1 - Le réalisme, c'est quoi ?
Le réalisme est un mouvement littéraire du XIXe siècle qui tente de représenter la réalité, sans idéalisation. Il aborde des thèmes comme les relations conjugales ou les affrontements sociaux.
J'ai choisi ce terme, car il se rapproche le plus de mes idées. Dans le jeu vidéo, le réalisme serait donc le niveau de fidélité d'un jeu envers la réalité. C'est-à-dire, s'il est plus ou moins réaliste.
On peut l'évaluer à plusieurs niveaux :
Le niveau technique (qualité des graphismes ou des bruitages, animation, etc.) ;
Le niveau in-game (IA des ennemis, actions possibles par le joueur, plan des bâtiments, etc.) ;
Le niveau scénaristique (cohérence de l'histoire, psychologie des personnages, etc.). Il ne faut pas confondre réalisme et cohérence.
Dans un jeu réaliste tel que GTA4, conduire une voiture volante serait inenvisageable. Mais, rencontrer des dragons sur Skyrim est acceptable. C'est cohérent, par rapport aux lois dictées par l'univers.
2 - Les bons points
C'est beau et après ?
Le choix de reproduire au mieux la réalité peut se justifier. Le joueur attend dans une simulation de foot ou de vols un certain réalisme. Mais, qui parle de réalisme parle de difficulté !
Je me suis cassé les dents, en jouant à FIFA 12. Pourtant, ça ne m'a pas empêché de m'améliorer et de m'amuser, la manette en main.
Dans un autre registre, des jeux comme Heavy Rain essayent de nous proposer une expérience mature. Est-ce le meilleur moyen ?
Vous pouvez pester contre les incohérences ou les déplacements patauds du titre. Néanmoins, force est de reconnaître que le début du titre reste intéressant. On se sent vraiment dans la peau de ce père de famille ; les couleurs sont chaleureuses, accueillantes.
Bref, je ne me suis jamais autant senti dans un semblant de réalité. On se privera de savoir si les QTE peuvent retranscrire l'intensité du malaise vécu par le personnage à l'écran ou non.
Enfin, la technique revient souvent au cœur du débat. L'industrie est en proie une véritable guerre technologique. D'ailleurs, Battlefield 3 en fait un argument de vente.
Qui ne s'est pas extasié devant le rendu photoréaliste de la scène des chars ? Moi, le premier ! Mais, je suis désolé, ça ne fait pas, pour autant, du bébé de Dice un jeu réaliste. C'en est même l'antithèse.
Reprenons nos trois niveaux d'évaluation. (Je saute la partie technique.) D'un point de vue in-game, l'IA est médiocre, les ennemis sont aussi stupides que vos alliés. Le contrat a été, dès lors, bafoué.
Ensuite, le principe du soft se résume à suivre ses partenaires et tirer sur tout ce qui bouge, point barre ! En ce qui concerne l'intrigue, le scénario est convenu, sans enjeux réels.
N'oublions pas aussi que vous incarnez une machine de guerre, une coquille vide. Or, avant d'être militaire, un vrai soldat est un homme avec une conscience et un passé.
En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on a atteint aujourd'hui un tel niveau de détails que nous pouvons difficilement être surpris. En voyant l'avancée des derniers moteurs (UnrealEngine, CryEngine...), on est moins surpris que par le passage de la PS1 à la PS2 ou de la PS2 à la PS3.
Les développeurs devront jouer de moins en moins la carte graphismes tout de go. Qu'ils optimisent déjà ce qu'ils font de nos jours, ce serait sympa de jouer à un titre sans ralentissements, sans clipping et sans textures baveuses.
Après cela, il faudrait améliorer l'IA, la gestion de la physique, les collisions et plein d'autres détails qui cassent l'immersion.
Comme nous l'avons vu, la quête du réalisme se joue à plusieurs niveaux ; elle peut paraître appropriée pour certains types de jeux. Par exemple, tout l'intérêt des Sims est d'incarner un personnage qu'on ne serait jamais dans la vie réelle.
Cependant, utilisée à mauvais escient, elle se heurte à de nombreuses limites. Lesquelles ?
3 - Les mauvais points
Tous les hommes aiment se divertir, or les joueurs sont des hommes, donc les joueurs aiment se divertir.
N'est-ce pas un bon syllogisme ? Leitmotiv pour certains, religion pour d'autres, il revient souvent dans la bouche des détracteurs.
Ce que je recherche dans un jeu est de me divertir, de m'évader. J'accepte de mettre de côté mon scepticisme. C'est ce qu'on appelle la suspension consentie de l'incrédulité.
Par exemple, lorsque je joue à Bioshock, j'évite de me demander d'où sortent les Big Daddies. Au contraire, j'essaye de m'immerger davantage dans l'univers.
D'ailleurs, j'aime particulièrement cette citation d'Hideo Kojima :
« Je ne suis pas du tout intéressé par l'image de synthèse tentant de reproduire la réalité. Je ne pense pas qu'elle doit être utilisée de cette manière. Avec la magie des images de synthèse, nous devrions créer des mondes et des personnages que nous ne voyons pas dans la réalité. »
2002. C'est vieux ! Mais, ça résume bien mon avis sur la question.
Je n'ai rien contre les jeux réalistes. Après tout, tant que le fun, le plaisir de jeu ne sont pas entravés, je me tais. J'admire le travail de Rockstar. Cependant, la nouvelle orientation du studio me laisse perplexe.
Ce qu'on a gagné en maturité, en cohérence et en réalisme, on l'a perdu en terme de fun. J'ai adoré San Andreas et Vice City pour le côté barré, loufoque et le gameplay émergeant. (Ça ne les empêche pas de proposer une histoire profonde.)
Par contre, GTA 4 m'a déçu. Certes, techniquement, il est impressionnant, la bande-son est épique, le scénario nous tient en haleine. Malgré cela, l'environnement urbain froid du jeu porte préjudice à l'aura, l'âme du jeu.
Œuvre très impressionniste, je vous l'accorde !
Prenons aussi l'exemple d'Hitman : Blood Money. Tout le sel de l'expérience réside dans l'observation de votre proie et la mise en place d'une stratégie, avant le passage à l'acte.
Pourtant, on pourra se présenter sans relâche au même poste de garde, se faire jeter, puis revenir en policier la seconde suivante, le visage découvert et entrer comme dans du beurre.
Ce n'est pas réaliste ! Mais, comme ça reste jouissif ! D'ailleurs, pourquoi les Call Of Duty se vendent-ils comme des petits pains ? Pour le fun immédiat qu'ils procurent. Non, je ne suis pas un pigeon ! Et ça ne m'empêche pas parfois de m'y plonger.
Nous avons vu l'UNE des limites du réalisme ; elle peut faciliter l'immersion du joueur comme mettre un frein à son plaisir de jeu. Désormais, le plaisir, généré par l'œuvre, se joue sur la longueur.
Pourtant, certains choix étranges ou illégitimes peuvent rebuter ; par exemple, dans un jeu où la gestion de l'eau et de la nourriture n'ajoutent aucune valeur ludique ni thématique, je ne vois pas l'intérêt.
Ainsi, tout est une question de dosage, d'équilibre. Mais, alors, existe-t-il une recette miracle ?
4 - Une solution ?
GTA à la sauce Simpsons ? Oui, c'est ce qu'on appelle un compromis !
J'irais plutôt vers un compromis. En fait, cela dépend des ambitions affichées par le titre en question. Dans le cas d'un projet comme Milo, il me semble nécessaire d'accentuer ce penchant pour la vraisemblance.
Pour un jeu plus classique, du temps qu'il reste cohérent, ça ne m'embête pas de voyager à travers des vaisseaux spatiaux ou tuer des cyclopes.
Ce qui est sûr, c'est que le réalisme de surface ou technique ne peut être que bénéfique. Ensuite, il reste aux développeurs de tenter de nouvelles approches, expérimenter de nouvelles choses.
Peut-être qu'au même titre que le mouvement littéraire éponyme du XIXe siècle, le réalisme pourrait apporter un vent de fraîcheur à l'industrie...
5 - À vous de jouer !
Cette réflexion ne se veut pas exhaustive. Alors, n'hésitez pas à donner votre avis. Si vous l'avez aimé, bien sûr ! Ou pas !
Êtes-vous pour les jeux réalistes ? Les incohérences (personnages clonés, répétitions, etc.) ne gâchent-elles pas votre plaisir de jeu ?
Lequel des niveaux du réalisme vous paraît le plus primordial ? Que pensez-vous de cet article ?
Enfin, quelle serait pour vous l'expérience ULTIME ?
Skyrim en 2050 ?
Merci d'avance,
P.-S. Vous n'êtes pas obligé de répondre à toutes les questions. Parfois, un commentaire de 3 lignes peut suffire !
Si ! Si ! ;)