C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le 16 juin le décès de Tim Sale, à l’âge de 66 ans. C’est Jim Lee lui-même qui depuis quelques jours partageait ses inquiétudes sur l’état de santé de son ami qui venait d’entrer à l’hôpital. Avec le sort funeste que l’on connaît.
Le but de cet article ne sera pas de retracer l’immense carrière de ce dessinateur hors normes, la page Wikipédia s’en charge parfaitement, mais de rendre un modeste hommage à ce formidable artiste au travers de quelques œuvres du bonhomme qui me marquèrent.

Déjà, il convient de mettre en avant le style unique de Tim Sale. Un style très particulier qui peut surprendre quand on le découvre. D’apparence naïf voir grossier ou même simpliste quand on le regarde de loin, on ne peut que constater tout le talent du dessinateur que quand on se penche sur son travail. D’une précision chirurgicale, absolument rien n’est laissé au hasard dans chacune de ses cases, chacune de ses planches. Son clair-obscur est calculé au millimètre, chaque plan est étudié au cordeau. Avec l’aide de son éternel comparse Jeph Loeb, scénariste, il signera rien de moins que certains albums mythiques, avec en point d’orgue ‘Un Long Halloween’ pour DC, qui met en scène le Chevalier Noir dans une aventure à la fois dantesque et viscérale. Du grand art.

Avec sa disparition, c’est une bonne part de l’originalité du monde du comics qui s’en va. Combien d’artistes du monde de la bande dessinée américaine peuvent se targuer d’avoir un coup de crayon immédiatement identifiable ? Déjà rares, ils se réduisent au fil du temps à peau de chagrin pour aboutir à une sorte de fadeur générale, sans personnalité qui se démarque ou caractère qui transparaît. C’est en cela que la disparition de Tim Sale marque un tournant dans cette industrie. L’un des derniers géants nous a quittés et il laisse un immense vide derrière lui…

Pour terminer j’en viens à mon rapport personnel à Monsieur Sale (et Monsieur Jeph Loeb). Je commencerais par évoquer leur magnifique « Yellow » pour Daredevil. Évoquant les débuts de « Tête à cornes » et sa relation à Karen Page, c’est tout simplement un chef-d’œuvre à la fois dans sa mise en page et son récit. On y retrouve un Matt Murdock nostalgique de ses premières sorties en tant que justicier, à l’époque où son costume était encore jaune (et lui, jeune). Je ne préciserai pas le pourquoi du comment de l’histoire car le simple fait de décrire le contexte du récit se révèle être une grande révélation sur le statut d’un personnage, un statut que les lecteurs assidus de comics connaissent mais qui doit rester une ‘surprise’ pour les amateurs qui découvrent cet univers via le MCU.

Mon autre grande œuvre du duo, au sommet de leur art, c’est "For All Seasons" (que je nomme parfois « Les 4 Saisons » quand je l’évoque en français) pour Superman. Il s’agit d’un récit en quatre tomes, qui se déroulent donc sur une année avec un narrateur différent pour chaque saison. Jonathan Kent pour le Printemps, Lois Lane pour l’Été, Lex Luthor pour l’Automne et enfin Lana Lang pour l’Hiver. Et c’est pour moi un indispensable à lire sur « l’Homme D’Acier », tout simplement. On y suit un Clark Kent entre ses aventures à Metropolis et les souvenirs des différents protagonistes suscités. Une puissante aura se dégage de toutes ses pages, un sentiment de bien-être, de mélancolie, de douceur de vivre… Le temps semble comme se ralentir quand on lit cette histoire, à la découverte d’un Superman différent, avec son quotidien finalement pas si extraordinaire puis surtout ses rapports simples à sa famille et ses amis.

Les dessins sont d’une beauté presque irréelle parfois, les couleurs choisies avec parcimonie dans des tons pastel du plus bel effet. On est subjugué par certaines planches, leur composition et leur colorisation. Ajoutez à cela des textes et dialogues aux petits oignons et vous obtenez rien de moins qu’un des plus grands récits consacrés à l’Homme de Demain.

Quelques Dessins de l'artiste:

Tim Sale était une figure singulière de l’univers des Comics. Un style inimitable et reconnaissable entre mille qui avec son binôme Jeph Loeb contribuèrent à la publication d’œuvres marquantes. La Saga des couleurs chez Marvel ou bien leurs différents tomes pour Batman qui marquèrent profondément les lecteurs. Son trait faussement simpliste était en vérité d’une concision exemplaire, sans fioritures aucune. Son absence se fera fortement ressentir dans les années qui vont suivre, dans une industrie qui ne laisse désormais plus trop de place aux artistes atypiques. J’espère cependant que le travail de Tim Sale sera étudié dans les écoles d’art américaines et qu’il inspirera une nouvelle génération de dessinateurs…

 


Pour les amateurs de série, Tim Sale était celui qui se cachait derrière les peintures du 'devin' dans le show.