Vous pourrez retrouver ce test plus ou moins illustrés et pleins d'autres choses sur mon blog.

Dire qu'Alan Wake (2010) a marqué ma carrière de joueur serait un euphémisme. La décoration de mon blog en témoigne. Mais affirmer que j'attendais avec impatience le stand alone « American Nightmare » serait mentir. Réfractaire au phénomène de suites à outrance que le succès peut amener, les premières aventures de l'écrivain maudit (auxquelles j'ajoute les deux DLC sortis) se suffisaient en elles-mêmes à mon sens. Laissant le joueur avec son imagination pour répondre aux questions restées en suspens. Toutefois, je dois reconnaître que pouvoir tâter à nouveau de la lampe torche, replonger dans cet univers, me séduisait quand même. Et pourtant, sans vous faire languir jusqu'à la fin de ce billet, pour moi, Alan Wake's American Nightmare ne mérite vraiment pas ses 1200 points. Explications en plusieurs points.

Dès l'annonce de ce nouveau jeux, prévu dès le départ comme un épisode à part destiné au Xbla, et non comme un Alan Wake 2, j'ai suivi les informations qui tombaient au compte-goutte d'un oeil lointain. Déjà, certains s'inquiétaient, s'offusquaient de découvrir la mention d'un mode Arcade dans les menu, puis, via les premières vidéos de constater que le jeu qui s'appelait encore « Night Springs » prenait une voie résolument tournée vers l'action. Craintes que je ne partageais pas. D'une manière générale, je ne suis pas contre la mode qui voie tant de séries faire de l'oeil aux accro du gunfight tant que l'esprit originel qui les caractérise n'est pas trahit.

 

Si les premières images lâchées par Remedy dévoilaient des séquences bien plus nerveuses que ne l'était « Alan Wake » premier du nom, on y retrouvait cependant les décors, effets qui sont la marque de fabrique de la licence (car c'en est une désormais). Et si le jeu bénéficiait d'une écriture soignée, de personnages forts, d'une ambiance oppressante à souhait, il faut bien reconnaître que son gameplay se montrait relativement limité : se balader dans de faux espaces ouverts (en fait de grands couloirs la plupart du temps) ; affronter les ennemis en devant les éclairer à la lampe ; fuir, souvent et ... c'est à-peu-près tout. A l'époque, je suis totalement passé outre car complètement absorbés par l'histoire qui nous était contées, néanmoins, je comprends tout à fait ceux qui lui reproche ntce manque de renouvellement. Faiblesse partiellement compensée dans les DLC « the Signal » et « the Writer » qui proposaient des interactions supplémentaires lors des affrontement.

Ainsi, je me réjouissais de voir « American Nightmare » proposer une expérience de jeu plus diversifiée tout en conservant ce qui m'avait tant conquis. Malheureusement, après l'avoir fini, j'ai la désagréable impression que Remedy a tout fait à l'envers : sacrifier les qualités intrinsèques du jeu au profit de nouvelles feature finalement très accessoires.

 
Une balade de santé ?

Qualifier « Alan Wake » de survival horror témoigne au mieux de ne pas y avoir joué sérieusement (voir de ne pas y avoir joué du tout), au pire de sérieuses lacunes vidéoludiques concernant ce genre (et votre serviteur n'en touche pas une à ce sujet d'ailleurs). Non, « Alan Wake » n'est pas un survival horror. Il ne provoque pas cette peur latente, ce malaise constant que les cadors du genre horrifique semble proposer habituellement.

Pourtant, il m'est arrivé de stresser, de suer à grosses gouttes, de serrer les fesses à de nombreuses reprises lors des épisodes précédents. Tout le piquant était de savamment alterner les phases calmes, faites d'exploration de dialogues, avec des séquences plus angoissantes.

« Aurais-je assez de de munitions pour tenir jusqu'à la fin ? »

« Comment vais-je me défaire de tous ces ennemis qui m'attaquent ? »

« Combien de temps vais-je devoir courir dans la pénombre avant d'accéder à une source de lumière, synonyme de refuge temporaire ? »

Ces questions, ces sentiments faisaient, avec la narration, le sel du jeu. Soyons clair : jamais vous ne vous les poserez en parcourant les différents environnements proposés par « American Nightmare ».

 

 La gestion de l'armement et du nombres de munitions est un passage obligé pour n'importe quel jeu souhaitant offrir une expérience un tant soit peu stressante. Là où « Alan Wake » proposait peu d'armes. « American Nightmare » offre désormais un choix un peu plus conséquent : clouteuse, uzi, arbalète, fusil d'assault ... Malheureusement, au plaisir de la découverte de ces nouveaux joujous succède rapidement un constat amèr : bien peu ont un réel intérêt. Suivant sa manière de jouer, on en restera rapidement au même couple d'armes tant on a plus l'impression d'avoir affaire à des skins différents des deux ou trois mêmes armes qu'à de réels moyens variés de trucider du possédé à tout va. Si encore certaines armes s'étaient montrées plus efficaces contre certains types d'ennemis (car ils sont désormais plus variés, mais j'y reviens un peu plus bas), mais ça n'est pas le cas.

Qu'importe les armes alors ! Plus d'action signifie plus d'ennemis, plus de stress ! Il est vrai que dans le premier jeu, ce sentiment était en partie la conséquence de la crainte de se retrouver démuni face aux assaults des taken. Mais, malgré la rareté des recharges disséminées dans les niveaux, avec un minimum de précaution et une gestion raisonné de ses munitions, on pouvait arriver au bout de chaque épisode sans gros problème de ce côté-là. Ce stress, vous ne le ressentirez pas dans « American Nightmare ». Voulant proposer un jeu plus nerveux, les développeurs de Remedy ont cru bon de laisser des munitions et piles pour votre lampe un peu partout dans les zones visités ... Jusqu'à l'overdose ! Aux caisses de munitions qui se rechargent toutes seules au bout de deux minutes (alors qu'elles étaient à usage unique dans « Alan Wake »), il faut aussi ajouter les chargeurs, fusées que l'on trouve tous les dix pas, à des endroits souvent totalement absurdes. Ce jeu souffre de ce que j'appelle le « syndrome Tomb Raider » : quand je jouais aux premières aventures de Lara Croft, je m'amusais de la voir visiter des ruines, grottes oubliées de tous depuis des siècles et y trouver des trousses de soin déposées là par on ne sait qui ! Et bien, en ce qui concerne notre écrivain, j'ai souvent eu l'impression qu'un avion de l'armée avait laissée tomber tout son stock d'armes sur la région ! Évidemment, certains parmi vous me rétorqueront à raison qu'il faut bien faire quelques entorses à la logique dans un jeu. Mais j'ai toujours eu du mal à accepter dans les jeux, et encore plus précisément sur ceux de cette génération, qu'un univers, une ambiance soit gâché par ce genre détails.

Mais à la base, ces nouvelles armes venaient permettre à Alan de s'opposer à un nouveau bestiaire. Je dois reconnaître que les développeurs ont ici eu de bonnes idées. Parmi elles, je retiendrai les possédés qui se dédoublent lorsqu'ils sont trop éclairés et ceux qui se transforment en une nuée de corbeaux pour disparaître et réapparaître n'importe où autour de vous.

Mais pourquoi les adversaires sont-ils si faciles à défaire ? S'il faut toujours les éclairer avec votre lampe torche pour leur enlever leur nappe de ténèbres et enfin leur tirer dessus, il m'a semblé que les ténèbres disparaissaient bien plus rapidement que dans les épisodes précédents. Après, un deux ou trois tirs de carabine et on en parle plus ... De plus, la lampe se déchargeant quand vous l'utilisez contre les possédés, elle se recharge beaucoup plus rapidement désormais. Dans « Alan Wake », il fallait soit utiliser une pile, soit s'enfuir et attendre qu'elle recharge lentement toute seule avant de pouvoir à nouveau affronter les adversaires. Ici, je crois bien n'avoir jamais fait usage de pile. Mon compteur n'a jamais diminuer des dix allouées au tout début du récit. Au pire si les opposant se montraient trop nombreux, un feu de détresse et un coup de mitraillette répondaient efficacement. Même les grosses brutes qui paraissaient si impressionnant dans les trailer n'ont jamais pu approcher de l'écrivain maudit tant ils sont lents. Et je ne vous parlerais pas des araignées qui sont venus inutilement remplacer les corbeaux si pénibles du premier jeu dans le bestiaire de tout thriller horrifique qui se respecte.

Enfin, et c'est le plus grave à mon avis, pour un jeu qui était censé s'orienter vers beaucoup plus d'action, je n'ai pas eu le sentiment d'être plus souvent confronté aux possédés que dans un seul épisode de l'oeuvre originale. Ce qui est quand même paradoxal ! Un coup d'épée dans l'eau en soit

 

« Nous avons lu avec attention votre manuscrit, malgré ces qualités évidentes, il ne correspond pas à ce que nous recherchons. Veuillez agréer ...»

Raconter l'histoire d'un écrivain à succès qui perd pied et commence à confondre la réalité avec la fiction de ses romans nécessitait un récit fort, avec des personnages marquants, une narration maline et prenant place dans des environnements à la fois réalistes et ouverts aux fantasmes. Toutes ces conditions étaient, de mon point de vue, réunies dans « Alan Wake », le rendant unique à mes yeux et constituant ces véritables points forts. Comme je l'ai précisé dans mon introduction, je juge que le premier jeu constitue une expérience à part entière qui n'a nulle besoin d'être complétée par une suite. Au mieux peut-elle être enrichie.

Tout le talent des scénaristes de Remedy, Sam Lake en tête, est d'avoir, dès le premier jeu suffisamment étoffé leur univers afin de pouvoir s'appuyer sur divers points pour raconter d'autres histoires. Ainsi, celle contées dans « American Nightmare » prend-elle très astucieusement place dans un épisode de la série « Night Springs » (Zone X dans la version française) que l'on pouvait découvrir entre deux assaults dans « Alan Wake », permettant ainsi de construire un récit nouveau, indépendant du précédent, mais qui vient le prolonger de manière intéressante. Tout du moins sur le papier.

 

A la délicieusement inquiétante bourgade forestière de Bright Falls vient succéder les zones désertiques de l'Arizona. Ambiance différente mais tout aussi raccord avec le récit général. C'est non sans plaisir que l'on arpente le premier environnement proposé : un motel perdu sur le bord d'une route. Un petit détour par le menu des options me révèle que le jeu ne compte que trois zones distinctes : en plus du motel, on visitera un observatoire sur une montagne, puis un drive-in. Après une première déception, je me dis qu'après tout, « American Nightmare » est un jeu téléchargeable et qu'il ne peut donc pas proposer autant d'environnements qu'un jeu « en dur ». De plus, je me rappelle que durant sa (très) longue gestation, « Alan Wake » avait été initialement imaginé comme un jeu open world avant que les développeurs de Remedy ne revoient leurs ambitions à la baisse. J'imagine alors que ce nouveau jeu pourrait proposer plus de liberté dans l'exploration des trois zones, des aller-retour justifiés par le scénario. Autant dire que je me suis bien foutu la lampe dans l'oeil !

Comme signalé précédemment, les combats ne se révélant ni plus nombreux, ni plus palpitant (j'aurais même tendance à penser moins) que dans son prédécesseur, à moins de fouiller de fond en comble chacune d'entre elles, vous traverserez relativement rapidement chacune des trois zones. Pour finalement tout recommencer ! Deux fois même ! Et oui, les scénario se la joue « un jour sans fin » en vous faisant revenir en arrière pour reproduire vos actions, mais en les améliorant pour arriver à un dénouement plus heureux.

Si cette idée narrative se prête finalement assez bien à un jeu limité en place du fait de son statut téléchargeable, ne pouvant pas proposer une aventure trop étoffée géographiquement, on l'a déjà vu utilisée de manière plus intelligente, comme dans l'excellent film de Harold Ramis.

Sans spoiler, l'astuce présentée dans « American Nightmare » offre plus de la pirouette scénaristique qu'autre chose. En arpentant par trois fois les mêmes lieux, j'ai eu la désagréable impression que les scénaristes avaient fourni le minimum syndical, comme s'ils s'étaient bridés volontairement, réservant leurs meilleurs idées pour un autre jeu (une suite ? ). En revenant pour la deuxième fois au point de départ, après avoir cru à une mauvaise blague, je me suis dit : « allons, vu la qualité du scénario dans le premier jeu, ils ne peuvent pas céder à la facilité. Je vais forcément être surpris. Il y aura de nouvelles interactions ». Autant vous dire que je me fourrais encore la lampe dans l'oeil (l'autre oeil, dans le premier, il y en a déjà une). Car en plus de ne fournir rien de nouveau lors de ces nouvelles visites, les développeurs vous livrent directement les objets nécessaires à la suite de votre aventure, alors qu'il fallait les chercher au début du jeu. Un peu comme s'ils voulaient vous dire : « eh ! Ne perds pas de temps avec l'exploration, on a fait le jeu pour qu'il y ait plus de combat, alors va te battre au lieu de glander à visiter l'endroit ». Sauf que si vous m'avez suivi depuis le début, ben, les combats ils sont vite expédiés au final.

Bon, il reste l'exploration me direz-vous. Rien n'empêche de traîner un peu autour du motel, de l'observatoire ou du drive-in pour parlementer avec les protagonistes, débusquer les secrets. C'est dommage qu'on n'ait que deux yeux, parce que je me serais bien fourré une lampe dans le troisième !

Concernant les personnages rencontrés, passons-vite. Ils sont peu nombreux (sans compter M. Scracth, un par épisode) et malheureusement peu intéressant. Si les dialogues proposés avec eux viennent nourrir un peu la « mythologie Alan Wake », leur nombre fond comme une bougie au gré de vos nouvelles visites dans les zones.

A propos des secrets (pages, émissions de radio ou télé), bien que leur nombre apparaissent comme plus élevé que dans le premier jeu (un bon point) au vu de ce que peut laisser entrevoir le grand nombre d'emplacements (encore symbolisés par des points d'interrogation au début de l'aventure) du menu d'option, là aussi, vous risquez de déchanter.

L'un de mes plus grands plaisirs dans « Alan Wake » était de fouiller les différents lieux visités au cours de l'aventure, à la rechercher des pages perdues, émissions de radio, de télé, venant progressivement lever certains voiles d'ombre du récit et façonner progressivement l'image que je me faisais de Bright Falls, de ses environs et de ses habitants. Cela avait justifier le fait que je me lance à nouveau dans l'aventure en mode « cauchemard » afin de mettre la main sur tous les manuscrits. Ce plaisir est bien présent dans « American Nightmare », mais uniquement lors de la première visite des trois zones. Pour une raison que je ne m'explique pas, et c'est peut-être la plus grande erreur que je reproche aux développeurs de Remedy, lorsque vous reviendrez dans les trois environnements déjà parcourus, vous retrouverez les pages, télévision et poste de radio au même endroit, avec des contenus certes différents (heureusement d'ailleurs), mais vous privant ainsi de tout plaisir d'exploration. Pourquoi ?

S'il faut bien souligner quelques points positifs, c'est que les informations et anecdotes glanées se révèlent toujours aussi intéressantes pour qui se passionne pour l'univers l'écrivain maudit. Mention spéciale pour les séquences télévisées particulièrement malsaines et dérangeantes dans lesquelles Ikka Villi, interprète « live » d'Alan Wake et donc aussi de M. Scratch, prend un plaisir évident à jouer le double maléfique. Je regrette d'ailleurs qu'il ne soit pas possible de visionner ces séquences en plen écran.

Alors oui. Je m'en doute, parmi ceux qui ont apprécié ce stand alone, certains utiliseront l'argument du jeu téléchargeable pour justifier une aventure plus courte, réduite à tourner en boucle pour limiter le nombre de lieux visités. A ceux là, je réponds : « qui du mode arcade alors ? »

 

Oui, le jeu propose un mode arcade qui, si ça n'est pas ma tasse de thé, se révèle globalement assez sympathique et bien fichu. Un pseudo mode horde dans lequel Alan Wake doit résister durant un certain temps devant les assaults répétés de possédés de plus en plus nombreux et féroces. Toutefois, aussi bien réalisé soit-il, ce mode a fini de m'agacer pour deux raisons.
La première est que les affrontements y sont bien plus haletants que dans le mode histoire. J'y ai retrouvé les feelings ressentis à certains moments épiques du premier jeu et jamais retrouvé au cours de l'aventure de « American Nightmare ».

Le seconde raison et sans doute la pire est que ce mode propose plusieurs environnements vraiment bien fichus (cimetière, ville abandonnée ...) qu'on ne traverse pas du tout dans le mode histoire. En y jouant, j'ai pris ce mode comme une imposture. La place allouée au mode arcade aurait du être utilisée pour enrichir, approfondir l'aventure principale de cet épisode.

 
Finalement, dire que « Alan Wake'American Nightmare » m'a déçu est vraiment en dessous de la réalité. Mon sentiment est certainement accentué pour bien des raisons : le fait que le premier jeu soit une de mes plus belles expériences de joueur ; que les critiques lues ci et là aient été si bonnes en général. Le plaisir de replonger dans le monde noir d'Alan Wake aurait-il aveuglé les journalistes sur la vanité de ce jeu ? Je ne me l'explique pas. Une chose est certaine, il ne mérite pas ces 1200 points. Si vous ne l'avez pas encore acheté, mieux vaut attendre de le voir en promotion pour profiter de cette aventure sans se sentir flouer. Dans le cas contraire, vous risquez de voir l'arrivé d'une véritable suite, suggéré dans les crédits de fin, d'un oeil méfiant, à condition d'avoir retirer au moins une des lampes torche qui s'y trouve.