Il m’aura fallu deux essais pour voir le bout de ce titre réalisé par le studio Sucker Punch. La première fois au moment de sa sortie, en « physique » où j’abandonnai ma partie au moment où le héros parvient à rentrer chez lui, en gros au début du deuxième tiers du jeu. Peu emballé par la proposition, je revendais la galette et passé à autre chose. Puis il y a quelques mois au hasard de mes recherches sur le très fouillis nouveau PS+/PS NOW je tombai sur la version « Director’s Cut ». Après avoir donné sa seconde chance à Skyward’s Sword (Zelda) j’ai voulu poursuivre ma quête rédemptrice et relançai l’aventure nippone sous le joug des mongols. Ce qui suit est donc ce qui ressort de cette seconde tentative, où cette fois je parvenais jusqu’au générique de fin.
Précision : toutes les images qui illustrent cet article seront mes propres captures d’écran et comme vous allez très vite le constater, sont toutes en Noir & Blanc. C’est que j’ai toujours joué à Ghost of Tsushima en mode « Kurosawa », un filtre qui donne l’impression de parcourir un film du maître. Pour moi, il se joue comme cela et le voir en couleur me perturbe toujours. Je ne le connais que sous cette forme-là, et pas autrement. Cela peut paraître étrange je le conçois mais c’est ainsi.

  • Éditeur : Sony Interactive Entertainment
  • Développeur :  Sucker Punch
  • Distributeur : Sony
  • Année de sortie : 2020
  • Joué sur PS4 (PS+ Premium)
  • Article composé de 1983 mots

 

TSUSHIMA (NO) RUSH

Nous sommes en l’an 1724 sur un petit archipel de l’empire japonais. Les Mongols envahissent avec force et brutalité Tsushima, que les samouraïs de l’île vont tenter de repousser lors d’une sanglante bataille. Jin Sakai, neveu du Daymio Shimura - seigneur du coin - est de cette offensive. Mais comme tous ses camarades, il se fait rapidement submerger par les assauts incessants des hommes du Khan, un grand stratège issu de la lignée du Grand Gengis en personne.


Khotun Khan, descendant du Gengis, dirige l'invasion du Japon via Tsushima. Bien que le fait historique soit avéré, le jeu à inventé beaucoup d'élément pour le bien de son récit, dont ce personnage

Shimura est fait prisonnier tandis que les ‘chevaliers’ nippons sont tous décimés. Tous ? Non. Le fier guerrier Sakai survit miraculeusement à ses blessures grâce à l’intervention de Yuna, une voleuse plus maline et clairvoyante que la moyenne. Elle souhaite qu’il paye sa dette en libérant son frère, retenu dans un camp de prisonniers où ses talents de forgeron sont mis à la contribution forcée de l’ennemi. Mais le seigneur Sakai à plus d’ambition que cela, c’est l’île toute entière qu’il souhaite libérer, en fédéralisant tout ce qu’il reste de combattant valide en une insurrection puissante et efficace.


Le Fantôme, ici à droite, forgera des alliances avec des gens avec lesquels il n'aurait jamais eu de relations autrefois, comme ici avec une voleuse et un arnaqu...vendeur de saké (frelaté)

Mais pour cela, il devra renoncer à ses idéaux, à son sens de l’honneur si cher à son statut de samouraï et adopter une voie plus sombre, plus pernicieuse s’il souhaite reconquérir son foyer mètre après mètre, village après village, allié après allié. Petit à petit, au vu de ses exploits aussi terribles que fructueux, naît la légende de l’île. Celle d’un libérateur impitoyable mais juste, d’un guerrier ne laissant aucun survivant dans son sillage, d’un revenant à la soif de vengeance insatiable. Celle du Fantôme de Tsushima.


Jin Sakai devra adopter des méthodes en contradiction avec ses valeurs si il souhaite remporter ses combats, ses batailles et la guerre. Du Samouraï il se métarmophosera progressivement en Fantôme...

Sur une carte immense représentant peu ou prou la vraie île du bout du monde, votre but sera donc de reprendre du terrain et d’organiser la résistance face à l’envahisseur. À chaque mission vous seront octroyées expérience et ressources et seront parfois agrémentées d’une rencontre fort utile à votre entreprise. Chaque nouvelle recrue d’importance aura elle même des missions à vous confier et c’est ainsi, de services rendus en coups de main bienvenus que vous progresserez dans l’épopée.


Les effroyables troupes mongoles ne font pas dans la dentelle et laissent derrière elles monceaux de cadavres, cendres fumantes et rivières de sang

La première chose à relever quand on parle de Ghost of Tsushima, c’est son ambiance. Malgré la terreur omniprésente, la dureté de la guerre et la violence des combats, se dégage de l’ensemble comme un sentiment de sérénité immuable, de profonde quiétude. La beauté de ses décors, de ses champs qui s’étirent à perte de vue, de ses temples, de ses plages et de cet océan qui n’est jamais bien loin y est sans doute pour quelque chose dans cette sensation apaisante. Néanmoins que cela ne vous fasse pas oublier les bourgades en cendres, les habitants massacrés ou brûlés vifs, les nombreuses patrouilles ennemies qui veillent sur les routes et les chemins de traverse.
Cette sensation de plénitude ne fait que se renforcer lors des phases de dialogue avec vos compagnons, aux phrasés soutenus, très imagés et au débit posé. Les regards sont contemplatifs, les non-dits fréquents, les sous-entendus nombreux. Tous sont ambivalents, complexes, avec leur secret et leur courage, leur colère et leur déception, leur rancœur et leur joie. Dans l’ensemble, l’aventure propose un rythme plutôt lent, ponctué par des affrontements marquants et nerveux, à ne jamais prendre à la légère.


Votre monture chevaline est dotée d'un assez fort caractère. Une simple pression sur la flèche gauche de la croix directionelle fera apparaître votre cheval hors champ en un instant, ce qui amène à quelques situations absurdes de temps en temps

 

LA MAUVAISE PENTE

Vouloir décrire l’ensemble des mécaniques présentes dans « Ghost » reviendrait à pondre un véritable catalogue tant celles-ci sont nombreuses. Je passerai vite fait sur le désormais classique système de ressources qui permettent de vous réalimentez en soin et ustensiles divers ainsi que sur le principe de points d’expérience à répartir dans de nombreux arbres de compétences - presque trop, sûrement trop - et comptant également dans la jauge permettant d’agrandir votre légende.


Les immenses fumées noires qu'on aperçoit au loin représentent des camps à devoir reprendre, tandis que Jin file à toute allure dans le sens du vent

Revenons plutôt sur les particularités du titre.
En premier lieu, nous allons parler des quatre différentes postures de combat, chacune s’adaptant à un type d’ennemis. Dites postures de l’Eau, de la Lune, du Vent et de la Pierre, il est assez aisé de les sélectionner à la volée via l’une des gâchettes (+ l’analogique). Et cela vous sera fort utile lors des affrontements pour vous permettre de combattre de manière optimum vos différents adversaires qui vous encercleront en nombre.
Malheureusement, cette maniabilité se noie dans un ensemble de système de sélection d’armes et d’utilitaires de combat qui finit par nous embrouiller car trop d’options disponibles, qui dans le feu de l’action nous fait faire notre lot de conner… de bêtises.


On la tente à chaque fois l'approche discrète. Et comme à chaque fois ça part en vrille et on termine par exterminer tout le camp dans la douleur et l'hémoglobine...

Une vraie belle idée vient de l’utilisation du pavé tactile (j’aurai presque envie de dire enfin !) qui aura là aussi quatre fonctions selon dans quel sens vous allez effleurer la surface. Vers le bas Jin présentera ses hommages (oui cela pourra servir), vers la gauche il jouera de la flûte (ersatz de l’ocarina du temps), vers la droite il dégaine/rengaine sa lame avec plus ou moins de classe et le plus intéressant sera le mouvement vers le haut qui fera souffler le vent vers votre objectif principal (que vous pouvez modifier à votre guise). Un point à mettre en avant concerne l’écran du jeu vierge de toute indication la plupart du temps, ce qui laisse le champ libre aux décors pour s’exprimer.


Jin Sakai devant l'entrée de son domaine

Parlons aussi des (très) nombreuses possibilités de personnalisation vestimentaire de notre protagoniste, que ce soit en terme d’armure lourde/légère voir de kimono (chaque tenue possède sa propre capacité plus ou moins utile) ainsi que de fourreaux pour ses lames - le katana familial et le tantō (lame courte servant pour les assassinats en douce). Notez que l’ensemble du matériel du samouraï est améliorable via des artisans qu’il est possible de croiser dans de nombreux lieux ; et que de tout mettre à fond vous prendra pas mal de temps. À vous de voir si cela s’avère nécessaire ou pas en fonction de votre manière de jouer...


Il existe plusieurs catégories de quêtes. L'histoire principale concerne le 'voyage' de Jin tandis que les récits narrent les histoires secondaires et de compagnons. Iki concerne le DLC que j'ai juste 'enclenché' sans m'y plonger et les mythiques parlent des armures et armes légendaires à dénicher via de longues et aventureuses péripéties. Tout cela combiné donne un nombre invraisemblable de missions à effectuer, jusqu'à la saturation

 

L'ÉTÉRNITÉ C'EST LONG, SURTOUT VERS LA FIN

Il est venu le temps de parler des vrais problèmes. Oui Ghost of Tsushima est beau. Oui Ghost of Tsushima est envoutant. Oui Ghost of Tsushima a de vrais personnages forts. Et oui Ghost of Tsushima est bien écrit. Aucun doute sur tout ça.

Mais Poukram de bordel de Merle, qu’est-ce qu’il est longuet ! Qu’est-ce qu’il est lourd ! Qu’est-ce qu’il est interminable !!

Cette lenteur lancinante qui peut faire son effet au début finit par alourdir la moindre scène de discussion entre les personnages. Cela fonctionne dans un film japonais de deux heures mais sur la longueur d’un jeu de cette ampleur cela le rend tout simplement indigeste.


Entouré d'une veuve en quête de vérité sur la mort de sa famille et de son mentor, le Fantôme s'apprête à passer à l'action

À cela il faut ajouter une quasi-infinité de sous-quêtes annexes dont on finit par ne même plus savoir en quoi elles consistent tant elles en deviennent barbantes au bout de la cinquantième.
Et complétez le tout avec une collection de bidule, lieux et collectibles à amasser qui confine au ridicule tellement ils en ont mis absolument partout, jusqu’à l’excès. Et le plus dingue c’est qu’alors que j’ai parcouru tout de même une sacrée partie de la carte, il y a des catégories entières qui me restent encore inconnues et dont je n’ai mais alors pas la moindre idée de ce dont il s’agit. Et que j’avoue je ne chercherai même pas.


Vous en passerez du temps dans les sous-bois à courir derrière ces fichus renards !

Entre les éléments cosmétiques, les sanctuaires shinto, les sources chaudes, les piliers de l’honneur, les phares, les sanctuaires d’Inari (les renards), les bambous d’entraînement, les duels, les haïkus, les bannières, les rouleaux de témoignages, les archives d’Iki, les artefacts mongols, les criquets chantants, les objets clés et les innombrables ressources diverses, vous ne saurez plus où donner de la tête. Et encore je le répète il existe des trucs dont j’ignore la consistance, mon tableau récapitulatif ayant des cases toujours verrouillées !


La qualité des détails est hallucinante comme en témoigne le visage de cette femme

Alors j’ai bien essayé d’y mettre de la bonne volonté. Bon élève j’ai terminé la première carte (sur trois) à fond. Croyez-moi cela se révèle déjà un certain investissement en temps… Puis on arrive à la deuxième section et on constate que de faire tout ce barda ne mène à rien. On perd des heures à ramasser des trucs qui s’accumulent sans que vous n’avanciez d’un iota dans l’avancement effectif du scénario (ça me rappelle furieusement un certain Breath of the Wild tiens…). Tant et si bien qu’à un moment vous laissez tout cela sur le bas-côté. Cela amusera les chasseurs de trophées à n’en pas douter mais en ce qui me concerne cela à fini par grandement m’agacer.


Prêt pour un duel...

J’ai abandonné à environ 70/80% du deuxième secteur et je n’ai absolument rien récupéré du troisième, me contentant de tracer les quêtes principales et de compagnons sans rien calculer d’autre tellement j’avais hâte d’en voir le bout de cette interminable odyssée. Je n’ai pas libéré un seul camp, exploré quoi que ce soit ou cherché la moindre breloque. On finit par en avoir marre de parcourir Tsushima dans tous les sens pour des broutilles. J’en avais vraiment plein le fondement de tout ce bordel !
Peut-être y reviendrai-je un jour pour compléter ce qu’il reste à faire, mais peu probable. Pareil pour le DLC qui se déroule sur une autre île et qui voit Jin partir sur les traces de son père mystérieusement assassiné sous ses yeux alors qu’il était encore jeune. On verra. Mais pour le moment j’ai clairement envie de passer à autre chose !


Comme vous pouvez le constater sur cette carte représentant la troisième et dernière partie du jeu, je n'ai effectué que le strict minimum sur cette dernière afin de finir au plus vite cette aventure démesurée.

 

Un monde ouvert qui plombe un scénario bien écrit. Voilà comment je résumerai ce Ghost of Tsushima. Si le jeu s’était contenté de raconter son histoire dans un jeu linéaire et plus étriqué, il serait devenu un chef-d’œuvre de narration et de développement de personnage. Au lieu de cela, à vouloir faire trop grand il en devient un titre pénible à parcourir, rempli d’objectifs secondaires voire tertiaires uniquement là pour accroître artificiellement une durée de vie qui de base n’en avait nul besoin.
Alors certes c’est magnifique, indéniablement. L’atmosphère de cet îlot nippon est une ode à la contemplation et à la méditation zen, entre deux massacres de mongols et de pillage de yourte en mode ninja. Toutefois je ne peux m’empêcher de penser que les développeurs ont eu trop d’ambition, au détriment d’une histoire centrale de pourtant bonne facture. L’ensemble est de haute qualité mais aurait gagné à être bien plus modeste dans sa proposition pour ne pas perdre les joueurs sur la longueur.