des pelouses vertes bien arrosées, des collines vallonnées et des voitures luxueuses, à faire pâlir de jalousie le concessionnaire automobile de Liberty City, Grotti. De main de maître, Rockstar réussit à retranscrire l'aura de la « Cité des Anges ».
Exit Michael. Passage chez Travor, son ami de longue date. Le contraste est saisissant. La transition à la Google Earth voit la caméra s'éloigner, avant de se poser dans une région désertique, devant une caravane délabrée. Atteint d'une constipation passagère, Trevor hurle dans les toilettes :
« J'réclame une putain de sage-femme pour ça... »
Plus tard, Trevor conduit le Bodhi, véhicule tout-terrain aux allures d'un Jeep Wrangler JK. Blaine County accueille en son foyer aride et inhospitalier des motards, junkies et autres individus en marge de la société. (Une inspiration à voir du côté de Salton Sea ?) D'ailleurs, un groupe de types louches, posté devant un immeuble, attire l'attention de Trevor. Dans ce type de circonstance, Rockstar vous recommande d'analyser les réactions des personnages non joueurs ; par exemple, les habitants d'un bidonville se comporteront différemment en votre présence d'une maman à plein temps. Même chose pour l'environnement, circuler dans un lieu bruyant, bondé n'est pas la même chose que visiter une boutique chic.
La tendance psychotique de Trevor transparaît clairement, lorsque le joueur saisit un bidon d'essence, s'applique à répandre la liqueur autour d'un camion stationné et abandonne son briquet. Le feu se propage progressivement : tout d'abord, les pneus puis le châssis et enfin le réservoir, ce qui provoque une explosion spectaculaire. Voici grosso modo la journée type d'un toxico maniaque.
En ce qui concerne le troisième personnage, Franklin, on le retrouve à Vespucci Beach (aux airs de Venice Beach). Il doit récupérer une voiture pour son patron. Le front de mer accueille moult activités, incluant une salle de musculation. Un personnage non joueur prêche un sermon dans un coin de rue. Finalement, Franklin localise sa cible : un 9F, une voiture de sport inspiré de l'Audi R8. Une fois à l'intérieur, il ouvre le toit décapotable. Dans le centre-ville de Los Santos, nous reconnaissons plusieurs commerces familiers, dont un magasin Ammu Nation. Après son interdiction dans Grand Theft Auto IV, vu la stricte législation en vigueur à Liberty City, la vente d'arme est de retour, de même que votre chaîne d'armureries préférée.
Cette première mise en bouche en bon aperçu nous a permis de découvrir la personnalité de chaque personnage et le potentiel d'une approche narrative inédite.
Michael, Trevor et Franklin ne sont pas là pour meubler ; complémentaires, ils possèdent une psychologie, des motivations et des compétences qui leur sont propres. Lorsque vous ne les contrôlez pas, ils vaquent à leurs occupations et, en basculant de l'un à l'autre, vous seriez parfois surpris par les situations dans lesquelles ils se trouvent. Il est à noter qu'en dehors des missions, vous pouvez alterner à tout moment entre ces trois protagonistes.
« Cette opposition entre trois expériences, paysages et ambiances différentes donne toute sa saveur au jeu. Vous savez ? Ce sentiment unique de s'immiscer dans la vie d'autrui. », annonce Dan Houser. « Parfois, vous disposerez d'informations essentielles sur les personnages que ces derniers ignorent sur le moment, ce qui peut s'apparenter à une forme d'ironie dramatique. »
Les nouvelles têtes de Grand Theft Auto
Nom : Michael.
Métier : Retraité.
Âge : La quarantaine.
Adresse : Rockford Hills.
Histoire : Ancien braqueur de banque sous protection judiciaire, Michael baigne dans le luxe, à la suite d'un accord spécial avec le FBI. Bien qu'il semble mener une vie paisible, il n'apprécie pas cette nouvelle existence, entre une femme dépensière et une communication inexistante avec ses deux adolescents (Jimmy et Tracy). Mais, l'argent commence à manquer et cette « nouvelle vie » l'ennuie, il compte replonger sous peu dans le crime...
Apparence : Le bougre semble quelque peu vieux jeu, mais avec son air soigné, ses habits impeccables et son immense propriété, Michael tient une place dans la haute société.
Le mot de Houser : « L'idée derrière Michael était celle d'un vieux type, ayant réussi dans sa vie, qui se retrouve plongé à nouveau dans le crime. Au vu de tous les scénarios imaginables de bandits, braqueurs de banque et tueurs à gages que nous avons racontés par le passé, cette histoire (à l'image de celle de Niko, un immigrant, dans GTA IV) apporte à notre équipe un vent de fraîcheur non négligeable. »
Nom : Trevor.
Métier : Criminel.
Âge : La quarantaine.
Adresse : Blaine County.
Histoire : Toxicomane violent et impulsif, Trevor est un ancien pilote de l'armée qui n'a pas froid aux yeux. C'est un danger public ! À l'époque, il entreprend quelques holdups et combines avec Michael.
Apparence : Les temps ont été durs pour Trevor. Presque chauve, les cheveux restants en bataille, il porte un t-shirt blanc et un tatouage en pointillés autour du cou, « Coupe ici ».
Le mot de Houser : « Trevor nous apparaissait peu ou prou comme l'incarnation d'un autre visage de la criminalité (libre, sans valeurs). Si Michael représente le criminel mûr qui tente de se tenir droit dans ses bottes, en vain, qu'en est-il de la figure opposée ? Qu'en est-il du criminel opiniâtre qui crie à tout bout de champ "putain de merde", n'arrête pas de se droguer, ni de faire la fête et se complait dans le chaos ? »
Nom : Franklin.
Métier : Garagiste.
Âge : La vingtaine.
Adresse : Sud de Los Santos.
Histoire : Jeune, ambitieux et débrouillard, Franklin travaille pour un concessionnaire arménien de véhicules de luxe... vendus à ceux qui ne peuvent se le permettre. Il est souvent chargé d'aller réclamer les impayés. Franklin croise rapidement la route de Michaël et devient son disciple.
Apparence : Présentable, branché, Franklin est le benjamin du groupe.
Le mot de Houser : « Franklin est un petit escroc moderne qui n'a pas connu les beaux jours de la criminalité, s'ils ont existé. Lorsque l'on ne se fait plus aucune illusion, que nous reste-t-il à faire dans ce monde ? C'est un personnage intéressant, un jeune délinquant qui désire gravir les échelons, mais n'a aucune idée de la marche à suivre, surtout quand le retiennent des amis dangereux et peu fréquentables. »
Je m'attelle à la suite. D'ici là, patience, les loulous...
Je vous ai manqué ?